Production
de lithium métal L’avenir doré commencerait dès 2001 pour RAYMOR par
Daniel Allard |
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Devenir
producteur de lithium métal, c’est d’abord faire partie d’une bien
petite famille! Le nombre de producteurs de lithium métal dans le monde
se compte avec deux mains. Pour quelques mois encore, ils sont huit, mais
l’arrivée de Raymor Industries fera passer ce chiffre à neuf.
L’entreprise, qui a son siège social à Québec, veut du coup devenir
le premier producteur au Canada. «Actuellement,
la production mondiale est de 1 000 tonnes par an. Au départ, notre
usine-pilote aura déjà une capacité industrielle et elle produira 50
t/an, mais pourra facilement porter sa production à 100 t/an», explique
le président de Raymor, Stéphane Robert. LE
LITHIUM MÉTAL EST «L’OR» DE LA HAUTE TECHNOLOGIE Lorsqu’on
regarde les utilisations industrielles actuelles et à venir du lithium métal,
on constate pourquoi les faiseurs d’images s’amusent à dire qu’il
est «l’or» de la haute technologie. Il
entre dans la fabrication des piles et batteries rechargeables de très
haute performance (actuellement, la pile la plus performante est au
lithium ion; la prochaine génération sera au lithium métal, comme la
pile ACEP d’Hydro-Québec). Juste à ce titre, on parle de
trois marchés à très forte croissance: les piles stationnaires en télécommunication,
les voitures hybrides et les voitures électriques. Ajouté à
l’aluminium, il diminue le poids de l’alliage et augmente la rigidité
et la résistance à la corrosion, de sorte que les industries de
l’automobile, de l’aéronautique (Airbus en emploie pour ses
avions) et de l’aérospatiale (les réservoirs de navette spatiale de la
NASA) se tournent de plus en plus vers l’alliage
aluminium-lithium métal. Le butyllithium et les plans nucléaires sont
aussi des marchés pour ce produit. Le prix du lithium métal pour le
marché des batteries peut atteindre jusqu’à 100 $US le kilo, soit 100
000 $US la tonne. Pour
toutes ces raisons, les spécialistes estiment que le marché mondial du
lithium métal, qui tourne autour de 1 000 t/an actuellement, passera à 3
000 tonnes en 2005 et atteindra les 8 000 tonnes en 2008. 1998,
1999, 2000... 2001 SERAIT ENFIN LE DÉBUT DES ANNÉES DORÉES POUR RAYMOR La
consultation de la couverture de presse concernant Raymor dans les dernières
années rappelle que cette entreprise n’en est pas à son premier départ.
L’année 2001 sera-t-elle enfin la bonne année pour les investisseurs
de Raymor? «Nos investisseurs, très nombreux dans la région de Québec
en passant, ont été très patients jusqu’à maintenant», reconnaît
d’ailleurs de lui-même le président, en entrevue dans son bureau du
boulevard Laurier, à Sainte-Foy, le 27 mars dernier. En
1998, on parlait d’un plan en trois phases. La Phase 1, évaluée
à 18-20M$, consistait en l’ouverture de sa mine à ciel ouvert de La
Motte, avec construction d’une usine de production de 30 000 t/an de
spodumène et de sous-produits de mica et de feldspath. À cette époque,
il n’y avait qu’un producteur de spodumène au Canada, situé au
Manitoba. En Phase 2, on parlait, avec 18,5M$, de construire une
usine pouvant produire jusqu’à 3 600 t/an de carbonate de lithium
(99,98%). Une Phase 3, alors évaluée à environ 25M$, visait la
construction d’une usine pouvant produire jusqu’à 200 t/an de lithium
métal. En septembre 1998, Raymor avait d’ailleurs signé une entente de
partenariat avec SOQUEM, filiale de la Société Générale de
Financement (SGF). Les études de pré-faisabilité et de faisabilité
avaient ainsi pu aller de l’avant. Raymor discutait aussi avec Hydro-Québec
en recherchant un partenariat majeur. En
1999, les journaux au Québec ont beaucoup parlé de la fameuse pile ACEP
et Argo-Tech voulait alors entrer sur le marché au début de 2001,
soit un an plus tôt que prévu. En décembre 1999, cette filiale d’Hydro-Québec
Capitech avait d’ailleurs discrètement réussi une première
mondiale, en installant quatre prototypes de batteries ACEP dans une
partie du réseau de Bell South en Floride, un géant américain
des télécommunications. Cette année-là, le «projet lithium» de
Raymor se mit rigoureusement au rythme des acquis de son partenariat de
recherche signé, en avril 1999, avec l’Université McGill. En
2000, on a confirmé les bonnes nouvelles du côté des tests avec
l’Université McGill. On a même annoncé que la mine de La Motte
entrerait en production en 2002 et qu’en plus des sous-produits de
feldspaths et de mica, l’exploitation du quartz ajouterait encore
d’autres revenus. En septembre 2000, l’investissement de 15 millions $
dans une usine de lithium métal était dans les journaux. On visait le
printemps 2001, avec la création d’une cinquantaine d’emplois. Mais
plus question de production de spodumène à court terme, ni de carbonate
de lithium. Raymor, pour sa future usine, achètera d’abord son spodumène
sur le marché et gardera sa mine de La Motte en réserve. Depuis
le dernier communiqué de presse de la compagnie, le 26 février 2001,
c’est l’attente pour avoir une date de confirmation du début des
travaux de construction, ou d’aménagement, d’une usine-pilote de
calibre industriel, fort probablement dans la région de Montréal. Aucun
partenariat n’est encore acquis avec Hydro-Québec, et Stéphane Robert,
fin mars, travaillait manifestement toujours à boucler financièrement
son projet. QUAND LA R&D PAVE UN
AVENIR MEILLEUR
Fondée
dans les années 80 par Raymond Marleau et Louis Morin,
d’où le nom Raymor, ceux-ci avaient inscrit leur entreprise à la
bourse de Calgary. Ressources Raymor, en 1990, devient propriétaire
à 100% de la mine La Motte. (Grande de 240 hectares, la propriété
La Motte, situé à 20km d’Amos, en Abitibi, au Québec, est riche en
spodumène - la matière première qui contient le lithium - et serait la
seule en Amérique du Nord permettant une exploitation économique à ciel
ouvert.) Le siège social est établi à Sainte-Foy en 1996 et la
compagnie procède à un changement de nom pour Raymor Industries
quelques années plus tard. Stéphane
Robert arrive au sein de Raymor en 1996, en acceptant un poste comme
responsable des communications. Il fait aussi rapidement le choix de
devenir investisseur. Mais en 1998, c’est lui qui devient le dirigeant.
Lui-même ingénieur géologue, il n’est pas étranger au défi qu’il
entreprend, d’autant plus que Stéphane est aussi le fils de Jean-Louis
Robert, président de Ressources Robex, une autre entreprise
publique de Québec active dans le secteur minier (Mtl: RBX). Stratégiquement
bâtie autour d’efforts majeurs en recherche et développement, la
nouvelle voie industrielle que décide de prendre l’entreprise est un
gros pari, mais si ça marche, ce plan fera de Raymor le seul producteur
de lithium métal à partir de spodumène. Les
alternatives à la production de lithium métal sont déjà connues, comme
par exemple à partir de la potasse ou du sel marin. Mais c’est la
technique à partir de saumure de Minsal, au Chili, qui est vue par
plusieurs personnes de l’industrie comme imbattable et décourage à se
lancer dans la production. En 1995-96, Corporation Lithos faisait
d’ailleurs de son côté la promotion de son projet d’exploitation du
gisement de lithium Sirmac, près de Chibougamau, avec la même
intention d’établir un partenariat avec Hydro-Québec et son projet
ACEP. Devenue l’an dernier société publique sous le nom de LimTech,
l’entreprise que dirige John. A. Stimtson est en production
depuis juin 2000 - bien que l’ouverture officielle de l’usine se soit
tenue le 30 octobre dernier - mais elle se concentre actuellement dans le
carbonate de lithium, gardant ses projets concernant le lithium métal
pour le futur.
Pour
Raymor, l’approche est différente. Avec son procédé métallurgique inédit
qui élimine les étapes intermédiaires (carbonate de lithium et chlorure
de lithium), Stéphane Robert compte réaliser d’importantes économies
et prévoit des coûts de production bien inférieurs à ceux des
producteurs actuels de lithium métal. Au
surplus, la technique de purification de métaux mise au point par les
chercheurs de l’Université McGill s’applique également à d’autres
métaux. Son potentiel est donc loin d’être pleinement exploité et
l’usine-pilote servira, en plus, au développement de nouvelles
applications de cette technologie, soumise récemment à l’obtention
d’un brevet pour lequel Raymor a acquis les droits de licence exclusive
mondial. Pour ce transfert technologique université-entreprise, 200 000
actions ordinaires de Raymor ont été accordées à l’Université
McGill, pour les cinq premières années d’une entente renouvelable sur
vingt ans, soit la durée du brevet. Depuis
juin 1999, des travaux effectués dans les laboratoires de l’Université
McGill avaient permis de développer ce procédé unique de production de
lithium métal directement à partir de spodumène. Un des principaux
avantages de cette technique consiste Le procédé possède de nets
avantages sur les autres méthodes utilisées en métallurgie et est
beaucoup moins sensible à la qualité du produit de base. Il permet aussi
de pouvoir faire varier la température facilement. Le Dr Ralph Harris,
sous l’autorité duquel les travaux pour la mise au point de ce procédé
ont été réalisés à l’Université McGill, occupe d’ailleurs
toujours un poste stratégique au sein de l’équipe de Raymor. En
octobre 2000, le frère de ce dernier, le Dr Cameron Harris, est
par ailleurs devenu le directeur de projet pour la production de lithium métal
à l’emploi de Raymor. Cameron Harris possède vingt ans d’expérience
dans l’industrie métallurgique et fut responsable du démarrage de
divers usines dont la valeur atteint 500M $US. Autre
point fort de la position de Raymor, suite aux études de pré-faisabilité
effectuées en 1999, il a été confirmé que l’exploitation du gisement
de lithium La Motte permettra d’obtenir du spodumène à un coût très
inférieur (moitié prix) à celui disponible sur les marchés mondiaux. Stéphane
Robert voit donc poindre à l’horizon les années dorées d’une
entreprise qu’il connaît bien et vise, plein de confiance, deux
principaux marchés en même temps: celui des piles et batteries (équipement
électronique, télécommunication et voitures électriques) et celui des
alliages lithium-aluminium (aéronautique et aérospatiale).
L’orientation
industrielle de Raymor ne l’empêche pas de garder certains intérêts
dans des activités d’exploration minière. La société possède
toujours à 100% la propriété de Lac Arthur, en Abitibi, au Québec,
85% da la propriété Comifa (Yérémoundé) dans la région aurifère
de la vallée de Kéniéba, au Mali, ainsi que 75% de la propriété Bodogo,
au sud de Bamako, la capitale du Mali. À la fin de l’exercice terminé
le 31 décembre 1999, Raymor déclarait avoir un nombre moyen pondéré
d’actions en circulation de 15 290 289, contre 13 755 686 un an plus tôt.
La perte nette de cette année financière 1999 fut de 418 336$,
comparativement à 264 125$ en 1999, portant ainsi le déficit accumulé
de l’entreprise à 2,96 millions $. Mais ces chiffres prendront des
proportions bien différentes en 2001, avec la concrétisation de la
construction d’une usine de 15 à 20 millions $ et l’arrivée de
revenus pour 50 à 100 tonnes de production de lithium métal. Par
ailleurs, dans l’édition du 21 février 1998 du Journal Les Affaires,
Stéphane Robert n’avait pas caché
avoir une carte de plus dans son jeu: «...une participation de 25% dans
le projet de raffinerie de lithium à Jonquière que pilote Corporation
Lithos». L’article concluait aussi que «...toutefois, Lithos conteste
la participation que revendique Raymor». Dans l’entrevue qu’il
accordait à COMMERCE MONDE le 27 mars dernier, monsieur Robert a encore
soutenu avoir une option pour acquérir 25% de l’usine de LimTech, même
s’il sait que cette position est toujours contestée par les dirigeants
actuels de cette dernière. Voulait-il simplement profiter d’une belle
occasion pour réaffirmer publiquement ses prétentions? C’est une
histoire qui se réglera peut-être un jour devant les tribunaux, mais
pour l’instant, Stéphane Robert a clairement laissé entendre qu’il
avait bien d’autres priorités. «Nous visons à devenir l’un des
trois fournisseurs pour AVESTOR, qui prépare son usine de production de
piles stationnaires ACEP pour 2002», lance fermement le président de
Raymor Industries. AVESTOR
A ANNONCÉ LA PRODUCTION DE MASSE DE SES PRODUITS EN DEUX TEMPS: EN 2002
ET EN 2004 AVESTOR,
qui a fonctionné sous le nom d’Argo-Tech depuis 1994, a
effectivement annoncé qu’elle débutera la production de masse et la
commercialisation de ses batteries au lithium-métal-polymère (LMP)
en 2002 pour les applications fixes de télécommunications, particulièrement
les banques de batteries de réserve et les cabinets extérieurs. Un marché
qui remplacera la batterie conventionnelle VRLA (Valve-Regulated
Lead-Acid) actuellement standard dans le secteur des communications
fixes. Et le lancement de la même batterie LMP sur le marché des véhicules
électriques suivra en 2004. À
l’occasion du 17e Symposium mondial du véhicule électrique
(EVS-17), tenu à Montréal en octobre dernier, AVESTOR présentait
d’ailleurs la voiture du Groupe TH!NK munie de sa batterie LMP,
la TH!NK City de Ford. La Precept de GM
est également dotée de batterie LMP d’AVESTOR, une technologie jugée
prometteuse par les grands de l’industrie automobile. Il faut aussi
savoir que l’an dernier, la TH!NK City était déjà en vente, en
Scandinavie, avec un autre type de batterie. AVESTOR doit donc réussir à
convaincre Ford d’adopter définitivement sa batterie LMP.
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