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L'immigration n'est donc pas une priorité pour la Ville de Québec

par Luciano Dorotea
Ex-président de la Confédération des associations linguistiques et culturelles de Québec (CALCQ)

Voilà la conclusion qu'on doit tirer de l'entrevue de l'adjoint aux affaires interculturelles de la ville de Québec, M. Yves Dallaire, publiée dans le numéro précédent de Commerce Monde.

PEU D'IMMIGRANTS À QUÉBEC

Depuis deux ans, le dossier Immigration a mobilisé l'attention à Québec. Plusieurs de ceux et celles qui oeuvrent au développement de la capitale nationale, le maire Jean-Paul L'Allier en tête, se sont dit préoccupés du faible bilan de la région en matière d'immigration. Dans Le journal de Québec du 13 mars 2002, M. L'Allier déplorait que la ville de Québec ne soit pas véritablement une destination pour les immigrants. Les villes de Toronto, Vancouver, Calgary et Montréal sont les plus souvent choisies par les gens venus d'ailleurs. « Il faudra miser sur l'immigration, sinon on va se retrouver avec un déficit de main d'œuvre », disait-il. Le 15 mai suivant, le quotidien Le Soleil nous faisait également part du plaidoyer du maire en faveur de l'immigration. Avec une population vieillissante et de moins en moins de naissances, l'arrivée des immigrants est une voie incontournable pour permettre à la population de la région de croître. Si tel n'est pas le cas, Québec sera désavantagé par rapport à plusieurs régions du pays.

Dans diverses circonstances, la ville a aussi claironné son association au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration (MRCI) dans la poursuite de l'objectif visant à accueillir dans la capitale nationale, pour les trois années 2001 à 2003, jusqu'à 9 500 nouveaux immigrants. Selon les données préliminaires, 1 758 immigrants ont choisi de s'établir à Québec en 2001. Il reste donc plus de 7 500 personnes à accueillir pour les deux années 2002 et 2003.

IMPLICATION INADÉQUATE DE LA VILLE

L'entrevue de M. Dallaire a le mérite de nous éclairer sur les intentions réelles de la ville à l'égard de ce dossier :

Réduction des objectifs d'immigration fixés pour la capitale nationale

Au lieu d'indiquer les moyens que la ville entend mettre en place pour contribuer à l'atteinte de l'objectif de 9 500 nouveaux immigrants à Québec pour les trois années 2001 à 2003, M. Dallaire parle plutôt de réduire les objectifs fixés pour 2002 et 2003. À force de réduire les objectifs, la ville finira sans doute par pouvoir les atteindre.

Contribution financière symbolique de la ville nouvelle

Les montants qu'une organisation alloue à un dossier ou projet sont généralement révélateurs de l'importance qu'elle y accorde. Dans ce cas-ci, la ville n'accorde que 37 500 $ au budget d'opération en matière d'immigration. Ce montant constitue 18,7% du financement de la mise en œuvre de l'entente 2002 entre la ville de Québec et le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qui totalise 200 000 $. À titre de comparaison, un montant de 7 millions $ est prévu dans l'entente de développement culturel pour l'année financière 2002-2003 conclue entre la Ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications. La participation de la ville s'élève à 3,5 millions $, soit 50% de l'entente.

Désistement de la ville en matière d'attraction de nouveaux immigrants à Québec

Le principal problème auquel la ville est confrontée en matière d'immigration, c'est le faible nombre d'immigrants qui choisissent de s'y établir directement. Pourtant, selon les propos de M. Dallaire, la ville aurait convenu dans l'entente avec le MRCI de « ne pas toucher à la promotion internationale ». Il s'agit de parcourir l'entente pour constater que cette « restriction internationale » à l'égard de la ville n'y est pas précisée. Il est plutôt mentionné que « la nouvelle ville de Québec commencera ses opérations le 1er janvier 2002 et souhaite s'impliquer dans la planification et la réalisation d'actions en matière d'attraction et d'intégration des immigrants.

M. Dallaire précise aussi que la priorité de la stratégie de la ville demeure l'immigration secondaire à partir de Montréal, en incitant les immigrants habitant déjà Montréal à déménager dans la capitale nationale. Il dit cependant ignorer combien de personnes se sont établies à Québec suite aux rencontres organisées dans la métropole.

En matière d'attraction, la Chambre de commerce de Québec apparaît plus dynamique que la ville et plus proactive. Le Soleil du 5 octobre dernier rapportait que la Chambre de commerce a initié, l'été dernier, un projet pour favoriser l'immigration à Québec de citoyens de l'Europe de l'Est et que l'idée a surgi à la suite des foires de l'emploi. À cet égard, l'organisme de la capitale nationale compte s'associer avec des organisations en place dans certains pays pour établir les contacts avec de potentielles recrues. Un lien a déjà été créé avec Espace Emploi International, une organisation qui fait du démarchage hors du pays pour identifier des emplois disponibles.

Conservation du mandat de « formater» l'information

M. Dallaire indique que la ville garde « le mandat de formater l'information ». À cet égard, la fiche d'information sur la capitale nationale présentée sur le site Web d'Immigration-Québec aurait sans doute besoin d'être « reformatée » en fonction de la ville nouvelle. Dix mois après les fusions municipales, on constate qu'il y est encore question de la Communauté urbaine de Québec, de ses principales villes et de leurs populations respectives : Québec avec 169 125 habitants, Sainte-Foy, Beauport et Charlesbourg.

En parcourant les diverses fiches de la pochette « Québec, mon choix de vie », publiée cette année par la ville, on constate que l'information y est effectivement « formatée ». C'est une très belle pochette qui devrait certainement bien paraître sur les présentoirs. L'information qu'elle contient, en général peu pratique, n'est cependant pas de nature à convaincre les immigrants de choisir de s'établir dans la ville de Québec…. « Lacs, montagnes, rivières, vallées, sans oublier le célèbre fleuve Saint-Laurent ; autant d'images inoubliables qui se transforment au gré des saisons. Paysages flamboyants en automne, étendues d'eau cristallisées en hiver, arbres en fleurs au printemps, fruits gorgés de soleil en été ; Québec est majestueuse toute l'année…. ».

De plus, certaines informations de la pochette ne correspondent pas à la réalité. À titre d'exemple, contrairement aux diverses déclarations publiques de M. L'Allier, la fiche « immigration » fait état de « cet engouement pour la capitale comme lieu d'établissement » pour les immigrants.

D'autres informations sont formatées de telle sorte qu'elles peuvent induire en erreur les futurs immigrants. La fiche « éducation » peut laisser croire qu'ils peuvent inscrire leurs enfants à l'école anglaise dès l'école primaire. Il est uniquement mentionné ceci : « Quant aux niveaux d'enseignement préscolaire, primaire et secondaire, la ville de Québec est desservie par quatre commissions scolaires, dont une anglophone. Près de 150 écoles, réparties dans divers quartiers de la ville, se chargent de donner un encadrement et un enseignement de qualité aux enfants. »

INTERVENTIONS INEFFICACES DE LA VILLE

Pour ma part, lors de la séance du Conseil municipal du 4 mars dernier, j'ai posé les questions suivantes à la conseillère responsable du dossier immigration, Mme Ann Bourget :

  1. Pourquoi, même après la signature de deux ententes entre la ville et le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la capitale nationale n'est-elle pas mise en valeur sur le site d'Immigration-Québec comme second pôle d'immigration au Québec ?
  2. La ville, ne devrait-elle pas demander au ministère l'ajout de deux pages : vivre à Québec et investir à Québec ?
  3. Le site d'Immigration-Québec présente une liste d'intermédiaires financiers autorisés à œuvrer dans le programme des immigrants investisseurs. Pourquoi sont-ils tous situés à Montréal ?
  4. La ville, a-t-elle eu des pourparlers avec Investissement-Québec qui reconnaît officiellement les intermédiaires financiers de ce programme ?

Huit mois après avoir posé ces questions devant les membres du Conseil municipal, je constate que, si la ville est intervenue auprès des organisations concernées, ses interventions ont été inefficaces, la situation n'ayant pas changé.

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