CHRONIQUE DE NICHOLAS RACINE Manifeste inter rives par Nicolas Racine, chercheur à l'Université Laval La création des villes regroupées répondait à un désir manifeste de rationalité, tant au point de vue fiscal que structurel. L’exemple de ces cités, amenées à tout partager, jusqu’à leur nom, devait influencer plusieurs autres secteurs d’activités municipales. La sphère de la promotion économique est ici, bien sûr, explicitement visée. Au cours des années, on a fait grand cas des innombrables acronymes qui peuplaient la grande région de Québec. Chacune de ces organisations défendait jalousement leur unicité et leur raison d’être, tout en passant maître dans l’art de survivre aux différents gouvernements. Or, un vent nouveau a semblé souffler depuis la vague de fusions municipales. Plusieurs organismes de la nouvelle ville de Québec ont décidé de lier leur destin, donnant naissance à une CODEM, devenue Pôle Québec-Chaudière-Appalaches, disposant d’un mandat particulièrement large en matière de promotion économique et de soutien aux entreprises. Toutefois, la démarche qui a précédé la formation de ce Pôle « bi-régional » reflète assez bien l’attitude des acteurs socioéconomiques de la région de Québec par rapport à leurs vis-à-vis de la Rive-Sud. La région de Chaudière-Appalaches, créée à la fin des années 1980, est une construction sans véritable unité, multicentrique et dont l’identité reste encore à élaborer. Or, la région de Québec, concentrée autour d’un pôle urbain assez bien défini, dispose d’infrastructures organisationnelles à la fois anciennes, structurées et bien financées. Dans le passé, la tentation de représenter la région de Chaudière-Appalaches malgré elle était devenue une habitude de la part de nombreuses organisations de promotion de la Rive-Nord. Les regroupements municipaux ainsi que la formation d’une Communauté métropolitaine commune aux deux rives devaient permettre, entre autres, de favoriser la collaboration entre les nouvelles villes de Québec et Lévis. La promotion économique aurait pu alors être soumise à des comités conjoints où chaque municipalité aurait pu faire valoir ses priorités. Ce scénario n’a pas eu lieu. La formation du Pôle Québec-Chaudière-Appalaches, largement dominé par les représentants de la Rive-Nord (auquel participe désormais certaines entreprises de la Rive-Sud), a profondément irrité les milieux politiques de Chaudière-Appalaches, en plus de court-circuiter l’action conciliatrice de la Communauté métropolitaine de Québec. La conséquence la plus directe de cette action est la formation prochaine d’une organisation concurrente au Pôle, le Conseil économique Lévis-Chaudière-Appalaches (CELCA), voulue et financée par la ville de Lévis. De la multiplication des organisations, on assiste désormais à un regroupement de forces antagonistes qui couvrent, en partie, le même territoire. La division des atouts, particulièrement en matière de promotion économique internationale, est un signe de faiblesse très difficile à gérer pour un territoire comme le nôtre. Les régions de Québec et Chaudière-Appalaches sont relativement excentrées par rapport aux principaux vecteurs économiques continentaux et ne disposent pas d’infrastructures de transport international adéquates pour un territoire qui cherche à percer le marché global. Dans ce contexte, un regroupement stratégique doit s’opérer sur le territoire des nouvelles villes, mais pas aux dépens de l’autonomie de chacune. Des solutions, même utopiques, doivent être trouvées rapidement. La première initiative envisageable devrait permettre au territoire de Lévis de recevoir sa juste part d’infrastructures, de subventions et surtout, de retombées liées à la promotion économique internationale. Les acteurs socioéconomiques de la Rive-Sud doivent pouvoir s’exprimer de façon systématique sur les activités de promotion les impliquant. Ces mêmes acteurs devraient même avoir un droit de regard sur les activités de promotion localisées au nord du Saint-Laurent. C’est seulement en encourageant une véritable concertation inter rives que les efforts de promotion économique pourront véritablement porter fruit. |
Commerce Monde #36 |