Le Sommet des Amériques Une occasion de mousser la région de la capitale par Benoit Routhier |
Avril,
mois précurseur de renouveau. Le printemps est là, les gens sont fébriles,
les banlieusards vont voir dans leur remise s'ils ont tous les outils pour
entreprendre le temps de la préparation du jardin et de la pelouse. Cette
année, à Québec, avril c'est aussi le mois du plus grand événement à
se tenir en nos murs: le 3e Sommet des Amériques. Il
serait bon que, tous ensemble, gouvernants, compagnies multinationales et
populations se penchent sur l'avenir de la planète. Quel beau rêve!
Comme si les entreprises multinationales cherchaient autre chose que le
plus grand contrôle possible de l'économie planétaire! Comme si les
gouvernements savaient dire non aux demandes de plus en plus exigeantes
des mêmes compagnies multinationales pour faire disparaître le plus
d'obstacles possibles, et pourquoi pas tous les obstacles, à leur soif de
pouvoir et de richesse! Comme si les gouvernants de la planète ne
faisaient pas partie de la portion de plus en plus infime de la population
terrestre qui possède quasi toutes les richesses du globe! AVANT
QU’UNE RÉVOLUTION N’ÉCLATE Et
pourtant. Pourtant il serait grand temps, avant qu'une nouvelle révolution
n'éclate, et cette fois-ci peut-être pas dans les seuls pays lointains,
de repenser le capitalisme? Oui,
le communisme a été un échec. Oui, il a charrié des erreurs
monumentales et il a été à l'origine de crimes indescriptibles. Mais
cela veut-il dire qu'il faille succomber au capitalisme sauvage tel qu'il
recommence à se pratiquer? La
révolution industrielle a été accompagnée de la naissance des
syndicats d'ouvriers et des luttes féroces ont été menées parce que
les patrons ne voulaient rien partager. Les ouvriers ont fini par obtenir
des salaires décents, des conditions de travail acceptables, des
avantages sociaux qui s'imposaient. Mais il leur a fallu des années de
luttes titanesques pour faire comprendre le bon sens aux dirigeants
d'entreprises et aux membres du gouvernement. Rappelons-nous la grève de
l'amiante… RÉPÉTITION
DE L’HISTOIRE Or,
aujourd'hui, à quoi assistons-nous? On dirait une répétition de
l'Histoire. L'avènement
de l'informatique a accéléré la tendance vers un capitalisme sauvage.
Oui, l'informatique a libéré l'homme de tâches souvent trop lourdes
pour lui. Oui, l'informatique a élevé l'être humain vers les plus
hautes sphères du savoir et de la technologie. Mais en même temps elle a
semé la misère chez des milliers d'individus qui ont été jetés à la
rue, partout en Occident, aux Etats-Unis, au Canada et au Québec, leurs
bras n'étant plus nécessaires pour produire. Le syndicalisme s'est
affaibli considérablement de sorte que les entreprises, les plus grosses
et les plus importantes du moins, font à peu près ce qu'elles veulent
avec leurs employés. Les gouvernements ont souvent aidé les entreprises
en imposant aux syndiqués des règles à la pratique du droit de grève
si limitatives que, finalement, la grève n'affectait pas beaucoup le
fonctionnement de l'entreprise. Et voguent les profits! Le
syndicat montre-t-il un peu trop les dents? Les propriétaires répliquent
par une menace de fermeture! Et pour quoi faire? Recommencer ailleurs,
dans des pays où la main-d'œuvre est meilleur marché et où on peut
encore exploiter les petits. LA
MONDIALISATION Je
rejoins ici les effets néfastes de ce vaste mouvement de la
mondialisation, de la globalisation des marchés. Oui,
il peut y avoir de bonnes raisons à la mondialisation. L'économie est
devenue sans frontières. Le libre-échange favorise la compétition et,
partant, les entreprises, les nôtres comprises, deviennent plus
productives. Mais
à côté des avantages, il faut songer aux conséquences malheureuses de
la mondialisation, comme la planification par le bas des salaires des
employés, tandis que les hauts dirigeants, les présidents-directeurs généraux,
obtiennent des émoluements scandaleux. Ces PDG de multinationales et de
banques qui empochent des millions de dollars en rémunération et
d'autres millions en parts dans leurs entreprises, pendant qu'ils ne
cessent d'effectuer des coupures parmi leurs employés, devraient être
ramenés à un peu plus de décence par des lois qui ne voient pas le jour
parce que les gouvernements ont trop souvent partie liée avec ces
multinationales. Je n'ai pas plus de respect pour un PDG qui empoche des
millions en mettant ses employés à pied que pour un joueur de hockey
multimillionnaire simplement parce qu'il pousse un ¨puck¨! Qui plus est,
souvent ces entreprises multinationales sont grassement subventionnées
par les gouvernements qui s'alimentent aux poches de la classe moyenne qui
ne cesse de s'appauvrir. Drôle d'équité que de subventionner des
multimilliardaires à même les minces revenus de la classe moyenne… Et
pourtant. Il y aurait moyen, il me semble, d'être un peu original au
Canada et au Québec. Est-on obligé de suivre à la lettre les diktats
d'autres gouvernements ultra-capitalistes comme ceux des États-Unis et de
l'Angleterre qui marchent encore dans les traces des Thatcher et Reagan? POUR
UN CAPITALISME CIVILISÉ N'y
aurait-il pas moyen de pratiquer un capitalisme civilisé, qui saurait
faire bon ménage avec des mesures fiscales et sociales qui assureraient
un meilleur équilibre de la richesse? Le Canada et le Québec avaient une
tradition de sociale-démocratie qu'ils sont en train de perdre. Si
la tendance se poursuit, il ne faudrait pas se surprendre de revivre des
luttes féroces en Amérique du Nord en général, oui, mais aussi au
Canada et au Québec même! Présentement,
les autorités sont sur les dents, craignant les manifestations
anti-mondialisation, lors du Sommet des Amériques. Seattle, Davos, etc,
ont démontré que les manifestations peuvent être violentes et que les
manifestants, si noble et juste soit leur cause, sont capables de gestes
impardonnables. Surtout que chaque fois que des manifestations du genre se
produisent, s'y mêlent des agitateurs et fauteurs de troubles inconnus
des organisateurs. Des mesures importantes de sécurité doivent donc être
mises en place et avec raison. Mais,
en même temps, il faudrait fournir l'occasion aux adversaires de la
mondialisation de débattre de leurs idées. Il faudrait leur donner un
lieu où ils puissent faire connaître leurs arguments à la population québécoise
et canadienne et internationale. Leur donner de la visibilité à eux
aussi, afin qu'ils n'aient pas que la casse comme moyen de se faire voir
et entendre. IMPORTANCE
POUR LA RÉGION La
tournure que prendra ce Sommet pourra avoir des conséquences importantes
sur l'avenir international de la grande région de la capitale québécoise. Pourquoi
ne saisirions-nous pas cette occasion pour démontrer au monde entier que
le Canada et le Québec sont capables de prôner un développement économique
qui soit autre chose que du capitalisme sauvage? Ceci
réussi, le fait que le Sommet se tienne à Québec pourrait faire en
sorte que la région de la capitale soit mieux connue et des pays comme le
Mexique et certains autres de l'Amérique latine pourraient être plus
enclins à faire confiance aux entreprises et entrepreneurs d'ici. |