“Comment devient-on le meilleur lieu en Amérique du Nord où brasser des affaires? Il faut une économie diversifiée, de bonnes écoles, des taxes peu élevées, et beaucoup d’Asiatiques!”, lançait la journaliste-reporteur Martine Turenne, dans son article publié dans la revue L’actualité,  le 15 juin 2001. Voilà, en une seule phrase, une belle façon de provoquer un examen de conscience collectif dans toutes les villes du continent nord-américain. Sommes-nous dans “la game”?

Les résultats d’une étude publiée plus tôt cette année ont, dans ce contexte, un effet de douche froide sur les épaules de tous les politiciens joviaux du Québec. Les réalités soulevées par le chercheur Marcel Boyer montre un Québec pas rose du tout. En février dernier ce chercheur, qui est également le président-directeur général du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), a publié son rapport sur la performance économique du Québec au cours des dernières années.

¨La performance économique du Québec se détériore¨,
affirme Marcel Boyer

Le document en question comporte une trentaine de pages et les constats que l’on y retrouve sont pour le moins troublants. M. Boyer affirme que la position économique du Québec comparée au reste du Canada se détériore et que cette sous-performance dure depuis près de vingt ans. Voici quelques passages marquants de l’ouvrage:

• De 1981 à 1999, le Produit intérieur brut (PIB) du Québec a été de 2,1% comparativement à 2,8% pour le reste du Canada, tandis que pour les dix dernières années, son taux de croissance annuel moyen a été de 2,0% au Québec comparé à 2,6% pour le reste du pays.
• Le nombre d’emplois a connu une hausse de 6,9% au Québec, de 12,4% au Canada et de 12,4% également aux États-Unis et ce, pour la période 1990-99. L’économie du Québec créé moins d’emplois que le reste du Canada depuis au moins 25 ans.
• De 1996 à 1999, le taux d’emploi pour les personnes de 15 ans et plus se situe à 55,5%. Au Canada, il est de 60,8% et aux États-Unis, 64,0%. Le taux de chômage est donc plus élevé. Ce phénomène s’observe particulièrement chez les hommes de 55 à 64 ans.
• Depuis 20 ans, bon an mal an, près du tiers des prestataires d’assurance-chômage/emploi au Canada proviennent du Québec.
• Le taux de rémunération moyen au Québec est en baisse depuis 20 ans pour atteindre 93,6% en 1999 si on le compare au reste du pays.-    

Toujours selon l’auteur, les impacts de cette sous-performance sont les suivants :

• La dégradation relative des services de santé et des services sociaux
• La baisse de la qualité relative de l’éducation à tous les niveaux, de la formation scientifique et professionnelle à la formation continue
• Le dépérissement relatif ou le développement au ralenti des infrastructures (routes, eau potable et eaux usées, télécommunications, inforoute)
• La dégradation de l’environnement
• Le dépérissement relatif des industries culturelles (musique, danse, théâtre, musées, festivals)
• La baisse de la qualité relative des activités récréatives de toutes sortes (baisse de qualité, voire disparition, des équipes de sport professionnel de haut niveau)

Il identifie deux causes principales qui expliquent cette situation peu enviable: le manque d’incitations à la performance ainsi que le vieillissement des mécanismes publics de coordination.

Finalement, il propose quelques solutions, bien ancrée dans ce qu’il appelle une nouvelle social-démocratie concurrentielle, c’est-à-dire une société qui véhicule une vision de l’Homme comme être social :

• Le développement accéléré des technologies d’information et de communication

• La globalisation des marchés

• L’internationalisation des cultures

Ce document porte les noms de La performance économique du Québec: constats et défis et Rapport Bourgogne.  M. Boyer est professeur de science économique à l’Université de Montréal.