CO2 Solution s’attaque à l’effet de serre par Daniel Allard
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Systèmes
EnviroBio inc., créée à Québec en 1997,
vient de changer son nom pour CO2
Solution, une décision d’affaires qui lui permettra de passer plus
directement son message. Face au défi de lutter contre les menaces de l’effet
de serre sur le climat mondial, la technologie développée par cette
entreprise afin d’éliminer le gaz carbonique (CO2)
devient stratégique. La
plate-forme technologique mise au point à ce jour consiste, par un
procédé biologique, à transformer le CO2 en
bicarbonate (HCO3), une matière inoffensive pour l’environnement.
Le coeur du concept repose sur l’exploitation de la capacité d’une
enzyme à catalyser en milieu aqueux la transformation du CO2.
L’eau capte déjà naturellement le CO2. L’enzyme
vient simplement accélérer l’effet capteur de l’eau. Et comment! L’enzyme
en question permet d’accélérer la réaction chimique par un facteur d’un
million de fois. Avec
un rendement pareil, l’équipe de CO2 Solution
pense avoir SA solution pour lutter significativement contre cet important
gaz à effet de serre, surtout qu’elle va offrir un bio-réacteur qui s’appliquera
à plusieurs secteurs industriels massivement polluants, telles les
cimenteries, les usines au charbon, les alumineries. DE
L’UNIVERSITÉ AU PARC TECHNOLOGIQUE C’est
un projet de recherche universitaire qui est à l’origine de cette
entreprise novatrice. Il y a maintenant plus de trois ans, une petite
équipe de chercheurs de l’Université
Laval avait commencé la mise au point d’un bio-réacteur pour
éliminer le CO2 en utilisant une enzyme comme
catalyseur. Aujourd’hui, ce savoir a été transféré au sein de l’équipe
de CO2 Solution. Des membres de ce groupe de
chercheurs initial font d’ailleurs maintenant partie de l’équipe de
recherche de CO2 Solution, qui détient aussi tous
les droits de propriété intellectuelle concernant le brevet sur la
plate-forme technologique. Particulièrement
efficace, la réaction biochimique naturelle utilisée n’a rien d’extraordinaire.
Elle est à la base du phénomène de transport et d’élimination du CO2
dans le corps humain. En fait, cette enzyme est présente dans tout
organisme vivant. Elle est d’ailleurs connue depuis longtemps, puisque
sa découverte remonte à 1933. Il est donc relativement facile de s’en
procurer commercialement - pour l’instant, la source d’approvisionnement
de CO2 Solution est le sang de boeuf -, mais avec
les recherches en clonage en cours au sein de l’entreprise, la
production grand volume à très faible coût de l’enzyme sera assurée
d’ici trois ans, prévoit-on. Réjean
Blais, un homme d’affaires bien connu de la
région de Québec, avait vu l’opportunité et rapidement trouvé un
financement initial essentiellement privé afin de créer EnviroBio en
1997. Il a ensuite convaincu Ghislain Théberge, alors pdg de Recyc-Québec, de prendre la barre de l’équipe et de conduire le
navire à bon port. Depuis août 1999, ce dernier est donc le pdg de l’entreprise,
alors que son ami Blais demeure président du conseil d’administration. «Actuellement,
nous n’avons rien à vendre. Notre produit ne sera pas commercialisable
à court terme. Il nous reste de la R&D pour plus d’un an»,
explique le consultant en génie mécanique et biomédical Jean Ruel, qui s’est récemment joint à l’équipe de CO2
Solution. Le produit sera en quelque sorte une boîte-filtre qui servira
à récupérer et à éliminer le gaz carbonique (CO2)
en milieu fermé. «Sous-marins, avions, navettes spatiales, tous les
bâtiments fermés sont à la portée de notre technologie. Mais nous
visons particulièrement les cimenteries, les usines de production d’électricité
au charbon, très gros générateurs de gaz à effet de serre... On
pourrait théoriquement aussi toucher les émanations de gaz carbonique
des automobiles, mais ce n’est pas dans notre stratégie actuellement»,
explique encore Jean Ruel. Le
chercheur ne commence pas son énumération avec les sous-marins seulement
pour impressionner. CO2 Solution a déjà en poche
une entente de partenariat technologique avec l’armée canadienne à ce
propos. Cette entente avec le ministère de la Défense
nationale du Canada n’est d’ailleurs que le début d’une série.
Des partenariats industriels se dessinent sur plusieurs plans pour la
jeune entreprise. Présentement toujours professeur d’université, Jean
Ruel croit d’ailleurs tellement au potentiel de CO2
Solution qu’il s’apprête à carrément quitter le monde universitaire
pour devenir, à compter de janvier prochain, le directeur à la R&D
de l’entreprise à temps complet. Membre de l’équipe depuis seulement
mai 2000, il n’a pas mis longtemps à réaliser ce que l’avenir
réserve à ce potentiel technologique. Il a très hâte de rejoindre la
douzaine d’employés qui forment actuellement l’équipe régulière de
CO2 Solution. «Ça
marche, mais ce n’est pas encore vendable. Même si ça fonctionne à la
température du corps humain, il faut encore quelques années de recherche
pour le clonage de l’enzyme, afin de la rendre également efficace à
plus hautes températures», confirme aussi Ghislain Théberge. À
plus court terme, l’entreprise compte donc faire bénéficier les
équipages de sous-marins de sa technologie. «Un sous-marin avec 40
personnes doit remonter à la surface au bout de 36 à 48 heures
actuellement pour évacuer son CO2. Avec notre
bio-réacteur, il pourra rester sous l’eau 28 jours, soit le temps
nécessaire avant de devoir changer le filtre», explique Jean Ruel. Fraîchement
débarqué d’Europe en cette fin de novembre, le directeur général
Ghislain Théberge exprime clairement la stratégie de développement qu’il
entend appliquer pour les prochaines années. Dans l’immédiat, il vise
également une application industrielle dans le secteur du ferroalliage
avec une entreprise en Norvège. Un autre type d’application est aussi
en préparation au Québec, avec une entreprise de la Beauce. Ensuite, il
évalue que les alumineries et les cimenteries constitueront les secteurs
prioritaires. D’ici
un an et demi, CO2 Solution veut avoir construit son
propre laboratoire en le déménageant fort vraisemblablement dans le Parc
technologique du Québec métropolitain, où l’équipe
administrative est déjà localisée. Actuellement, les installations du
pavillon Charles-Eugène-Marchand
de l’Université Laval servent toujours de laboratoire. Un protocole de
recherche sur le projet de clonage de l’enzyme lie par ailleurs l’entreprise
à l’Université Laval. «On
va être une des plus grosses entreprises de R&D à Québec lorsque
ça va éclater, entre autres parce qu’il faudra ajuster la technologie
à chacune des applications», prévient déjà le d.-g. «Actuellement,
la pression populaire n’est pas là et les politiciens hésitent à
poser des gestes significatifs, mais en avril prochain, les résultats de
plusieurs études vont sortir et là je pense que la dynamique va
fortement changer», prévient encore Ghislain Théberge, pour qui le
scénario de l’innovation technologique est incontournable. «Dans
cinq ans? Nous serons une grosse entreprise de R&D. Nous aurons des
filiales à travers le monde, par secteurs industriels, pour la vente et l’entretien
du bio-réacteur. Nous serons très actifs dans le domaine du courtage des
permis d’émissions», prédit-il. La
confiance n’est pas une denrée rare au sein de cette entreprise
environnementale et il est remarquable de constater avec quelle relative
aisance cet optimisme a aussi pu être communiqué à des investisseurs
privés, afin de permettre le financement quasi complet des opérations à
ce jour sans participation significative des gouvernements et autres
bailleurs de fonds publics. Pointant sur un horizon de revenus lointain,
le financement demeure essentiellement de nature privée. C’est un
groupe d’actionnaires de la région de Québec qui l’assume à 78%,
alors qu’une SPEC a été créée au sein des employés et contrôle 18%
de l’actionnariat. Le 4% restant représente, à ce jour, la seule forme
de participation publique dans l’entreprise, par une implication du Centre
québécois de valorisation de la biomasse (CQVB). Réjean
Blais, président, Richard
Bourbeau, Gilles Bussières,
Yvon Giasson, Yves Rochette,
Ghislain Théberge et Claude
Villeneuve forment actuellement le conseil d’administration de CO2
Solution. «Notre
stratégie de financement privé est tout à fait volontaire, car on ne
veut pas diluer avec des sources publiques actuellement. Mais au printemps
2001, nous allons procéder à des demandes de subventions et d’ici 18
à 24 mois, nous envisageons de devenir une société à capital public,
cotée en bourse», affirme Ghislain Théberge. L’homme
d’affaires est également très attentif vis à vis d’un projet
mobilisateur pour la région de Québec récemment dévoilé par le
ministre de l’Environnement
du Québec, Paul Bégin. «Je
suis tout à fait d’accord avec cette idée de création, à Québec, d’un
Institut de recherche sur les changements climatiques. Il faut
attirer ici des investissements en R&D, d’une certaine manière pour
compenser le fait que nous recevrons moins d’investissements en
opérations de dépollution parce que le Québec utilise largement l’hydroélectricité
et ne fait pas partie des zones prioritaires au Canada en la matière.
Mais nous avons cependant toute l’expertise pour contribuer à trouver
des solutions novatrices face aux changements climatiques»,
explique-t-il, en confirmant du coup ne pas faire partie des gens
derrière cette idée. Mais maintenant que l’idée est lancée, Ghislain
Théberge compte bien travailler dans le sens de sa réalisation. PAS
PEUR DES TECHNOLOGIES CONCURRENTES À
l’échelle mondiale, il y a évidemment plusieurs autres technologies en
développement qui visent aussi la séquestration des émissions de CO2
et idéalement leur disparition. «Mais la technique de la
bio-récupération est une approche qui n’est pas beaucoup utilisée
actuellement dans le monde de la recherche», assure Jean Ruel, en faisant
comprendre que l’équipe de CO2 Solution ne craint
pas vraiment la concurrence. «Les
autres technologies les plus connues, actuellement, sont l’alternative
américaine de l’injection dans les océans - je sais que les
multinationales de l’automobile et du pétrole, GM et FINA, financent
actuellement une chaire au MIT
de Boston concernant une technologie qui vise à liquéfier le CO2
pour l’envoyer avec un tuyau dans les profondeurs des océans-; alors qu’en
Alberta, on regarde du côté de l’injection dans la nappe aquifère et
dans les puits de pétrole. Il y a aussi l’alternative de la
transformation par les algues mise de l’avant au Japon. Mais aucune n’est
efficace et certaines sont même potentiellement dangereuses pour l’environnement...
Imaginez qu’un tremblement de terre libère d’un seul coup tout le CO2
emmagasiné dans un ancien puits de gaz naturel depuis vingt ans!»,
expose pour sa part Ghislain Théberge. Avec
des fondements scientifiques difficilement contestables, qui utilisent des
principes tout à fait naturels, l’équipe de CO2
Solution se sent donc en terrain sûr face aux technologies concurrentes.
De plus, sa solution ne fait pas qu’emprisonner – séquestrer - le
problème, elle le recycle en le valorisant en sous-produits de
bicarbonates inoffensifs et au surplus commercialisables à leur tour. Ce
qui représente un avantage très intéressant à mettre au crédit de la
solution de CO2 Solution. Car d’une manière ou d’une
autre, la guerre contre le CO2 aura des
répercussions économiques. «Le
Danemark et la Norvège ont déjà une taxe sur le CO2
qui s’applique aux entreprises et dans le cas norvégien, je sais qu’elle
va même bientôt s’appliquer aux entreprises norvégiennes qui sont
établies à l’étranger, cite en exemple Ghislain Théberge. Les cibles
sont par ailleurs globalement connues. Sur la base des données colligées
en 1990, les grands secteurs responsables des émissions anthropiques de
CO2 dans le monde sont la production d’énergie
(38%), le secteur industriel (28%), le résidentiel et commercial (18%) et
le secteur du transport (14%). Mais
si les gouvernements tardent à agir, c’est parce que la facture à
payer serait dans l’état actuel des technologies tout simplement
catastrophique. Actuellement, on estime, aux États-Unis, les coûts pour
transformer une tonne de CO2 entre 100 et 300$US la
tonne d’équivalence de carbone. Des chiffres totalement inacceptables
aux yeux des économistes qui avancent que pour ne pas avoir un impact
économique trop grand sur les coûts des biens et services actuels, les
coûts de transformation devront être réduits à environ 10$US la tonne.
Oui, rien de moins qu’une réduction de l’ordre de 10 à 30 fois
moindre! De
son côté, en faisant l’hypothèse que seulement la moitié des
émissions seront traitées, CO2 Solution déduit
que le marché potentiel mondial pour la transformation du CO2
est de 45 milliards $ canadiens (6 gigatonnes de CO2
X 15$CAN/2). Et comme leurs analyses révèlent aussi que les industriels
n’hésiteraient pas à investir 1,5 fois le coût de séquestration
annuelle afin d’enrayer leur problème de CO2, le
marché mondial pour la vente d’équipement de réduction de ce gaz à
effet de serre, aux yeux de CO2 Solution, atteint
pas moins de 67,5 MM$ canadiens. La
bataille contre l’effet de serre est évidemment colossale. Et pour s’y
positionner, CO2 Solution compte également jouer la
carte du marché des droits d’émissions pour faciliter la prise de
décision de ses éventuels clients. JOUER
LES DROITS D’ÉMISSIONS COMME MONNAIE D’ÉCHANGE ET ARGUMENT DE
FINANCEMENT Les
droits d’émissions en matière environnementale ne sont pas une
nouveauté. Ils ont d’ailleurs fait naître un secteur original du monde
de la finance, car ces droits s’échangent! Depuis déjà une dizaine d’années,
des organismes opèrent une véritable «Bourse du SO2»
pour s’attaquer à ce célèbre gaz des pluies acides. À lui seul, le
site Internet Natsource.com affirme, par exemple, avoir à ce jour à son actif
des transactions dépassant 1 milliard $ seulement en échanges de droits
d’émissions pour le dioxyde de soufre. Pour le CO2 et autres gaz à effet de serre, c’est aussi déjà commencé! Carbon e trade - Platform for Trading Carbon Credits est actuellement à bâtir son propre site Web (http://www.carbonetrade.com). Et rapidement, ces nouveaux droits d’émissions pour le CO2 vont représenter de véritables fortunes. Devant une entreprise qui invoquera l’incapacité financière d’acquérir des équipements de lutte contre les émissions de CO2, l’équipe de CO2 Solution compte alors proposer l’installation de son bio-réacteur en contrepartie du contrôle des droits d’émissions que possèdera le client. Elle leur dira: «Nous réglons votre problème et cela ne vous coûtera rien en investissement».
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