Accès République dominicaine
Nouveau gouvernement, nouveaux défis

par Daniel Allard

 

La République dominicaine! La dernière fois que COMMERCE MONDE s’intéressait à ce pays des Caraïbes, une campagne électorale présidentielle battait son plein et les paris étaient ouverts. L’ambassadeur canadien, le premier de l’histoire des relations diplomatiques entre les deux pays, n’y était en poste que depuis six mois à peine. C’était en mars 2000.

Les élections de mai ont, depuis, provoqué un changement politique important et amené le candidat Hipolito à la présidence. Observateur intéressé par les enjeux en cause, l’ambassadeur du Canada à Santo Domingo, Bruno Picard, ne voit cependant pas de grands bouleversements à l’horizon:  «Cette élection a été une belle fête pour la démocratie. Le PRD (Parti révolutionnaire dominicain), social démocrate, reprend le pouvoir après 14 ans d’absence. Sa victoire n’a pas été une grande surprise, car c’est le parti le plus organisé du pays, avec plus d’un million de membres», explique-t-il, rappelant aussi, comme mise en contexte importante, que la victoire de l’ex-président Balaguer, en 1994, avait été reconnue comme une fraude; que ce dernier avait finalement accepté de refaire une élection en 1996; ce qui a conduit à l’élection de mai 2000, pour un mandat de quatre ans, non renouvelable. À quoi faut-il s’attendre maintenant?


Bruno Picard
Ambassadeur du Canada en poste à Santo Domingo

«La lutte contre la pauvreté a été le thème central de l’élection. Mais tout ce que l’on sait à ce jour, c’est que le nouveau gouvernement veut dynamiser la production locale via l’agriculture et l’industrie reliée au monde agricole. Comment? Il faut donner encore du temps au nouveau gouvernement. Il faut attendre le budget. Le taux des dépenses sociales est ici parmi les plus bas d’Amérique latine; il faut donc s’attendre à le voir augmenter, il va sûrement augmenter en éducation et dans la santé», ajoute également l’ambassadeur Picard, rencontré le 12 octobre dernier, à son bureau.

Le nombre de
zones franches industrielles d’exportation
a augmenté en République dominicaine
pour atteindre 850

Chose certaine, les questions agricoles ne sont pas inconnues du chef de l’État. Le nouveau président Hipolito est lui-même un agronome de formation et il a aussi été ministre de l’agriculture sous l’ex-président Guzman, entre 1978 et 1982. Et cette priorisation des enjeux du milieu rural face aux autres industries, particulièrement la florissante industrie touristique, et face à la réalité des villes, n’est pas une surprise. Les prochains mois montreront quels moyens concrets iront à l’amélioration des conditions de vie de la classe paysanne dominicaine.

 

UN SECTEUR MINIER À SURVEILLER

Poursuivant son analyse de la situation, l’ambassadeur canadien rappelle que la République dominicaine a un très bon potentiel minier, particulièrement pour les métaux précieux, «…mais la loi est ancienne et rébarbative à l’investissement étranger. Actuellement, le prospecteur n’est même pas assuré de pouvoir profiter de ses éventuelles découvertes. Mais l’avenir s’annonce meilleur. Le gouvernement a annoncé clairement son intention de refaire cette loi. On a aussi créé, pour la première fois, un Conseil national du développement minier

Toujours dans le secteur des mines, Bruno Picard avait une autre information d’intérêt à partager, soit la privatisation de la gigantesque mine LA ROSARIO: «On parle ici de la 4e plus grosse mine d’or au monde! Elle a été achetée par l’État, il y a une vingtaine d’années. Actuellement, elle est fermée. C’est une catastrophe environnementale. Le minerai, à haute teneur sulfureuse, y a été exploité avec une mauvaise technologie. Le gouvernement n’a pas les ressources ni les connaissances pour la remettre en fonction. Tout cela mène à la situation aberrante de voir cette mine fermée, face au pouvoir économique qu’elle représente pour le pays.»

Située à Pueblo Viejo, au cœur du pays, entre la capitale politique, Santo Domingo, et la métropole économique, Santiago, dans la même région que les installations de la société minière canadien Falconbridge, situées pour leur part à Bonao, la mine La Rosario vit donc un processus de privatisation en cours. Est-ce que Falconbridge manifeste un intérêt à investir dans la relance de cette mine d’or? «Non, pas à ma connaissance. L’or ce n’est pas leur domaine», a répondu l’ambassadeur Picard.

Les demandes de visas pour visiteurs, de l’ordre de 1 500 il y a deux ans, atteindront les 3 000 en l’an 2000. Quant aux demandes d’immigration de Dominicains souhaitant s’établir au Canada, elles continuent de représenter 150 à 200 dossiers actifs en tout temps. Ce qui fait qu’il y a maintenant un employé à temps plein seulement pour les services consulaires. Avec une équipe augmentée d’un consul en poste et, jusqu’en août 2001, d’un jeune stagiaire canadien en relations internationales d’un collège de la Colombie-Britannique, l’ambassadeur Picard a donc beaucoup plus de temps à consacrer au secteur économique. Une autre information intéressante pour les gens d’affaires du Canada. (L’ambassadeur nous a également confirmé que l’actuel consul honoraire à Puerto Plata sera prochainement remplacé par un consul en titre et que le consulat est actuellement en train d’être déménagé du centre–ville vers une zone plus rapprochée des touristes canadiens visitant cette ville touristique.)

La communauté dominicaine du Canada ne représente pas plus de 20 à 25 000 personnes, principalement installées à Montréal et à Toronto. La diaspora, c’est chez notre voisin du sud qu’elle se trouve. Environ un million de Dominicains vivent aux États-Unis. Et c’est là et particulièrement vers Porto Rico que se dirigent les candidats à l’immigration clandestine. En fait, les cas d’immigrations illégales sont très exceptionnels en direction du Canada. Hormis le dramatique cas de rapatriement vécu l’an dernier à Sept-Iles, et dont il continue de s’occuper, l’ambassadeur Picard ne connaît que deux cas de passagers clandestins dans les dernières années, tous les deux par bateau.

Lorsque nous l’avons rencontré, il avait d’ailleurs encore à la main la carte d’affaires du visiteur précédent, un homme d’affaires québécois installé en Floride qui ne lui avait pas caché sa grande satisfaction d’avoir conclu une vente de trois conteneurs de marchandises avec une chaîne de magasins à grande surface. Actuellement, les investissements d’entreprises canadiennes dans ce pays s’élèvent à 1,2 milliards $US. Trois compagnies canadiennes sont d’ailleurs parmi les dix plus importants investisseurs étrangers de la République dominicaine.

La République dominicaine
est le plus important marché de la région,
avec 9,6 milliards $US
d’importations par an

«Ce pays représente un marché trop sous-estimé par les gens d’affaires du Canada», expose tout de même Bruno Picard, qui a bien fait ses devoirs. Chiffres à l’appui, il fait observer qu’il n’y a que le Guatemala qui a un produit national brut (PNB) plus gros que celui de la République dominicaine dans toute la zone Caraïbes-Amérique centrale.

Tableau 1
IMPORTANCE RELATIVE DE L’ÉCONOMIE DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Pays PNB* 1998
(MM $US)
Croissance
en 1999
PNB* 1999
(MM $US)
Valeur des importations (biens et services en milliards $US)
Rép. Dom. 39,8 8,3% 43,1 9,6
Panama 19,9 3,2% 20,5 7,7
Costa Rica 24,0 8,4% 26,0 7,2
Guatemala 45,7 3,4% 47,3 5,0
Cuba 17,3 6,2% 18,4 4,9

* les chiffres concernant les PNB pour 1998 et 1999 ont été calculés selon la méthode de la parité des pouvoirs d’achat, utilisée notamment par le FMI et la Banque mondiale.

(Sources : CEPAL 2000, Infoplease.com et Ambassade du Canada à Santo Domingo)

Donnée encore plus impressionnante, avec une population de 8,5 millions d’habitants, c’est cependant la République dominicaine qui représente le marché le plus important de la région pour le commerce international, avec un total d’importations de biens et services atteignant 9,6 milliards $US en 1999, soit presque deux fois ce qu’offre le Guatemala ou Cuba.

 

L’OBSTACLE DES LIAISONS AÉRIENNES

Un des obstacles au développement du commerce avec le Québec, c’est l’absence de vol direct. Et devant ce constat, l’ambassadeur ne reste pas les bras croisés. «Un de mes objectifs est de faire revenir Air Canada ici. Ils étaient ici il y a une dizaine d’années et ils ont quitté. Je sais qu’ils sont actuellement en train d’analyser cette opportunité… Ils font déjà Port-au-Prince deux fois par semaine. Alors pourquoi ne pas faire un vol triangulaire en passant par Santo Domingo? Air France a commencé avec un vol par semaine, il y a un an, et maintenant, il est quotidien. Avec mes chiffres à moi, seulement sur la base des demandeurs de visas touristiques, 3 000 demandes par an, c’est 60 passagers par semaine en moyenne», argumente-t-il encore.

Joint à Montréal, Marcel Forget, directeur Planification du réseau, confirme qu’il s’agit d’un dossier régulièrement à l’étude chez Air Canada: «Santo Domingo fait partie des routes évaluées d’une année à l’autre. Mais il n’y aura pas d’avions disponibles cet hiver. Nous avons aussi regardé du côté de Port-au-Prince, que nous desservons déjà deux fois par semaine avec un Boing 767, mais ce vol est déjà très achalandé et le nombre de sièges disponibles ne permettrait pas une opération économiquement viable si nous faisions en plus un arrêt à Santo Domingo. Il faudrait donc disposer d’un avion plus gros, du genre 747 ou Airbus A330, et ces gros-porteurs sont réservés pour les vols transocéaniques.»

Les gens d’affaires devront donc continuer à se résoudre aux vols avec escale à Miami pour encore au moins un an!

L’ambassadeur Picard a finalement terminé l’entrevue en soulignant que le projet de construction d’un grand port en eau profonde dans le nord du pays était aussi une opportunité éventuelle à surveiller.

 

EXPO CANADA 2000

Le développement des ressources disponibles en matière de services commerciaux à l’ambassade a d’ailleurs déjà donné des résultats palpables. Les 8, 9, 10 et 11 novembre dernier, la Chambre de commerce dominico-canadienne (CCDC), en collaboration avec les Services commerciaux de l’Ambassade du Canada en République dominicaine, tenait l’Expo CANADA 2000, dans un hôtel de la capitale. La CCDC existe depuis plus de dix ans et son président est actuellement Enrique De Marchena Kaluche (cd.canadiense@codetel.net.do).

Selon le programme de l’événement, le nouveau président du pays en personne, M. Hipolito Mejia, devait procéder au discours inaugural. Parmi les entreprises canadiennes présentes à l’exposition, signalons deux entreprises du Québec: Libra International, de Dollard-des-Ormeaux et Produits forestiers Béland, de Saint-Nicolas.