SOMMAIRE La Turquie n'aide pas sa cause! par Daniel Allard De passage à l'occasion de la fin de semaine d'activités KALIMERA Québec! organisée par la communauté grecque de la région de Québec, l'ambassadeur de Grèce au Canada, Leonidas Chrysanthopoulos, a accepté d'accorder une entrevue à COMMERCE MONDE. En ce vendredi 16 mai 2003, juste après la conférence publique qu'il venait de prononcer au Musée du Québec, l'occasion était propice à développer quelques grands sujets internationaux, surtout que la Grèce exerçait la présidence de l'Union européenne pour la période du 1er janvier au 30 juin 2003. Sachant justement que cette Europe des Quinze allait passer à 25 pays membres en 2004, il était intéressant de rappeler que la Grèce appuie actuellement le projet d'adhésion de la Turquie à l'UE. Et pourquoi, avons-nous demandé? La réponse fut sans détour: « Nous espérons qu'en adhérant à l'Union européenne, la Turquie devienne un pays sérieux. (...)Moins sous l'influence des militaires », a déclaré sans hésiter l'ambassadeur Chrysanthopoulos. « L'aviation turque viole En disant cela, il souligne qu'il pense particulièrement aux régulières (quasi quotidienne - nous étions en mai) violations de l'espace aérien de son pays faites par l'aviation turque! Une information qui a de quoi surprendre et qui ne fait pas la Une des quotidiens occidentaux! Sur un ton visiblement exaspéré, l'ambassadeur résume ainsi la situation actuelle entre les deux pays: « Les Turcs font tout pour ne pas se laisser aider. Nous, nous faisons tout pour aider les Turcs! » Mais cette politique officielle pro-turque du gouvernement de la Grèce n'a pas toujours été. Ce n'est que depuis 1999 que la Grèce est pour l'adhésion de la Turquie à l'UE. Avant, elle s'y opposait. Et encore aujourd'hui cet appui a des limites. « Nous avons donc pris la décision de constituer un cahier de notification des actes répréhensibles que nous remettrons à l'UE avec une liste de toutes les violations », poursuit-il sur ce sujet hautement délicat. Il faut savoir que ce mauvais bulletin que collige la Grèce arrive à une période charnière du processus de négociation: en décembre 2004, la Commission européenne fera rapport sur les progrès enregistrés et dira si le début de 2005 sera effectivement le début des négociations officielles. La Turquie est donc sous observation jusque-là! Un contexte qui explique mal l'indiscipline de l'armée turque à la frontière grecque, à moins d'y voir de sa part un geste manifeste d'opposition au projet d'adhésion! Quoi qu'il en soit, « (...)s'il est décidé que les négociations officielles débutent en 2005, il y aurait adhésion en 2011 », pense-t-il. Ose-t-il une prédiction? « Actuellement, les chances sont de 50-50 », avance l'ambassadeur Chrysanthopoulos. *** Quittons ce sujet délicat pour toucher plus globalement les enjeux du pays. Quel est actuellement le principal défi économique de la Grèce? « Réduire les dépenses militaires. Actuellement 4% de notre budget va au militaire ». Réaliste face au contexte de mise en place de la Politique européenne de défense commune et de création probable d'une armée européenne, il pense plutôt qu‘au mieux ce chiffre de 4% restera stable et n'augmentera pas. Quel est actuellement le principal défi politique de la Grèce? « Que la Grèce joue un rôle régional important dans l'Union européenne, c'est-à-dire par rapport à son influence auprès des pays des Balkans ». Un rôle recherché qui n'est d'ailleurs pas sans effet: « Les investissements en provenance de la Grèce sont les plus importants d'Europe actuellement en ex-Yougoslavie et en Albanie », ajoute-t-il. Que pense-t-il des relations de la Grèce avec le Canada? « Nous faisons tout pour aider le Canada à diversifier son économie par rapport aux USA » Dernière question: au bénéfice de la petite, mais dynamique, communauté grecque de la région de Québec, envisagerait-il la possibilité d'y voir nommer un consul honoraire, comme c'est le cas pour plusieurs autres pays dans la capitale du Québec? « Je ne suis pas d'accord avec le principe des consuls honoraires. Chaque Grec va vouloir devenir le consul honoraire... Je préfère demander d'avoir deux diplomates de carrière en poste au consulat, afin de donner plus de temps au consul en titre de bien couvrir son territoire. » Rappelons qu'en plus de l'Ambassade à Ottawa, la Grèce possède des consulats à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Dans les années '70, il y avait précédemment eu un consul honoraire à Vancouver. *** Donnée intéressante, la Grèce n'est plus un pays d'émigration. Le pays accueille même actuellement 400 000 immigrants, selon les chiffres de l'ambassadeur. Un nombre qui dépasse les quelque 300 000 ressortissants de la Grèce vivant présentement au Canada (dont 150 000 à Toronto, 70 000 à Montréal, 15 000 à Vancouver, 320 à Québec). Sur le plan économique, les statistiques sur le commerce entre la Grèce et le Québec affichent actuellement des chiffres à l'avantage de ce dernier. En 2002, le total des importations de la Grèce dédouanées au Québec représentait 49,9 millions $, principalement des conserveries de fruits et de légumes (12,7 M$), des produits chimiques divers (10,3 M$), des huiles végétales (4,7 M$), pour 3,1 M$ d'importations des mines non métalliques, des abrasifs pour 1,2 M$ et 874 000$ de vin. Mais largement et essentiellement à cause des ventes d'aéronefs et pièces d'aéronefs (40,8 M$), c'est le Québec qui enregistre une balance commerciale positive en totalisant 83,6 M$ d'exportations vers la Grèce en 2002. Ainsi monopolisée, la structure des exportations n'a rien de stable. Au second rang viennent le papier-journal et pâtes à papiers (16 M$) et ensuite des « Produits manufacturés divers » pour 5 M$. Le caractère positif pour le Québec de sa balance commerciale avec la Grèce s'explique donc uniquement par la performance du secteur de l'aéronautique, très cyclique. Structurellement, c'est donc la Grèce, avec sa population de 11 millions d'habitants, qui est en meilleure position. |
Commerce Monde #36 |