XIIe colloque
Faire affaires à l’étranger Dynamiser l’entreprise par l’information concurrentielle par
Daniel Allard |
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L’information
et le savoir sont de plus en plus la richesse des entreprises. On aime
dire que la connaissance avec un grand C est le carburant de la nouvelle
économie. Faisant un pas de plus, plusieurs experts considèrent
maintenant la connaissance comme le seul véritable avantage compétitif
qu’une organisation peut s’approprier face à ses concurrents. Pourtant,
à la lumière des études réalisées au CÉFRIO, un centre de
recherche de Québec en informatisation des organisations, il n’est pas
facile d’évaluer les impacts d’une approche de gestion des
connaissances sur la compétitivité des organisations. L’effet se
manifeste surtout dans les indicateurs intermédiaires, tels que le temps
de réponse, la satisfaction du client, l’innovation. «Et comme nous en
sommes à un stade d’émergence, cette problématique de mesure est
encore au coeur des discussions», reconnaissait la PDG du CÉFRIO, Monique
Charbonneau, lors de sa conférence devant les participants du
colloque Dynamiser l’entreprise par l’information concurrentielle,
tenu au Château Frontenac à Québec, le 14 mars dernier. La
saine gestion des connaissances au sein des entreprises a cependant déjà
ses histoires de succès:
GÉRER, MAIS SURTOUT
PROTÉGER
Élément
vital de cette bonne gestion de l’information, la protection des
renseignements stratégiques dans l’entreprise est sans doute la facette
la plus risquée à maîtriser. Et un grand mythe veut que les PME n’intéressent
personne et qu’elles sont à l’abri de l’espionnage concurrentiel.
«C’est faux, 75% des cas visent les PME, car elles sont les incubateurs
d’idées et d’innovations dans la plupart des marchés», prévient la
juriste Nicole Lacasse, qui enseigne à l’Université Laval. Le
dirigeant de PME qui pense qu’il n’est pas une cible se trompe. La
protection, c’est pour les grands et les petits! Si 65% des mandats de
recherche d’information en Competitive Intelligence (CI) viennent
de grandes entreprises, il importe surtout de retenir que les cibles sont
des PME dans 75% des cas. Mais
une fois mieux averti, comment réagir? D’où vient la menace?
Malheureusement, elle est très souvent non-matérielle! Les représentants
commerciaux, les vôtres comme ceux de vos concurrents, arrivent largement
en tête (selon 27% des gens) de la liste des meilleures sources
d’informations disponibles; alors que se sont les «Publications et
banques de données», au second rang, selon 16% des gens. Quoi
protéger? Quoi cacher? Banalement, c’est l’information concernant le
prix, comme en témoignent les données du Tableau 1, qui intéresse le
plus un concurrent. Bien avant les renseignements sur vos activités de
R&D, vos nouveaux produits ou vos principaux marchés. TABLEAU 1
QUOI CACHER? QUELLES SONT LES INFORMATIONS LES PLUS UTILES AUX CONCURRENTS
(Source:
Selon une enquête du Conference Board du Canada auprès des
entreprises manufacturières, 1988.) Il
y a évidemment différents régimes de protection juridique des
informations selon les pays. À cet égard, une différence importante
avantage les États-Unis, au détriment du droit canadien. En droit
criminel, au Canada, depuis la cause R. v. Stewart
(1988) 50 DLR 4th 1 de la Cour Suprême,
l’information confidentielle n’est pas un bien sujet à un droit de
propriété pour infractions de vol et fraude, car la victime n’est pas
privée du «bien» volé, ont tranché les juges canadiens. Deuxième
chose très pertinente à savoir en matière juridique: d’une manière générale,
ceux qui pensent protéger leurs renseignements stratégiques en imposant
aux employés des clauses de non-concurrence doivent faire très
attention. Des limites raisonnables de durée, de territoire et
d’activités visées sont nécessaires pour que la clause soit légale.
Une clause de non-concurrence sur 10 ans, c’est carrément illégal! Et
ce seul élément annule la validité du document.
Le
conférencier de clôture du colloque avait tout pour garder les gens dans
la salle. L’Européen Christian Harbulot, directeur de l’École
de guerre économique, de Paris, venait développer le thème «Intelligence
économique et stratégies des entreprises». Le texte de sa communication
présente effectivement une perspective originale pour le monde des
affaires. Prendre
conscience du fait que dans la logique du monde post-guerre-froide
d’aujourd’hui, comparativement à la période de la Guerre froide, la
course aux NTIC remplace la course aux armements, la maîtrise mondiale de
l’information remplace l’importance de la propagande contre le Bloc de
l’Est, l’influence géo-économique l’emporte sur les alliances géo-politiques,
oblige à ajuster son langage, au minimum. Mais
contexte de guerre froide, économique, réelle ou virtuelle, qu’importe
son appellation, lorsqu’on vous raconte qu’il existe maintenant aux États-Unis
des cabinets de consultants qui se sont spécialisés dans la création de
sites Internet entièrement dédiés à la déstabilisation d’une
entreprise (sites offensifs, rumeurs entretenues sur des forums de
discussions, analyse d’experts boursiers, commentaires de la presse spécialisée,
élargissement de la résonance dans la presse quotidienne...). Pire,
lorsqu’on ajoute un exemple - en 1998, l’entreprise française Belvédère
a été victime d’une telle attaque lancée par le cabinet Edelman
-, on réalise que de nouvelles règles du jeu se dessinent véritablement. Et
il y a tout un nouveau langage qui vient avec les nouvelles menaces attachées
aux enjeux de l’économie d’aujourd’hui:
La
gestion, pour le moins complexe de ces phénomènes, pour la plupart assez
nouveaux, oblige les entreprises à professionnaliser le suivi
informationnel d’un projet d’affaires, pour «...éviter de se faire
attaquer par surprise», comme l’explique le texte de Christian
Harbulot. Fondée en octobre 1997, l’École de Guerre Économique
qu’il dirige se présente d’ailleurs comme une première tentative de
réponse au besoin urgent de professionnaliser de nouvelles générations
d’étudiants et de cadres à l’usage de l’intelligence économique
dans la gestion des rapports de force concurrentiels. La
Chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires internationales de
l'Université Laval, en collaboration avec la section québécoise de
la Society of Competitive Intelligence Professionals (SCIP)
et l'École de guerre économique de Paris, organisaient
conjointement se XIIe colloque annuel de la prestigieuse série Faire
affaires à l’étranger institué par la professeure Nicole
Lacasse. |