Une
décision du Conseil européen de la pêche,
à sa réunion de Bruxelles de fin décembre dernier, imposera
d’importantes réductions des prises pour plusieurs espèces de poissons
en 2001. Cette imposition de nouveaux quotas de pêche pour les espèces
les plus menacées vise entre autres les merlus, le cabillaud et les
merlans. Elle va aussi inévitablement
favoriser l’essor de l’aquaculture.
Développée,
depuis plusieurs décennies, comme alternative à la diminution des
ressources halieutiques à travers le monde, l’aquaculture n’est pas
une industrie nouvelle. Les chiffres montrent, par ailleurs, que
l’aquaculture est présentement en pleine expansion. Dans le Sud-Est
asiatique, elle dépasse maintenant la pêche traditionnelle. Des sources
scientifiques spécialisées estiment que la production aquacole mondiale
représente aujourd’hui 20% de la production totale des ressources
vivantes aquatiques. L’Organisation des Nations unies pour
l’agriculture et l’alimentation (FAO) s’attend, de son côté,
à une production de poissons d’élevage de 35 à 40 millions de tonnes
en 2010, contre 21 millions de tonnes actuellement. Et un groupe français,
Adrien, prévoit même une production mondiale de l’aquaculture
égale à celle de la pêche traditionnelle au tournant de 2030. Une
filiale du groupe de pêche Adrien, la société France Turbot, se
taille d’ailleurs déjà la première place mondiale pour la production
d’alevins de turbots. Basée à Noirmoutier, l’entreprise française
atteint présentement une production de 4,5 millions d’alevins représentant
un chiffre d’affaires d’environ 13 millions $CAN.
Selon
la FAO,
l’aquaculture verra sa production mondiale
doubler d’ici 2010
En
France, une quarantaine d’autres entreprises s’activent dans le
domaine de l’aquaculture marine, particulièrement dans la production de
truites et de saumons. Mais les principaux pays éleveurs de poissons en
Europe restent l’Espagne, la Grèce et la Turquie, importants
producteurs pour la daurade, le bar et le turbot.
Stratégiquement,
la production en pisciculture s’intéressait surtout aux poissons
nobles. Mais les nouvelles réalités de l’appauvrissement des
ressources halieutiques mondiales imposent des changements d’approches
et à l’Institut français pour l’exploitation de la mer
(Ifremer), par exemple, on mène maintenant des expériences pour élever
la morue et le lieu jaune.
L’AQUACULTURE
AU QUÉBEC
La
pêche fait partie du mode de vie de plusieurs régions du Québec
depuis toujours. Mais des crises comme celle du moratoire sur la pêche
à la morue depuis quelques années ont dramatiquement changé la
donne. L’aquaculture devient ici une incontournable solution de
remplacement. La théorie est cependant loin d’avoir pris pied
solidement dans la réalité québécoise. De 43 tonnes qu’elle était
en 1976, la production est passée à 800 t en 1983, a atteint 1 400
t en 1991, pour friser les 2 200 tonnes en 1998 et en 1999.
Au
Québec, la pisciculture commerciale rime cependant avec eau douce.
“Au-delà de 90% de la production est en eau douce”, explique Guy
Ouellet, biologiste à la direction de l’innovation et des
technologies du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et
de l’Alimentation du Québec. “La pisciculture est née au
Québec, en 1857, de la nécessité de produire des jeunes poissons
pour subvenir aux besoins grandissants de la pêche sportive... Façonnées
au départ par cet objectif, les entreprises piscicoles québécoises
en sont encore fortement influencées et produisent beaucoup de
poissons destinés au marché de la pêche sportive”, rappelle
pour sa part Richard Morin, un autre biologiste du MAPAC.
Pour
1999, la production aquacole en eau douce, constituée
principalement d’ombre de fontaine (721 t) et de truite
arc-en-ciel (1 198 t), a été estimée à 1 970 tonnes. Des
chiffres très semblables à ceux de 1998. Environ 975 tonnes ayant
servi à l’ensemencement, alors que la différence répondait aux
besoins du marché de la table et de la vente par l’intermédiaire
des étangs de pêche. Cette production dulcicole, d’une valeur de
12,5 millions $ est d’ailleurs très concentrée, alors que 55% de
celle-ci a été réalisée par 5% des entreprises piscicoles québécoises.
Et l’exportation ne semble pas encore faire partie de la réalité
du monde de l’aquaculture du Québec.
En
eau marine, le Québec, qui n’a pas réussi dans les années 1980
et au début des années 1990 à favoriser l’émergence d’un
secteur dynamique et profitable, a vu un plan de développement
stratégique triennal de la mariculture être déposé en 1997. Ce
dernier vise à atteindre une production durable de 2 000 tonnes par
années de moules et de pétoncles et à cibler deux nouvelles espèces
pour les amener à un stade pré-commercial. Ces objectifs sont
cependant encore très loin de la réalité. Les données préliminaires
pour 1999 rapportent des ventes de 139,4 tonnes pour les moules et
de 20,2 tonnes pour les autres espèces, essentiellement du pétoncle
(pour un total de 159,6 t). Les chiffres de 1998 étaient
respectivement de 97,8 t et de 38,5 t (pour un total de 136,3 t) et
démontrent un très faible niveau de développement de la
mariculture québécoise, alors que les ventes de 1992 atteignaient
déjà 86,5 t pour les moules et 60 t pour les autres espèces (pour
un total de 146,5 t). Des chiffres qui font que le niveau actuel de
vente des produits issus de la mariculture au Québec se situe
seulement dans les quelques centaines de milliers de dollars.
Selon
Richard Morin, le doré et la perchaude sont des espèces qui présentent
un potentiel intéressant pour la pisciculture commerciale au Québec.
En milieu autochtone, un projet d’élevage expérimental de la
perchaude, qui devait se terminer au cours de l’an 2000, a été réalisé
dans le sud-ouest de la province. La production de l’ombre
chevalier a débuté, pour sa part, depuis environ cinq ans à l’échelle
commerciale et a atteint une centaine de tonnes en 1999, la totalité
du produit étant destinée au marché de la consommation.
Des
études sur les potentiels hydriques d’origine souterraine
inventoriés dans trois régions du Québec, en Abitibi (520 t), en
Gaspésie (680 t) et en Outaouais (1 640 t), révèlent par ailleurs
un potentiel de production de 2 840 tonnes, soit une capacité supplémentaire
qui permettrait de facilement doubler l’actuelle production
aquacole en territoire québécois.
Globalement,
la balance commerciale du Québec en produits de la pêche demeure
positive. L’écart s’est toutefois considérablement rétréci
ces dernières années, passant de 32,6 millions $ en 1992 à 7,6
millions $ en 1998 et à 1,5 million en 1999. De 1992 à 1998, la
valeur des exportations de produits de la pêche est passée de 131
à 158 M$, alors qu’en 1999 elle a atteint 178 M$.
Toujours
en 1999, les exportations de produits de la pêche enregistrées au
Québec ont été dirigées vers 37 pays. Plus de 88% de leur valeur
s’étant concentrée dans deux pays, soit 69,9% aux États-Unis et
18,9% au Japon. La valeur de ces exportations se composait à 61% de
mollusques et de crustacés, dont 71% en produits de transformation
primaire et 29% en produits à valeur ajoutée.
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