Nouveaux quotas pour 2001
L'aquaculture reçoit un coup de pouce de l’Europe

par Daniel Allard

 

Une décision du Conseil européen de la pêche, à sa réunion de Bruxelles de fin décembre dernier, imposera d’importantes réductions des prises pour plusieurs espèces de poissons en 2001. Cette imposition de nouveaux quotas de pêche pour les espèces les plus menacées vise entre autres les merlus, le cabillaud et les merlans. Elle va aussi inévitablement favoriser l’essor de l’aquaculture.

Développée, depuis plusieurs décennies, comme alternative à la diminution des ressources halieutiques à travers le monde, l’aquaculture n’est pas une industrie nouvelle. Les chiffres montrent, par ailleurs, que l’aquaculture est présentement en pleine expansion. Dans le Sud-Est asiatique, elle dépasse maintenant la pêche traditionnelle. Des sources scientifiques spécialisées estiment que la production aquacole mondiale représente aujourd’hui 20% de la production totale des ressources vivantes aquatiques. L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) s’attend, de son côté, à une production de poissons d’élevage de 35 à 40 millions de tonnes en 2010, contre 21 millions de tonnes actuellement. Et un groupe français, Adrien, prévoit même une production mondiale de l’aquaculture égale à celle de la pêche traditionnelle au tournant de 2030. Une filiale du groupe de pêche Adrien, la société France Turbot, se taille d’ailleurs déjà la première place mondiale pour la production d’alevins de turbots. Basée à Noirmoutier, l’entreprise française atteint présentement une production de 4,5 millions d’alevins représentant un chiffre d’affaires d’environ 13 millions $CAN.

Selon la FAO,
l’aquaculture verra sa production mondiale
doubler d’ici 2010

En France, une quarantaine d’autres entreprises s’activent dans le domaine de l’aquaculture marine, particulièrement dans la production de truites et de saumons. Mais les principaux pays éleveurs de poissons en Europe restent l’Espagne, la Grèce et la Turquie, importants producteurs pour la daurade, le bar et le turbot.

Stratégiquement, la production en pisciculture s’intéressait surtout aux poissons nobles. Mais les nouvelles réalités de l’appauvrissement des ressources halieutiques mondiales imposent des changements d’approches et à l’Institut français pour l’exploitation de la mer (Ifremer), par exemple, on mène maintenant des expériences pour élever la morue et le lieu jaune.

L’AQUACULTURE AU QUÉBEC

La pêche fait partie du mode de vie de plusieurs régions du Québec depuis toujours. Mais des crises comme celle du moratoire sur la pêche à la morue depuis quelques années ont dramatiquement changé la donne. L’aquaculture devient ici une incontournable solution de remplacement. La théorie est cependant loin d’avoir pris pied solidement dans la réalité québécoise. De 43 tonnes qu’elle était en 1976, la production est passée à 800 t en 1983, a atteint 1 400 t en 1991, pour friser les 2 200 tonnes en 1998 et en 1999.

Au Québec, la pisciculture commerciale rime cependant avec eau douce. “Au-delà de 90% de la production est en eau douce”, explique Guy Ouellet, biologiste à la direction de l’innovation et des technologies du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. “La pisciculture est née au Québec, en 1857, de la nécessité de produire des jeunes poissons pour subvenir aux besoins grandissants de la pêche sportive... Façonnées au départ par cet objectif, les entreprises piscicoles québécoises en sont encore fortement influencées et produisent beaucoup de poissons destinés au marché de la pêche sportive”, rappelle pour sa part Richard Morin, un autre biologiste du MAPAC.

Pour 1999, la production aquacole en eau douce, constituée principalement d’ombre de fontaine (721 t) et de truite arc-en-ciel (1 198 t), a été estimée à 1 970 tonnes. Des chiffres très semblables à ceux de 1998. Environ 975 tonnes ayant servi à l’ensemencement, alors que la différence répondait aux besoins du marché de la table et de la vente par l’intermédiaire des étangs de pêche. Cette production dulcicole, d’une valeur de 12,5 millions $ est d’ailleurs très concentrée, alors que 55% de celle-ci a été réalisée par 5% des entreprises piscicoles québécoises. Et l’exportation ne semble pas encore faire partie de la réalité du monde de l’aquaculture du Québec.

En eau marine, le Québec, qui n’a pas réussi dans les années 1980 et au début des années 1990 à favoriser l’émergence d’un secteur dynamique et profitable, a vu un plan de développement stratégique triennal de la mariculture être déposé en 1997. Ce dernier vise à atteindre une production durable de 2 000 tonnes par années de moules et de pétoncles et à cibler deux nouvelles espèces pour les amener à un stade pré-commercial. Ces objectifs sont cependant encore très loin de la réalité. Les données préliminaires pour 1999 rapportent des ventes de 139,4 tonnes pour les moules et de 20,2 tonnes pour les autres espèces, essentiellement du pétoncle (pour un total de 159,6 t). Les chiffres de 1998 étaient respectivement de 97,8 t et de 38,5 t (pour un total de 136,3 t) et démontrent un très faible niveau de développement de la mariculture québécoise, alors que les ventes de 1992 atteignaient déjà 86,5 t pour les moules et 60 t pour les autres espèces (pour un total de 146,5 t). Des chiffres qui font que le niveau actuel de vente des produits issus de la mariculture au Québec se situe seulement dans les quelques centaines de milliers de dollars.

Selon Richard Morin, le doré et la perchaude sont des espèces qui présentent un potentiel intéressant pour la pisciculture commerciale au Québec. En milieu autochtone, un projet d’élevage expérimental de la perchaude, qui devait se terminer au cours de l’an 2000, a été réalisé dans le sud-ouest de la province. La production de l’ombre chevalier a débuté, pour sa part, depuis environ cinq ans à l’échelle commerciale et a atteint une centaine de tonnes en 1999, la totalité du produit étant destinée au marché de la consommation.

Des études sur les potentiels hydriques d’origine souterraine inventoriés dans trois régions du Québec, en Abitibi (520 t), en Gaspésie (680 t) et en Outaouais (1 640 t), révèlent par ailleurs un potentiel de production de 2 840 tonnes, soit une capacité supplémentaire qui permettrait de facilement doubler l’actuelle production aquacole en territoire québécois.

Globalement, la balance commerciale du Québec en produits de la pêche demeure positive. L’écart s’est toutefois considérablement rétréci ces dernières années, passant de 32,6 millions $ en 1992 à 7,6 millions $ en 1998 et à 1,5 million en 1999. De 1992 à 1998, la valeur des exportations de produits de la pêche est passée de 131 à 158 M$, alors qu’en 1999 elle a atteint 178 M$.

Toujours en 1999, les exportations de produits de la pêche enregistrées au Québec ont été dirigées vers 37 pays. Plus de 88% de leur valeur s’étant concentrée dans deux pays, soit 69,9% aux États-Unis et 18,9% au Japon. La valeur de ces exportations se composait à 61% de mollusques et de crustacés, dont 71% en produits de transformation primaire et 29% en produits à valeur ajoutée.