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Rayonnement mondial insoupçonné pour Québec
RDDC Valcartier augmente sa visibilité et attire des spécialistes du monde entier

par Vincent Doyon

Les projets foisonnent chez Recherche et Développement pour la défense Canada - Valcartier (RDDC Valcartier). Anciennement appelée Centre de Recherches pour la Défense Valcartier (CRDV), cette agence du ministère de la Défense nationale fait beaucoup d'efforts, depuis les derniers mois, pour se faire connaître de la population en général. Par contre, pour les gens qui font partie intégrante de son domaine, sa réputation n'est plus à faire.

Le changement de nom s'est effectué en avril 2000, accompagné d'une importante campagne médiatique servant à publiciser les activités du centre. Plusieurs magazines de renom traitant de la défense ont accordé une excellente couverture à RDDC Valcartier, particulièrement grâce au travail acharné de l'équipe de communication en place, dirigée par Lise Ladouceur.

Par contre, la publicité, bien que grandement efficace, ne suffit pas. Au cours des quatre dernières années, le centre a ainsi augmenté ses investissements technologiques de 30%. " La raison principale expliquant cette augmentation est l'arrivée d'un nouveau programme à l'agence, qu'on appelle le programme de démonstration technologique. Il comporte des projets d'envergure, du moins selon les standards canadiens, qui vont chercher au-delà de 5 millions $ chacun. Valcartier a été très agressif dans son positionnement, ce qui nous a permis d'aller chercher plusieurs de ces projets ", explique le directeur de RDDC - Valcartier, Denis Faubert. Présentement, cinq projets de ce type sont parallèlement en marche.

EN RELATION ÉTROITE AVEC LES ENTREPRISES RÉGIONALES ET PROVINCIALES

Grâce à ce boom technologique, le centre a été en mesure de générer des revenus importants, mais pas seulement au niveau militaire. " Afin d'appuyer davantage le développement des entreprises régionales et nationales (car le centre a un mandat national, bien entendu), nous acceptons d'effectuer de la recherche à contrat et d'ouvrir nos installations à ceux et celles qui pourraient en bénéficier. Nos installations coûtant relativement cher à opérer, cela nous procure des revenus importants, de l'ordre de 4 millions $ supplémentaires par année ", révèle aussi M. Faubert. Principalement des contrats pour les Forces armées canadiennes, mais réalisés à l'extérieur de leurs enveloppes budgétaires réservées à la R&D.

En résumé, l'augmentation des investissements technologiques de 30%, combinée à l'intensif battage publicitaire servant à faire connaître les dispositifs du centre afin de les mettre à la disposition des nombreux partenaires, a permis à RDDC - Valcartier d'améliorer grandement son budget et sa visibilité.

Les partenaires en question proviennent de partout au Canada et constituent la crème des entreprises oeuvrant à l'intérieur des domaines d'expertise du centre. Par exemple, SNC Lavalin, MDA en Colombie-Britannique, Bombardier, CAE Montréal (qui se spécialise, entre autres, dans les technologies de simulation et de contrôle), ABB Bomem de Québec… ainsi qu'une panoplie de petites entreprises spécialisées. Une relation d'entraide se développe alors, qui est profitable pour les deux partis; autant pour RDDC - Valcartier que pour ses partenaires qui proviennent en majeure partie du secteur privé. " Ces gens-là travaillent avec nous sur nos contrats de recherche, ce qui leur permet de prendre connaissance de l'expertise qui se situe entre nos murs. Donc, lorsqu'ils ne possèdent pas la capacité, les équipements ou encore les installations pour réaliser quelques tâches, ils nous confient leurs mandats que nous réalisons pour leur compte ", précise Denis Faubert.

UNE PARTIE D'UN GRAND TOUT

Les installations de Valcartier forment le plus vaste des cinq centres de R&D pour la défense Canada, en plus de constituer l'un des plus importants centres publics de R&D au Québec. Il renferme 360 employés, dont 250 chercheurs et techniciens et son budget atteint les 60 millions $.

Il opère à l'intérieur de trois principaux créneaux:

  • les systèmes optroniques;
  • les systèmes d'information;
  • les systèmes de combat.

  • Systèmes optroniques: cette expertise comprend les études scientifiques fondées sur la mesure, l'analyse, la modélisation et la simulation, l'élaboration et la démonstration de concepts d'appareils et de systèmes novateurs ainsi que des mesures hautement spécialisées.

  • Systèmes d'information: le centre est habilité à mettre au point et à fournir des techniques et des architectures informatiques; des dispositifs et des systèmes de gestion de l'information; des résultats de recherche et des outils visant à améliorer l'efficacité du cycle décisionnel; des moyens de simulation et des systèmes matériels.

  • Systèmes de combat: plus précisément les études et les réalisations dans les méthodes de protection du personnel et du matériel, les phénomènes associés aux systèmes d'armes et les domaines de l'aérodynamisme et des matériaux énergétiques.

Autre particularité du centre: il possède un modèle d'affaires unique. En fait, deux ministères fédéraux partagent ce type de modèle: la Défense et l'Agence spatiale. Sa particularité se situe dans le fait que ces organisations effectuent de la recherche à l'interne et à l'externe. D'ailleurs, les activités internes et externes se partagent le budget de 60 millions $ en deux parties égales, ou presque.

" Ce modèle d'affaires est tout à fait exceptionnel, estime le directeur, puisqu'il nous permet de faire du maillage. Tout en ayant nos propres problèmes à l'interne à résoudre, avec notre propre expertise, il nous est également possible d'aller chercher l'expertise qui nous manque chez des entreprises qui la possèdent. Nous sommes donc bien branchés sur les plans industriel et universitaire, en plus d'entretenir régulièrement des contacts avec d'autres centres de recherche gouvernementaux au pays. "

Au Canada, chacun des cinq centres de R&D possède sa propre spécialisation et toutes ces organisations travaillent de concert vers un seul but, celui de protéger la population du Canada:

  • Québec: les systèmes optroniques, d'information et de combat.

  • Halifax: les secteurs de la Marine; détection et contre-mesures sous-marines, commandement et contrôle navals, plates-formes aériennes, plates-formes navales, gestion des signatures, nouveaux matériaux et modélisation et simulation.

  • Ottawa: les secteurs des télécommunications; centre d'expertise en matière d'exploitation du spectre électromagnétique.

  • Toronto: l'aspect humain des Forces armées; améliorer l'efficacité des humains et veiller à leur santé et à leur sécurité dans tout contexte système humain-machine ou dans tout environnement hostile.

  • Suffield (Alberta): l'impact chimique, bactériologique et le déminage; protéger les Forces canadiennes contre les agents chimiques et biologiques et améliorer leur capacité de manoeuvre et leur aptitude à faire obstacle à la mobilité de l'ennemi, en leur prodiguant des conseils scientifiques opportuns et en les faisant bénéficier du produit de développements technologiques connexes.

UNE RÉPUTATION QUI DÉPASSE LES FRONTIERES

Cependant, ce ne sont pas que des entreprises canadiennes qui font appel aux services de Valcartier. Par exemple, le centre a beaucoup travaillé avec la compagnie Harris Corporation, en Floride, qui se spécialise dans l'équipement de communication, autant pour des clients commerciaux que gouvernementaux.

" Présentement, trois compagnies américaines nous contractent dans des dossiers majeurs. L'une d'entre elles, soit la Défense américaine, concerne la décontamination des sols contaminés aux explosifs. Bien que nous ne connaissons pas vraiment de problèmes à ce niveau au Canada, ce n'est évidemment pas le cas dans d'autres pays ", révèle M. Faubert.

" Nous avons mis au point une bio-pile, qui est unique en son genre et qui est en mesure de décontaminer les sols, intervient Lise Ladouceur, coordonnatrice des communications chez RDDC - Valcartier. C'est à cette technologie que s'intéresse particulièrement la Défense américaine. C'est une technologie qui est non polluante, non dispendieuse et qui est très efficace ".


Les systèmes d'information sont l'une des
trois grandes spécialités du centre.

" Le deuxième contractant américain se rapporte à un nouveau type de munitions, qui est beaucoup plus sécuritaire, poursuit M. Faubert. Finalement, le troisième est intéressé à des leurres que nous avons développés et qui servent à protéger les avions en cas d'attaque par missiles infra rouge (le leurre est donc largué dans l'atmosphère afin d'attirer le missile, qui le choisit pour cible). On peut également faire l'effet inverse, c'est-à-dire développer une cible et l'équiper avec nos produits pour qu'elle ressemble un peu plus à une cible réelle. Il est ensuite possible de tester cette technologie. Cette manière de faire intéresse grandement les Américains.

" Ce sont nos trois principaux contrats, mais il y en a d'autres, comme par exemple un modem de propagation atmosphérique, pour la US Navy, dans le but d'étudier spécifiquement comment la lumière se propage dans l'atmosphère, surtout au ras de l'océan; il y a des effets de mirages assez spéciaux qui se manifestent, de temps à autre. "

LE DOUBLE SECRET

Une question se pose: comment, en touchant à un si grand nombre de domaines, l'équipe de RDDC - Valcartier fait-elle pour développer des spécialités et se démarquer par rapport aux autres?

Selon le directeur, il y a deux secrets sur la manière de faire les choses. Premièrement, il faut développer les bons créneaux. En premier lieu, il faut préciser que le centre ne couvre pas tout; il y a effectivement des secteurs où il décide de ne pas s'impliquer, mais l'éventail de domaines où il est présent est quand même extrêmement large. " Dans ce que nous choisissons de couvrir, nous nous spécialisons vers des particularités où nous pouvons faire une différence. Notre vision est d'être constamment un laboratoire de calibre mondial. Donc, si nous ne sommes pas capable de faire une marque dans le domaine scientifique dans lequel on s'applique, nous n'y touchons pas.

" Notre vision
est d'être constamment un laboratoire
de calibre mondial. "

" L'autre secret: " Small is beautiful ". On possède un avantage absolument marqué sur les gros laboratoires puisque les membres de notre équipe se connaissent entre eux. Nos scientifiques discutent constamment ensemble, ce qui n'est pas le cas dans les laboratoires d'une superficie plus imposante. Ainsi, les gens du département laser ne connaissent pas ceux de l'infra rouge, par exemple. Tandis qu'ici, tous les gens de notre équipe travaillent au même endroit. Nous avons une dimension système, une vision d'ensemble. Dès les premières étapes du cycle d'innovation jusqu'à la démonstration technologique, nous avons certainement notre place. À ce sujet, nous avons participé à des essais aux États-Unis cet été sur la guerre chimique et bactériologique, et nos systèmes performent aussi bien, sinon mieux, que les leurs ".

Par contre, tout n'est pas rose. Là où le centre québécois connaît des difficultés, c'est au chapitre de la commercialisation. Lorsque la technologie est démontrée, il est compliqué de rivaliser avec le marché américain, avec leurs milliards et milliards de dollars. L'effort est donc placé sur l'exploitation des technologies canadiennes, tant aux niveaux militaire que commercial.

LA RÉSEAUTIQUE: UN FACTEUR MAJEUR

RDDC - Valcartier fait partie de plusieurs réseaux importants, avec les pays considérés comme étant des alliés du Canada, qui leur sont d'une utilité primordiale. Deux d'entre eux ressortent particulièrement:

Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN): 19 pays membres.

The Technical Cooperation Program (TTCP): 5 pays membres - Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande.

" Nous avons pas moins de 130 projets ou groupes de travail avec ces deux réseaux, ce qui nous donne accès à un bassin de connaissances assez inouï. C'est ce qui nous permet de développer des technologies qui seraient impensables avec seulement 250 scientifiques et techniciens, puisque nos ressources se trouvent décuplées par l'apport des autres pays. Un savoir international, en quelque sorte ", souligne Lise Ladouceur.

Le réseau mondial de Centres de recherche pour la Défense est donc extrêmement développé, et Valcartier y est un joueur très actif et très respecté par la communauté scientifique. Plus particulièrement, il y a six commissions de recherche à l'intérieur de l'OTAN, qui regroupent plus de 2000 scientifiques à travers le monde, et Denis Faubert dirige l'une de celles-ci. Il ne faut donc pas se surprendre de constater l'importante implication de Valcartier dans ces commissions.

Bien sûr, le joueur le plus important demeure les États-Unis. Petite statistique importante: le budget en R&D de la défense américaine est neuf fois (9) celui de tous les autres pays de l'OTAN réunis!

Valcartier est donc un nœud important dans le réseau mondial de Centres de recherche pour la défense, dans le réseau national des cinq Centres de recherche, et dans l'ensemble local de partenaires industriels et universitaires.

7 SYMPOSIUMS INTERNATIONAUX TENUS À QUÉBEC EN 2 ANS

Le rayonnement international passe aussi par un autre outil de déploiement important. Toujours dans le but avoué d'être un laboratoire de classe mondiale, l'équipe de Valcartier fait des pieds et des mains pour attirer à Québec au moins deux symposiums d'envergure par année. L'année dernière, cet objectif a été largement dépassé avec cinq, et il a déjà été atteint cette année. Le dernier événement a eu lieu en septembre. En effet, le 7e Symposium international sur la recherche et les technologies de commande et de contrôle a eu lieu en territoire québécois. Fait intéressant, qui ajoute à ce fait d'arme de M. Faubert et son équipe: c'était seulement la deuxième fois que cette conférence quittait les États-Unis, dont la première fois pour le Canada. L'une des principales raisons expliquant ce succès est que le dossier était piloté par Paul Labbé, scientifique respecté par la communauté, qui a gagné à quelques reprises le prix de la meilleure communication écrite.

" On peut dire sans se tromper qu'il y a une belle masse critique de recherche à Québec et les chercheurs et scientifiques du monde entier sont intéressés à venir voir ce qui se passe ici, précise-t-il. La beauté de la ville de Québec facilite évidemment les choses. Pour nous, cela démontre une reconnaissance de la communauté scientifique à notre égard, un respect envers nos réalisations. "

La situation dans le monde
et le 11 septembre
ont un effet sur Valcartier

Y-a-t-il un effet " Post September 11 " jusque dans les terres tranquilles de Valcartier? Certainement. Les principaux effets se font sentir autant sur la défense que sur la protection civile. Bien sûr, ces créneaux étaient appliqués avant le 11 septembre, mais maintenant, selon M. Faubert, les gens réfléchissent plus à appliquer les technologies à différentes situations précises reliées au terrorisme (détection de gaz chimique, gaz biologique, explosifs, protection d'infrastructures contre des explosifs, etc.). Les services de Valcartier sont bel et bien sollicités par les Forces armées lorsque le besoin s'en fait sentir et les militaires collaborent davantage avec les scientifiques.

EXEMPLE DE PERCÉE INTERNATIONALE

Développés en collaboration avec un partenaire du milieu, ABB Bomem, les spectromètres imageurs font tourner bien des têtes à l'international, particulièrement en raison de l'atmosphère tendue qui règne sur la planète présentement. " Sans entrer dans les détails, disons qu'il y a moyen d'observer une scène avec ce que l'on appelle une technique hyper spectrale; c'est-à-dire qu'il est possible de regarder le spectre d'une scène. On peut donc repérer un objet qui a une signature spectrale particulière qui serait particulièrement bien camouflé, par exemple. Ce sont les mêmes techniques qui sont utilisées pour mesurer le degré de mûrissement d'une récolte. Auparavant, on devait observer une scène à l'aide d'un seul détecteur; on voyait l'ensemble de la scène avec tous les types d'objets inclus. L'amélioration que le Canada a apportée consiste à appliquer cette technique à un ensemble de détecteurs. Chacun d'entre eux est relié à un spectre particulier, ce qui facilite grandement la tâche. Il y a quelque temps, nous avons vendu l'un de ces systèmes à l'aviation américaine ", explique Denis Faubert.

Tableau 1
LISTE DES PRINCIPAUX PAYS PARTENAIRES DE RDDC - VALCARTIER

  • États-Unis
  • Royaume-Uni
  • France
  • Allemagne
  • Pays-Bas
  • Australie

RDDC - Valcartier a donc bien l'intention de poursuivre sa campagne afin de mieux se faire connaître de la population, tout en continuant de développer des produits à la fine pointe de la technologie et en attirant à Québec des scientifiques du monde entier. D'ici un an ou deux, M. Faubert espère par ailleurs pouvoir compter sur une centaine de consultants en permanence sur le site.

De plus, au cours des prochaines années, le centre désire réaliser avec les technologies de l'information ce qu'elle a réussi avec l'optique-photonique pour la région. Ce qui n'est pas peu dire!