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UNESCO
L’organisation internationale ferme son bureau de Québec en confiant un héritage à la Bibliothèque de l’Université Laval

par Daniel Allard

 

La récente décision de l'UNESCO de s'intaller à Montréal aura-t-elle à plus ou moins brève échéance un impact sur son bureau de Québec? Est-ce qu'un bon jour, un fonctionnaire au siège à Paris, à la recherche de mesures de rationalisation, n'aura pas la bonne idée de fusionner les bureaux de Montréal et de Québec au détriment du second? COMMERCE MONDE avait vu venir le coup dans son #18. Lorsque les craintes se sont confirmées, dans les derniers jours de juillet 2001, la nouvelle était à la une du quotidien Le Soleil: “L’UNESCO ferme son bureau de Québec”.

Le 31 juillet 2001, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture a bien fermé définitivement la seule représentation officielle qu’elle avait au Canada. Celle qui avait pignon sur rue dans le quartier historique de la Place-Royale, au cœur de ce qui a justement permis à l’UNESCO, en 1983, d’ajouter Québec sur sa prestigieuse “Liste du patrimoine mondial”.

Depuis le 1er août 2001, le Canada n’a donc plus de représentant officiel de l’UNESCO sur son territoire. La décision fait partie d’un plan global de restructuration. Cette organisation internationale aura 55 ans officiellement le 4 novembre 2001. Elle avait d’ailleurs été fondée à Québec en 1946. Depuis que les États-Unis d’Amérique n’en sont plus membre, l’UNESCO souffre évidemment d’un manque de financement important. Outre celui de Québec, une vingtaine de bureaux disparaîtront bientôt, dont celui logé auprès du FMI à Washington, faisant en sorte que l’Amérique du Nord n’aura plus qu’une seule représentation de cet organisation internationale prestigieuse: celle à New York. Ailleurs dans les Amériques, les antennes au Panama, au Salvador, au Venezuela, en Argentine, au Paraguay, à la Barbade et à Trinité-et-Tobago auront aussi disparu d’ici la fin de l’année 2001.

“Mais la Commission canadienne pour l’UNESCO, avec ses fonctionnaires à Ottawa est toujours là”, précise tout de go la première intéressée par cette décision qui ne fait pas l’affaire des gens qui se préoccupent de l’image internationale de la capitale québécoise. Rencontrée le jour même de son départ vers Paris, Ndèye Fall, celle qui aura été la dernière directrice du bureau de Québec, se voulait rassurante. Mais la commission en question est une institution canadienne servant de lien entre le gouvernement fédéral et l’UNESCO. Et pas plus que le nouvel institut qui sera basé à Montréal, elle n’a le mandat de faire connaître l’UNESCO au public et de promouvoir directement ses idéaux.

L’Institut statistique de l’UNESCO,
auparavant logé au siège social de l’organisme à Paris,
ouvre ces portes à l’automne 2001 dans les murs
de l’École des hautes études commerciales
de l’Université de Montréal

Ndèye Fall ne cachait donc pas sa tristesse de devoir fermer boutique après cinq ans de travail à Québec. “Mon mandat ici touchait surtout les questions d’éducation, de culture et de protection du patrimoine physique bâti. Il y avait aussi ce patrimoine immatériel, plus fragile, moins visible, car intangible, comme les langues, (...) la centaine de langues qui se meurent de par le monde et dont on n’est pas assez conscient”, se désole cette enseignante de formation.

Le bureau de Québec avait ouvert en 1989. C’est le Gouvernement du Québec qui en finançait le secrétariat et la location du bureau, alors que le Gouvernement du Canada octroyait un budget d’opération. En bref, l’argent d’Ottawa payait les billets d’avion lui permettant d’accomplir sa mission à travers le Canada. Ce budget, qui était de 15 000$ en 1998, était passé à un maigre 10 000$ depuis 1999. Un contexte de rareté des ressources que la fonctionnaire internationale n’a pu s’empêcher de souligner.

Ces budgets d’opération auront tout de même permis à la directrice d’effectuer des missions au moins une fois dans chacune des dix provinces du Canada durant ses années de mandat, “...mais ils furent insuffisants pour me permettre de me rendre dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon. Une chose que je regrette, car c’est là que des langues et des cultures sont le plus menacées au Canada”, de souligner madame Fall.

L’UNIVERSITÉ LAVAL HÉRITE D’UN CENTRE DE DOCUMENTATION

L’UNESCO ne quitte cependant pas Québec en emportant tout. Madame Fall se réjouissait de confirmer que le Centre de documentation qu’il y avait dans les bureaux de la rue Saint-Pierre était en route vers la bibliothèque centrale de l’Université Laval , au Pavillon Charles-Bonenfant. “D’après les arrangements, il y aura peut-être même une section UNESCO, clairement identifiée, qui réunira un certain nombre de publications, mais la majeure partie des documents de l'UNESCO sera intégrée à la collection générale de la bibliothèque. Il y aura également un catalogue...”, assure-t-elle, précisant avoir fait le nécessaire avec le ministère des Relations internationales du Québec et la direction de la bibliothèque.

“Les documents sont effectivement arrivés, on doit maintenant les cataloguer”, a pu confirmer le directeur adjoint de la bibliothèque, Claude Busque, en entrevue téléphonique le 16 octobre.

Et que pense la diplomate de carrière des chances de voir les États-Unis réintégrer l’UNESCO: “Je n’ai pas un don de mage, mais en 1997 le président Bill Clinton avait dit son intention de réintégrer. Maintenant, c’est entre les mains du nouveau Congrès américain.”

Pour sa part, le jour où elle s’envolait du moins pour Paris, celle qui était en poste à Québec depuis 5 ans ne savait pas encore à quelles tâches l’UNESCO l’affecterait. Mais elle sait cependant que c’est en 2003 qu’elle atteindra l’étape de la retraite. Elle ira peut-être au Moyen-Orient, pense-t-elle. Bonne chance, madame Fall.