SOMMAIRE

En connaissez-vous?
Les constructeurs de mondes

par Daniel Allard

Si vous êtes en affaires pour réussir, vous l'êtes un peu aussi pour tenter de changer le monde qui vous entoure! Changer le monde! Idéal, quand tu nous tiens! Noble rêve caché de plusieurs; changer le monde, c'est de fait réussir à construire un monde meilleur. Si un tel chantier ne s'accomplit pas en solitaire, il a ses vedettes et son élite au sommet. Si l'avenir du monde vous intéresse, il est certainement pertinent de connaître les noms de ceux qui en tirent les ficelles de façon significative. La publication récente de la liste « des plus puissants patrons du monde » est donc digne d'un grand intérêt.

Ce qui est ici nouveau c'est le fait que, pour la première fois, la très états-unienne revue Fortune vient d'établir un classement des 25 dirigeants d'entreprises les plus puissants du monde en dehors des États-Unis. Ce Fortune Power 25 regarde donc - signe des temps? -plus loin que l'Amérique. Que dit-il?

Tableau 1
LISTE DES 25 PATRONS LES PLUS PUISSANTS DU MONDE (HORS-USA) SELON LA REVUE
FORTUNE

  1. John Browne, dg de British Petroleum (Royaume-Uni)
  2. Nobuyuki Idei, Sony (Japon)
  3. Shoichiro Toyoda, famille fondatrice de Toyota (Japon)
  4. Jürgen Schrempp, DaimlerChrysler (Allemagne)
  5. Josef Ackermann, Deutsche Bank (né en Suisse)
  6. Li Ka-Shing, président de Hutchison Whampoa (Hong Kong)
  7. Silvio Berlusconi, fondateur de Mediaset (Italie)
  8. Clauce Bébéar, ex-pdg d'Axa (France)
  9. Jorma Ollila, Nokia (Finlande)
  10. Carlos Ghosn, redresseur de Nissan (Brasilo-français d'origine libanaise)
  11. Abdallah Jum'ah, Saudi Aramco (Arabie Saoudite)
  12. Yun Jong Yong, Samsung Electronics (Corée du Sud)
  13. Peter Brabeck-Letmathe, Nestlé (Suisse)
  14. Bernard Arnault, LVMH (France)
  15. Mikhail Khodorkovsky, Yukos Oil (Russie)
  16. Daniel Vasella, Novartis (Suisse)
  17. Azim Premji, Wipro (Inde)
  18. Alwaleed bin Talal, al-Saud Kingdom Holding (Arabie Saoudite)
  19. Zhang Ruimin, Haier (Chine)
  20. Martin Sorrell, WPP (Royaume-Uni)
  21. Lindsay Owen-Jones, L'Oréal (France)
  22. Carlos Slim Helu Carso, Global Telecom (Mexique)
  23. Michael O'Leary, Ryanair (Irlande)
  24. Dhanin Chearavanont, Charoen Pokphand (Thailande)
  25. Mauricio Botelho, Embraer (Brésil)

(Source: revue Fortune, édition du 11 août 2003, avec un remerciement très spécial à M. Réal Moffet, vice-président de Gestion de Placements ETERNA, un abonné de Québec à la revue qui nous a permis de reproduire la liste complète du Tableau 1.)

  • Première constatation (qui n'est pas une surprise): les plus grands « faiseurs de mondes » sont partout dans le monde, mais surtout en Europe! C'est d'ailleurs le dg de British Petroleum, le Britannique John Browne, qui arrive en tête de cette liste des patrons les plus puissants du monde, hors USA. Bien qu'au total la liste comprenne deux patrons originaires du Moyen-Orient et deux d'Amérique latine, avec 13 ceux provenant d'Europe forment la majorité, alors que 8 sont d'Asie.

  • Seconde constatation (qui encore n'est pas une surprise): les plus grands « faiseurs de mondes » sont partout dans le monde, sauf en Afrique. Aucun des 25 n'origine du continent africain!

  • Troisième constatation: que des hommes, aucune femme.

  • Quatrième constatation: sur la base du croisement des données du Tableau 2, qui présente les 20 plus importantes corporations du monde (selon leur chiffre d'affaires), il ne faut par faire trop vite une corrélation directe entre ces dernières et la liste des « gens de pouvoir » du Tableau 1. Oui, les British Petroleum, DaimlerChrysler et Toyota sont dans l'un comme dans l'autre. Mais pas les patrons des géants comme Shell, Mitsubishi, Mitsui, Allianz, Total, NIPPON Telegraph&Telephone, ING Group, Hochu et Volkswagen.

À remarquer, toujours selon le Tableau 2, que ces vingt géants des entreprises se partagent entre les États-Unis (8), le Japon (5), l'Allemagne (3), le Royaume-Uni (1,5), les Pays-Bas (1,5) et la France (1). Avec huit sur vingt les États-Unis ne récoltent que 40% du nombre!

Tableau 2
LISTE DES 20 PLUS IMPORTANTES CORPORATIONS DU MONDE SELON LA REVUE
FORTUNE (selon le chiffre d'affaires en 2002)

  1. Wall-Mart (USA)
  2. General Motors (USA)
  3. Exxon Mobil (USA)
  4. Shell (Pays-Bas/Royaume-Uni)
  5. British Petroleum (Royaume-Uni)
  6. Ford (USA)
  7. DaimlerChrysler (Allemagne)
  8. Toyota (Japon)
  9. General Electric (USA)
  10. Mitsubishi (Japon)
  11. Mitsui (Japon)
  12. Allianz (Allemagne)
  13. Citigroup (USA)
  14. Total (France)
  15. ChevronTexaco (USA)
  16. NIPPON Telegraph&Telephone (Japon)
  17. ING Group (Pays-Bas)
  18. Hochu (Japon)
  19. IBM (USA)
  20. Volkswagen (Allemagne)

(Source: revue Fortune, édition du 14 avril 2003.)

Preuve de la même constatation mais sous un autre angle, la liste du Tableau 3 montre encore que ce ne sont pas automatiquement les plus grosses corporations qui ont les dirigeants les plus puissants. Sur les huit corporations américaines du Tableau 2, seulement cinq (les dirigeants mis en caractères gras) sont également sur la liste du Tableau 3. Pourtant parmi les 20 plus grosses corporations au monde, les General Motors (2e), Ford (6e) et ChevronTexaco (15e) ne voient pas leurs dirigeants apparaître même sur la liste des plus puissants patrons aux USA.

Enfin, observation éminemment positive, la liste du Tableau 3 montre aussi que les visages commencent à être moins uniformes dans ce groupe des plus puissants aux USA: un premier homme noir arrive en 12e position, et il est même accompagné, car la 20e position revient également à un Noir; une femme est aussi du nombre au 19e rang.

Tableau 3
LISTE DES 20 PATRONS LES PLUS PUISSANTS AUX USA, SELON LA REVUE
FORTUNE

  1. Warren Buffett (Berkshire Hathaway)
  2. Bill Gates (Microsoft)
  3. Lee Scott (Wal-Mart)
  4. Sandy Weill (Citigroup)
  5. Rupert Murdoch (News Corp)
  6. Lee Raymond (Exxon Mobil)
  7. Jeff Immelt (General Electric)
  8. Michael Dell (Dell Computer)
  9. Hank Greenberg (AIG)
  10. Bill Gross (Pimco)
  11. Hank McKinnell (Pfizer)
  12. Franklin Raines (Fannie Mae)
  13. Sam Palmisano (IBM)
  14. Craig Barrett (Intel)
  15. A. G. Lafley (Procter&Gamble)
  16. Ken Lewis (Bank of America)
  17. Sumner Redstone (Viacom)
  18. Ivan Seidenberg (Verizon)
  19. Carly Fiorina (Hewlett-Packard)
  20. Stan O'Neal (Merrill Lynch)

(Note: Rick Wagoner, de General Motors, arrive au 25e rang.)

(Source: revue Fortune, édition du 11 août 2003.)

Ceux qui cherchent le meilleur moyen de faire avancer leur projet savent, maintenant, à quelles portes ils rencontreront une oreille « puissante » pour les aider dans les contrées hors d'Amérique. Le défi est maintenant de se faire ouvrir ces portes!

À propos de son palmarès, l'équipe de la revue Fortune explique d'ailleurs que la notion de « pouvoir », critère retenu pour son classement, n'est pas qu'une question de richesse et doit aussi être comprise comme « la capacité à influer sur le comportement des autres ». Bref, le pouvoir de construire le monde!

Exemple à ne pas suivre!
LE POUVOIR ET L'ÉTHIQUE DU POUVOIR: LE CAS MESSIER...

Posséder du pouvoir n'est pas gratuit. Parce que les conséquences de son exercice sont partagées par plusieurs, le pouvoir appelle un comportement, une éthique, à la hauteur. Ce qui ne semble pas avoir été le cas de Jean-Marie Messier, comme grand patron démissionnaire de Vivendi Universal. Selon le président d'une association de défense des petits actionnaires de Vivendi Universal cité par le journal Le Parisien, fin juillet 2003, Jean-Marie Messier a auto-signé sa propre indemnité de départ, d'un montant de 20 millions d'euros. Le texte ne porterait que les signatures de M. Messier et celle de son bras-droit d'alors, le directeur général Éric Licoys. Aucun administrateur de Vivendi n'ayant cité cet accord; il n'y aurait pas trace des paraphes des administrateurs qui présidaient le comité de rémunération du groupe. (Depuis, un protocole d'arbitrage a été signé dans le but de trouver un compromis!)

S'accorder ainsi un pouvoir de juge et partie n'est certes pas digne de la plus haute éthique. Voilà un beau cas d'exemple à ne pas suivre si l'on veut être un grand patron exerçant honorablement son pouvoir.

...ET LES 140 M$US AU PDG DE LA NYSE

Sur le même registre, l'exemple vient cette fois de haut. On peut aussi sérieusement questionner la pertinence de la rémunération du pdg de la Bourse de New York. L'actuel titulaire du poste, Richard Grasso, à partir d'un salaire de base de 1,4 million $US par an, vient pourtant de révéler un enrichissement global déjà cent fois plus élevé. Dans un communiqué, la Bourse confirme qu'elle lui a versé (l'homme voulait payer les impôts dus et faciliter sa gestion financière) les 40 M$ du plan d'épargne, les 51,6 M$ de retraite accumulés au cours des années à la Bourse et les 47,9 M$ de primes cumulés, soit une somme astronomique de 139,5 millions $US. Et ce n'est pas terminé, le contrat de monsieur Grasso a du coup été prolongé jusqu'en mai 2007. (Devant l'énormité de la chose, on apprenait finalement début septembre que Richard Grasso renonçait cependant aux 48 M$ de primes!)


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Commerce Monde #37