Franc CFA
Une nouvelle dévaluation est-elle inéluctable?

 

(CMQC) Les ministres des Finances des pays de la zone franc se sont réunis, dans les derniers jours de septembre à Paris, pour faire le point de la situation de leur économie. Une situation qui tant en Afrique de l'Ouest qu'en Afrique centrale est loin d'être reluisante, au point où la dévaluation du franc CFA réapparaît aujourd'hui sur la table dans les tentatives de remettre la zone franc sur les rails.

QUAND, POURQUOI ET COMMENT?
Pour beaucoup de banquiers et d'observateurs des échanges économiques franco-africains, l'inéluctabilité de cette nouvelle opération de dévaluation serait même déjà une affaire entendue. Le changement de parité du franc CFA serait déjà programmé et Paris n'attendrait que deux choses: la tournure des événements en Côte-d'Ivoire et le tassement espéré du prix du pétrole. Ce qui sera d'ici décembre ou au plus tard en février 2001.

Interrogés le 19 septembre dernier à Paris sur les rumeurs persistantes annonçant une prochaine dévaluation du franc CFA, les gouverneurs des Banques Centrales de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale qui donnaient une conférence de presse en compagnie de Charles Josselin, ministre délégué chargé de la Coopération, ont fermement démenti. Pour eux, aucune raison ne peut justifier la dévaluation, car les fondamentaux de la macro-économie sont sains autant sur place en zone franc, qu'en zone euro, monnaie à laquelle il est rattaché.

Malgré ces dénégations qui vont de soi, des sources généralement dignes de foi signalent que chaque mois sortent de Côte-d'Ivoire 40 à 50 milliards de francs CFA. Cette frilosité du pays-phare de la zone franc n'annonce rien de bon. De nombreux courtiers sillonnent la zone franc, proposant le rachat à tour de bras de la dette des pays concernés, persuadés qu'elle vaudra deux fois moins cher après la dévaluation mise sur orbite.

Les raisons objectives justifiant une telle dévaluation sont cependant crédibles et nombreuses:

  1. Le rythme de la croissance en zone franc a été totalement cassé. La croissance s'est établie à un niveau inférieur à 3%, se situant en dessous du taux de croissance de la population.

  2. Une partie de cette croissance s'explique par la ré-injection dans le circuit économique des actifs financiers tirés des opérations de privatisation, un tour de passe-passe difficilement assimilable à une création de richesse.

  3. Les politiques d'ajustement structurel ont été poussées à des niveaux qui remettent en cause le fonctionnement normal des États. Abaisser artificiellement la masse salariale de la fonction publique n'est qu’un pis-aller.

  4. La logique de l'intégration économique complète poussée dans la CEDEAO implique à terme une convergence des monnaies en cours dans la communauté. Le naira nigérian et le cédi ghanéen étant déjà indexés sur un panier de trois devises: l'euro, le dollar et le yen, on s'attend à ce que le franc CFA (celui de l'Ouest tout au moins) prenne le même chemin. La Banque centrale européenne préférera cette solution plutôt que la perspective de voir la monnaie nigériane s'arrimer à la seule monnaie européenne.

  5. Le Trésor français craint d'avoir à combler le déficit du compte d'opération ouvert dans ses livres pour garantir la convertibilité illimitée du franc CFA, si d'aventure, la facture pétrolière s'alourdissait pour les pays importateurs net d'or noir en même temps que les cours des matières premières agricoles se dégradent.

  6. Les prix pratiqués zone CFA ne semblent pas suffisamment compétitifs pour développer l'industrie ou l'agriculture intensive. C'est ainsi que le différentiel de prix entre le riz importé par le Sénégal et le riz cultivé localement n'est pas assez significatif pour justifier un programme ambitieux d'expansion des rizières sur place. Il vaut mieux continuer à en importer. Or après la dette, le riz constitue pour ce pays, le deuxième poste de dépenses (540.000 tonnes de riz importé), en concurrence avec la facture pétrolière.

La nouvelle dévaluation ne serait cependant pas uniforme comme en 1994. Il y aurait décrochage entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale. L'opération sera facilitée par le non-transfert automatique des devises d'une zone à l'autre. Entre elles, tout se règle à travers Paris.

Un observateur qui puise habituellement ses informations aux meilleures sources annonce les taux suivants : 30% en Afrique de l'Ouest et 50% en Afrique centrale. Il explique la correction de parité plus sévère en Afrique centrale par la situation économique plus dégradée qu'il n'y paraît de cette sous-zone. Les comptes nationaux gonflés par les revenus tirés d'un pétrole mieux vendu que par le passé ne doivent pas faire illusion!

LA RÉUNION DE LIBREVILLE SOUS OBSERVATION
En collaboration avec le secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les ministres africains du commerce se donnent tous rendez-vous à Libreville, la capitale du Gabon, du 13 au 15 novembre 2000. L’enjeu de la monnaie commune de la zone CFA n’est pas la priorité de cette rencontre. Les ministres de 53 pays africains sont attendus et ils doivent d’abord se familiariser avec les Accords de l’OMC et les règles qui régissent le commerce multilatéral. Mais le lieu pourrait s’avérer particulièrement propice à la réflexion, voire à la prise de décisions importantes par les ministres concernés de la zone CFA. 

NAISSANCE D’UNE PREMIÈRE
ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE EN AFRIQUE

Neuf des 20 pays membres du Marché commun des États d’Afrique orientale et australe (COMESA) se réunissaient, le 31 octobre dernier, pour créer une première zone de libre-échange en Afrique. Le COMESA a été fondé en 1994 et représente un ensemble d’environ 380 millions d’habitants. À ce stade des négociations, les neuf États prêts à faire un pas de plus vers l’intégration économique de leur région étaient le Djibouti, l’Égypte, le Kénya, Madagascar, le Malawi, l’île Maurice, le Soudan, la Zambie et le Zimbabwe. À suivre...