DOSSIER À combien se transigera la tonne de GES? par Daniel Allard Un des aboutissements de l'application du Protocole de Kyoto aura des conséquences originales dans les domaines de la finance et du commerce. Pensiez-vous un jour pouvoir vendre à la bourse vos « Droits d'émissions de CO2 » et en retirer un grand profit? C'est pourtant ce que l'avenir réserve. Plusieurs bourses du monde, dont la Bourse de Montréal, se préparent à avoir une « section verte » pour permettre le jeu de l'offre et de la demande en matière de capacités d'émissions des fameux GES (gaz à effet de serre). Exemple: le Canada devra, pour respecter le protocole de Kyoto, réduire ses émissions de GES de 30%. En 2010, le pays émettra 810 millions de tonnes de GES par an. Pour ramener les émissions de GES à 6% en dessous du niveau de 1990 comme le commande le protocole, il ne devra rejeter que 570 MT de GES dans l'atmosphère par an entre 2008 et 1012. Si les producteurs canadiens de GES veulent dépasser ce seuil, ils devront obligatoirement s'acheter des « crédits », des « droits d'émissions » vendus par d'autres ayant fait les efforts pour réduire leurs propres émissions de GES. De là la pertinence des « bourses vertes ». Aux États-Unis, la Chicago Climate Exchange est d'ailleurs déjà en activités depuis l'an 2000 (la tonne de GES se négocierait actuellement autour de 4$US, un coût qui pourrait bien passer à 10$US une fois que le protocole sera mis en branle, pense plusieurs spécialistes). Dès que la Russie aura confirmé son adhésion au protocole, ce qui est prévu d'ici 2004, le nombre de signataires permettra la mise en oeuvre de l'accord. C'est donc dans une perspective de court/moyen terme qu'il faut envisager les changements en matière de gestion des GES. Le système fonctionne aussi déjà au Royaume-Uni et sera en vigueur en Europe dès 2005 (il permettra aux entreprises n'ayant pas atteint leur quota d'émissions de GES de revendre la différence à d'autres qui doivent les dépasser). À la Bource de Montréal, on voit ici l'occasion de mettre sur le marché de nouveaux produits dérivés financiers. Dans les entreprises, il faudra soit contribuer à l'atteinte des engagements de réduction nationaux pris par le gouvernement du Canada, soit se préparer à assumer une facture d'émetteur excédant. Dans les deux cas, il faudra mettre la main dans sa poche. En mai 2003, le vice-président de la Bourse de Montréal, Leon Bitton, estimait que le marché représentait 1,6 milliard $ par an à 10$ la tonne de GES. Mais la Bourse de Winnipeg est aussi clairement dans la course, dans un marché canadien qui ne semble pas d'ampleur à justifier deux places boursières en la matière.
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Commerce Monde #37 |