sommaire Exclusif par Daniel Allard Et si la solution en matière de liaisons aériennes internationales desservant directement la ville de Québec passait par l'Islande? Interrogés sur cette opportunité, deux dirigeants d'Icelandair ne disent pas non! Quelque 150 000 voyageurs de l'Est du Québec se rendent chaque année à Montréal pour prendre l'avion. Une clientèle naturelle théorique que le Groupe d'action pour les liaisons aériennes (GALA) voudrait bien attirer. Créé en juin 2001 par la Chambre de commerce de Québec et Aéroport de Québec inc., le GALA s'intéresse à tous les projets permettant de rapatrier sur Québec une partie de cette clientèle. Actuellement, l'Aéroport international Jean-Lesage offre 328 départs sur vols réguliers par semaine à destination de plusieurs villes du Québec et du Canada, de New York et de Boston (et de Detroit à partir de juin 2003). Mais pas un seul en direction de l'Europe. À partir du 18 décembre 2002, et ce pour une période de 18 semaines, soit jusqu'au 20 mars 2003, la compagnie Air Transat offrira bien un départ hebdomadaire le mercredi de Québec vers Paris, avec un retour le jeudi avec à bord d'un Airbus A310 (259 sièges). Plus de 40% des sièges étaient semble-t-il déjà vendus dès la mi-octobre. L'expérience a donc des chances de prouver la rentabilité de l'opération. Mais il s'agit effectivement d'une expérience. Voilà le problème! La région de Québec souffre outrageusement d'un manque de liaisons aériennes internationales directes et ne sait pas quoi faire pour améliorer la situation. RELIER QUÉBEC AU «HUB» ISLANDAIS, UNE HYPOTHESE PLEINE DE SENS La « solution islandaise » saute aux yeux lorsque l'on regarde la carte des destinations de la compagnie Icelandair. C'est même presque trop beau pour le croire sans se pincer. Vingt-six, oui 26 fois par semaine un Boeing 757 décolle de Keflavik International Airport, soit vers Baltimore, Boston, New York, Minneapolis ou Orlando, oui Orlando en Floride. Et les deux vols par semaine reliant Orlando passent géographiquement quasi juste au-dessus de la ville de Québec, tout comme les six vols reliant la région Baltimore/Washington. Imaginez maintenant deux secondes que Icelandair obtienne le droit et accepte d'atterrir, donc sans détour important, qu'une fois sur deux en chemin à Jean-Lesage Airport. Québec vient d'ajouter quatre (4) vols par semaine vers l'Europe. Quatre vols qui s'arrêtent en Islande pour, du coup, offrir en transit 60 à 90 minutes plus tard, onze destinations majeures en Europe: Paris, Londres, Berlin, Amsterdam, etc. Continuons cette belle histoire et rajoutons que les droits permettraient aussi de prendre des passagers québécois également dans l'autre sens, soit jusqu'aux destinations états-uniennes. Québec vient d'ajouter quatre (4) vols par semaine vers Baltimore/Washington ou Orlando. Dans les bureaux d'Icelandair à Reykjavik, ils sont finalement deux pour accueillir le journaliste de COMMERCE MONDE accompagné d'Éric Pettersson, le consul de l'ambassade du Canada, en ce jour d'octobre pluvieux. Le directeur des relations publiques, Guôjòn Arngrimsson, a fait déplacer un senior aux ventes juste pour la rencontre. « Vous nous demandez si nous serions intéressés à desservir l'aéroport de Québec. Le problème, c'est que nous n'avons pas le droit de le faire même si nous le voulions. Nous ne possédons pas les droits aériens pour y faire stopper nos avions arrivant d'Orlando comme vous le suggérez », répond rapidement Hans Indrioason, responsable des ventes exécutives et corporatives. Un Boeing d'Icelandair, bientôt prêt pour le décollage vers l'Amérique, à l'Aéroport international de Keflavik, en Islande. Il faut 5 heures d'avion pour relier Boston avec l'Islande. (Photo: Daniel Allard) Les deux hommes s'attendaient probablement plus à se faire questionner sur Halifax, une liaison récemment abandonnée par Icelandair et sur laquelle elle possède toujours des droits. Mais une fois invité à oublier un instant toute cette question des droits, que le GALA se fera un devoir d'obtenir, leur assure-t-on, seulement donc sur la base des considérations commerciales, que répondent-ils à la même question: Etes-vous intéressés à étudier la possibilité de desservir l'aéroport de Québec à partir, par exemple, d'un arrêt de votre vol qui décolle d'Orlando? La réponse devient plus théorique, mais touche le but recherché: « Actuellement, nous ne sommes pas dans un contexte où nous cherchons à augmenter nos destinations. Nous ne planifions pas de nouvelles destinations pour les 2-3 prochaines années. Les effets du 11 septembre sont encore là. Mais nous sommes une entreprise privée et nous restons toujours ouverts à discuter de toutes les offres intéressantes. Notre politique, c'est d'être ouvert à la discussion. » «Notre politique, But recherché atteint: la porte est donc ouverte! Du travail en perspective du côté d'Icelandair pour le GALA. « La desserte d'Halifax, de 1996 jusqu'en octobre 2001, est un bon exemple de notre flexibilité », continue calmement Hans Indriôason. Une affirmation d'autant plus crédible qu'il accepte aussi de nous confirmer que pendant quatre ans sa compagnie aura maintenu à Halifax une liaison toujours restée déficitaire. Ce qui n'est cependant pas le cas des autre cinq destinations américaines, « qui sont normalement profitables ». Autre preuve d'ouverture à la négociation, les deux hommes révèlent qu'Icelandair regarde actuellement du côté des vols charters: « On regarde sur des vols de Montréal pour les Caraïbes. Nous avons déjà les droits de charters sur Montréal. » Ils savent aussi que le commerce entre la Nouvelle-Écosse et l'Islande est en forte croissance. Ils ont encore un agent pour les représenter à Halifax. UNE COMPAGNIE D'EXPÉRIENCE Fondée en 1973 à l'occasion de la fusion de Flugfélag Islands (établie en 1937) et Loftleidir (Icelandic Airlines, établie en 1944), Icelandair couvre des routes européennes depuis 1945 et vole en Amérique du Nord depuis 1952. Elle opère maintenant 12 Boeing 757-200 ou 300 d'une capacité variant entre 176 et 228 passagers (les derniers ayant été acquis en mars 2001) lui permettant de couvrir actuellement 16 destinations internationales de premier plan (11 en Europe et 5 en Amérique). Pas moins de 13 vols partent hebdomadairement de cinq villes nord-américaines et arrivent en Islande 60 à 90 minutes avant les départs vers des destinations en Scandinavie, au Royaume-Uni et en Europe centrale. Une procédure qui s'inverse en après-midi avec les vols arrivant d'Europe, s'arrêtant juste avant les départs vers l'Amérique en fin d'après-midi. Les avantages d'un véritable «hub» reliant stratégiquement l'Europe et l'Amérique. Un positionnement de marché stratégique qui, manifestement, séduit bien des clients. En 2001, Icelandair aura transporté 1 358 000 passagers. Tableau 1
(Source: Revue Icelandair, septembre 2002) DES NOUVELLES ENCOURAGEANTES Brancher la ville de Québec directement sur le «hub» aérien entre l'Europe et l'Amérique qu'est devenue la compagnie Icelandair, via l'aéroport névralgique de Keflavik, est-il un projet fantaisiste? Des nouvelles toutes fraîches permettent un regard de plus en plus encourageant. Le quatrième rapport de l'observatrice indépendante sur la restructuration de l'industrie aérienne au Canada, Debra Ward, publié le 26 septembre 2002, a sûrement réjoui les membres du GALA: « Le gouvernement devrait ouvrir l'espace aérien canadien aux compagnies étrangères et faire plus de place à la concurrence », conclut l'experte, en invitant aussi Ottawa à modifier les lois actuelles afin d'assouplir la propriété étrangère des compagnies canadiennes. Mais surtout, Ottawa devrait « engager des négociations avec d'autres pays afin de permettre aux compagnies étrangères d'offrir des liaisons aériennes intérieures et aux compagnies canadiennes de faire de même à l'étranger », précise cette experte nommée observatrice indépendante de la transition de la restructuration de l'industrie du transport aérien il y a deux ans, à la suite de la fusion entre Air Canada et Canadian. On attend une réponse à ce rapport par le ministre des Transports, David Collenette, dans les prochains mois. Mais ce ministre est connu pour ne pas être très enthousiaste à l'idée d'ouvrir l'espace aérien du Canada aux compagnies étrangères. À quelques jours d'intervalle, 200 intervenants du milieu touristique de la région de Québec ont discuté du plan quinquennal de leur office de tourisme, avec en main un document précisant que « le manque de liaison aérienne sur Québec constitue une contrainte importante au développement du tourisme de congrès ». Autant le maire de la ville que le ministre responsable du Tourisme au Québec, Richard Legendre, ont alors décrié « la desserte aérienne pourrie de Québec ». Dans un tel contexte, les autorités à Québec ont tout avantage à foncer sans attendre pour provoquer des changements en leur faveur. Les gestionnaires d'Icelandair ne sont pas convaincus d'avance. Mais ils ont déjà tenté le coup avec Halifax, en ayant même la patience d'y maintenir pendant quatre ans une liaison, bien qu'elle soit demeurée déficitaire pendant tout ce temps. Preuve que cette compagnie aérienne sérieuse est capable de prendre des risques d'affaires et de les assumer. Sa gestion serrée impose même qu'en classe économique, on vous fait payer votre alcool, même le vin du repas: 2$US! Mais la nourriture est excellente et les écouteurs gratuits. Bref, voilà une occasion en or de tenter d'améliorer les choses de manière structurante à Québec. |