LE MOT DE ROUTHIER Sus au " politiquement correct " et vive les politiciens " bouillants " par Benoît Routhier Il y a eu la guerre des " petits oiseaux ". Puis, récemment, celle du président de la Sun Life contre les groupements de femmes. Ces deux événements reliés à des emportements du premier ministre du Québec Bernard Landry me font me dresser les cheveux sur la tête! Je m'explique. À un groupement de femmes venues le rencontrer pour l'inviter à lutter contre la pauvreté, M. Landry a dit son étonnement qu'alors que les petits oiseaux, avec leur petite cervelle, réussissent à nourrir leurs rejetons, il est des humains qui n'y arrivent pas. Il y a là un problème, a-t-il conclu, ajoutant que c'était soit un problème de société, soit un problème d'argent. Lors du congrès d'orientation du Parti québécois (PQ), quelqu'un a invité le premier ministre à voter pour une mesure devant assurer la parité hommes-femmes dans les candidatures politiques, disant qu'il s'agissait d'un vote stratégique pour les groupes de femmes. Le même bouillant Landry a répliqué ainsi : " Ne me parlez pas des groupes de femmes, j'aime mieux rencontrer le président de la Sun Life "! C'est évident que l'homme politique avait en tête les femmes qui lui sont tombées dessus à bras raccourcis quand il a parlé des " 'tits moineaux ". Je me rappelle aussi le tollé de protestations indignées qu'avaient suscité les propos d'un ex-député du Bloc québécois du comté de Charlesbourg. Ayant subi la défaite à la mairie de la ville de Charlesbourg, le soir de l'élection il avait laissé entendre qu'il en avait assez des accusations et des attaques de ses adversaires. Et il avait conclu en avouant que, vétérinaire, il préférait avoir affaire à sa clientèle (les animaux), qu'aux humains, parfois. La mode du " politiquement correct " a tellement envahi la société qu'il n'y a plus moyen d'avoir de sautes d'humeur. Le " politically correct " est tellement puissant que l'on ne peut plus utiliser certains mots de la langue française, pourtant encore dans tous les dictionnaires. J'avais un frère aveugle. Et il me disait : " Je ne suis pas un non-voyant, je suis un aveugle! " À 64 ans, moi je dis que je suis " vieux ", je n'essaie pas de me convaincre que je suis un jeunôt en me répétant que je suis simplement un " aîné "! Non, mais n'y a-t-il plus moyen d'être tout simplement des humains, avec nos moments de tendresse, de joie, mais aussi avec nos périodes maussades, nos jours d'envie d'envoyer promener le reste du monde? D'accord, dans nos vies quotidiennes, nous, gens ordinaires, pouvons encore nous abandonner à nos états d'âmes. Mais les hommes et femmes qui ont une vie publique, tels les politiciens? Pourquoi n'auraient-ils pas droit d'être " colorés " grâce à l'expression de leur humeur? La mode du " politiquement correct " a jeté un long voile sombre sur notre société et, pour ne pas courir le risque de se voir clouer au pilori, la plupart de nos personnages publiques utilisent un langage si édulcoré qu'ils en sont d'une platitude capable d'endormir le plus fervent partisan. On est loin des discours enflammés des Jean Lesage, Pierre Bourgault, Pierre Elliott Trudeau. Ici, au risque de me faire tirer dessus par mes confrères journalistes, je les accuse aujourd'hui de s'être laissés prendre au piège de ce " politically correct " et de sauter, comme des loups affamés, sur le moindre petit écart de langage d'un politicien. Et on oublie de parler du fond pour ne s'attarder qu'à la forme du discours… Je n'invite pas à l'utilisation d'un discours belliqueux, revanchard et impoli. J'aimerais simplement que l'on retrouve des politiciens avec de la " couleur ", de la vie, des tripes! Ça vaut aussi pour les dirigeants d'entreprises qui utilisent la plupart du temps une langue de bois quand ils doivent faire face à l'opinion publique. ET NOS FONCTIONNAIRES Ça vaut encore pour les fonctionnaires qui ont tellement peur de leurs supérieurs que, lorsque les médias réussissent à les interviewer pour leur demander des éclaircissements sur tel ou tel dossier, ils ne répondent que par des généralités. Ils craignent tellement la réaction des politiciens, de leurs supérieurs, et peut-être même de leurs simples confrères que leurs réponses ne méritent pas un reportage… Vous me direz que je parle en général et que je ne cite pas de cas. Vrai. Mais la plupart d'entre vous, comme moi, avez en tête un ou plusieurs exemples. J'en suis certain. II Y A PIRE Et il y a encore pire. Tout le monde marche sur des œufs à l'écale très fragile quand il est question de parler soit des autochtones, soit des immigrants. Oui il y a dans notre société des gens racistes qui entretiennent une foule de préjugés. C'est d'ailleurs le cas dans toute société. Qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y a pas de racistes aux préjugés durables chez les Noirs, chez les arabes, ou n'importe quelle race ou ethnie. L'important c'est de savoir que le racisme existe, de le condamner et de lutter pour son éradication. Ceci dit, pourquoi en est-on rendu à avoir des policiers qui sont plus tolérants envers des gens de couleur, par exemple, qu'envers les autres? Ils ont peur de se faire taxer de racistes. Ce n'est pas normal. Évidemment je condamne sans retour les policiers qui pourraient s'acharner sur des gens d'autres races que la blanche. Et que dire de la peur bleue qu'entretiennent les politiciens de voir les autochtones courir aux Nations Unies dénoncer les politiques leur imposant les mêmes contraintes qu'aux autres? Il faut faire attention à l'image internationale du Canada, ou du Québec. Qu'on se redresse l'échine, ça presse. On s'écrase comme des mollusques avec ce " politically correct " qui répand sa terreur non seulement au Québec et au Canada mais aux États-Unis, en Europe, etc. |
Commerce Monde #34 |