La protection des consommateurs à l’heure de la mondialisation
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(CMQC)
Les initiés savent que le 15 mars est aussi devenue la Journée
mondiale des droits des consommateurs.
Mais à travers ce vent de mondialisation, quelle place fait-on
justement à la protection des consommateurs? L’Office
de la protection du consommateur (OPC) du Québec a souligné, cette
année, la journée en question en organisant le premier colloque
international de la consommation à se tenir au Québec. Sous le thème: «Mondialisation
- Allégement réglementaire – Appauvrissement», l’événement
a regroupé, pendant trois jours de mars, au
Hilton de Québec, environ 300 personnes. Avec
le libre-échange, l’économie de marché rend-t-elle obsolète les lois
existantes? Le nouvel ordre mondial économique effrite-t-il les droits
collectifs? Allégement réglementaire signifie-t-il affaiblissement de la
protection des consommateurs? Les médias influencent-ils les
consommateurs dans l’expression de leurs droits? La privatisation des
services publics est-elle garante de meilleurs services à meilleurs coûts?
Voilà autant de sujets mis sur la table par les organisations partenaires
du colloque : la Coalition des
associations de consommateurs du Québec, la Faculté
des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA) de l’Université Laval et l’OPC. Objectif:
faire le point sur la protection des consommateurs dans le contexte de la
mondialisation, de l’allégement réglementaire et de
l’appauvrissement de la population, avec des spécialistes de renom, des
représentants des associations de consommateurs, du milieu gouvernemental
et des affaires. LE
CONSOMMATEUR À L’HEURE DE LA MONDIALISATION «Il
devient nécessaire de modifier nos lois actuelles en consommation. Initialement
conçues au cours des années 1960 et 1970, ces lois ont été adaptées
au fil du temps. Toutefois, elles requièrent une révision en profondeur
afin de répondre aux besoins actuels des consommateurs. L’évolution
des marchés, les innovations et les comportements des consommateurs
imposent maintenant de nouvelles approches. Les mutations technologiques
autant que la transformation des rapports commerciaux engagent une réforme
de notre système de protection des consommateurs», a d’abord lancé
Nicole Fontaine, présidente de l’OPC. «L’éducation
à la consommation… Pour
Rémy Lambert, directeur du Département
d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de
l’Université Laval, «…l’ouverture des marchés et l’abondance de
produits et de services modifient non seulement les relations entre
l’acheteur et le vendeur, mais aussi les habitudes et les attitudes des
consommateurs. L’éducation à la consommation devient dans ce contexte
un droit aussi essentiel que le droit d’être informé et le droit de
choisir pour les citoyens. Une éducation qui devrait commencer dès les
premières années du curriculum scolaire pour se poursuivre tout au long
de notre existence». CONSÉQUENCES
DE LA MONDIALISATION SUR LES CITOYENS ET CONSOMMATEURS Conférencière
de renom, Rita Lc De Santis,
juriste associée au bureau montréalais de Goodman, Philips et Vineberg, a traité de l’Accord canadien sur le commerce intérieur (ACI). Cet accord a pour
objectif de favoriser le commerce inter provincial par l’harmonisation
des lois et règlements des provinces canadiennes. L’ACI serait bénéfique
à deux points de vue pour le consommateur, selon madame De Santis. Une
circulation fluide des biens et des services entre les provinces
canadiennes permet d’offrir aux consommateurs une variété et des prix
concurrentiels. Par ailleurs, l’ACI reconnaît les domaines de compétences
provinciales. L’harmonisation peut se faire en fonction de normes plus
élevées de protection des consommateurs, selon la volonté de chaque
province. «L’harmonisation des lois et des réglementations en matière
de protection des consommateurs devrait mener le Canada vers un niveau
plus élevé et efficace de protection pour tous les consommateurs
canadiens», conclut-elle. Lynda
McQuaig, auteur et journaliste au National
Post, pense pour sa part que l’Accord
sur le libre-échange nord américain (ALENA) ne travaille pas dans
l’intérêt des consommateurs, mais en faveur des grandes corporations.
Les défenseurs de l’ALÉNA affirment haut et fort que le Canada
retournerait à l’âge de pierre s’il n’adopte pas la voie d’un
marché ouvert. Résultat : le gouvernement canadien s’aliène
progressivement sa capacité d’intervenir à la fois dans la société
et l’économie. L’impact psychologique sur la population serait néfaste.
Selon madame McQuaig, les citoyens développent un sentiment de résignation
et d’impuissance. Phénomène contre lequel elle s’est fortement
insurgée au cours de sa conférence. L’ouverture des marchés peut être
une bonne chose, dans la mesure où elle respecte nos valeurs et assure
notre prospérité collective. Susan
George, directrice de l’Observatoire
sur la mondialisation à Paris, tient le même discours. Madame George
constate que les compagnies transnationales tirent d’immenses avantages
de la mondialisation de l’économie. Cela s’effectue au détriment des
États et des citoyens du monde. L’allégement réglementaire constitue
un autre piège de la mondialisation. «Nous déréglementons au niveau
des États alors qu’un système économique mondial est impensable sans
encadrement social et économique. Quant à la protection des
consommateurs, elle est associée par les défenseurs du marché ouvert à
une forme de protectionnisme. On nous demande de choisir entre commerce et
protection des citoyens. Le consommateur est devenu un véritable champ de
bataille où s’affrontent des idées». Faisant allusion aux aliments génétiquement
modifiés et au boeuf canadien traité aux hormones, madame George affirme
qu’au nom du libre marché, on voudrait forcer les consommateurs à
manger des produits qu’ils ne veulent pas. «Soyons des protectionnistes
de nos valeurs. Il faut inciter nos gouvernements à maintenir leur rôle
de surveillance», concluait-elle alors. LA
PROTECTION DES CONSOMMATEURS DOIT-ELLE ÊTRE UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE?
UN PANEL QUI FAIT ÉTAT DE LA SITUATION La
mondialisation entraîne un affaiblissement des barrières au commerce.
Comment, dans ce contexte, assurer adéquatement la protection des
consommateurs? Cette mondialisation force les États à revoir leur rôle
dans la protection du consommateur. Jérôme
Gallot, directeur général de la Concurrence,
de la Consommation et de la Répression des fraudes de la France, a
mentionné que la vraie protection du consommateur réside dans la médiatisation
rapide et limpide de l’information. C’est le cas en France en ce qui a
trait à la sécurité alimentaire. Pour
Gilles-André Paquin,
porte-parole de la Coalition des associations de consommateurs du Québec,
«les outils actuels de protection du consommateur sont les gains obtenus
suite à de longues luttes menées par les citoyens. Les associations de
consommateurs veulent conserver les acquis, mais le contexte actuel de déréglementation
est inquiétant». Même
si on présente la déréglementation comme une nécessité, un sondage
CROP montre clairement que 62% des consommateurs québécois veulent
davantage de protection, au moment où les budgets et les effectifs du
personnel de l’Office de la protection du consommateur s’amenuisent
d’année en année. Roger Plamondon, président du Conseil québécois du commerce de détail, souligne lui que les percées technologiques renforcent la compétition. Il a argumenté que ces technologies sont efficaces, fiables et rentables, trouvant donc réponses aux exigences, à la fois du commerce et à celles des consommateurs. Mais les gouvernements sont déphasés tout comme la législation actuelle. Dans ce cadre, l’intervention réglementaire de l’État est moins nécessaire. Ce dont l’industrie et les consommateurs ont besoin, c’est selon lui d’une concertation pour, ensemble, trouver des solutions aux différends d’aujourd’hui. Les
vrais traits de la mondialisation… Udo
Reifner, professeur de droit économique à l’École supérieure d’économie et de politique de Hambourg,
affirme que les vrais traits de la mondialisation se situent à
l’intersection du développement de nouvelles technologies de
l’information et de la mobilité du capital sans contraintes. Quant à
l’interrelation entre le consommateur et le producteur de biens ou de
services, il précise «…qu’il ne faut pas confondre protection du
consommateur et protectionnisme national; sous prétexte de protéger la
langue ou la culture, on protège les intérêts économiques locaux».
Dans ce contexte de mondialisation, l’arbitraire des entreprises les
conduit dans les régions ayant le moins de contraintes en matière de
conditions et de coûts du travail, ou de protection de l’environnement
et «…cette tendance invite à un nivellement par le bas et débute par
la définition de normes internationales minimales doublées de règles
nationales». Dans
le contexte de l’allégement réglementaire, l’interaction entre les
associations de consommateurs et l’action de l’État en matière de
protection des consommateurs a constitué l’un des ateliers des plus
populaires avec un record de participation. Le foisonnement de questions
en relation avec le maintien du plein exercice des droits et recours des
citoyens consommateurs a fait ressortir les appréhensions et les craintes
de nombreuses associations de consommateurs. L’éducation à la
consommation ne doit pas être considérée comme accessoire dans la
formation globale des jeunes. Cette éducation doit être complémentaire
des autres programmes d’études. C’est d’ailleurs ce que révèle
une enquête complétée à l’automne 1999, et réalisée auprès
d’enseignants de niveau secondaire du Québec. D’ailleurs comme le
souligne Sue McGregor, le droit à l’éducation est l’un des huit droits
fondamentaux accordés aux consommateurs par l’Organisation de Nations Unies en 1985. L’éducation à la
consommation demeure pour l’OPC, malgré des moyens restreints, une
priorité délaissée, un choix déchirant. La
présence des médias dans le monde de la protection des consommateurs est
par ailleurs jugée appréciable, voire même importante. Comme
l’indique Alain Kémeid, le désengagement
de l’État, en matière de protection des consommateurs, a poussé les médias
à combler ce vide. En effet, plusieurs émissions de services et d’enquêtes,
à l’instar de nombreuses chroniques écrites, attirent un auditoire fidèle
qui y puise une information, habituellement juste et pertinente, afin
d’exercer ses droits. Afin
d’assurer la mise en place de l’autorégulation, une nouvelle forme de
protection des consommateurs, il est essentiel, selon Éric-Jan Zubrzycki, d’y coupler des règles strictes, balisant
les pistes. Cette pose de repères permettra une augmentation de la
confiance des consommateurs, qui, au premier abord, voient l’arrivée de
ce nouvel outil avec un regard méfiant. ET
LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE? L’invasion
rapide des ordinateurs domestiques a permis à une nouvelle forme de
transaction commerciale de voir le jour. Le commerce électronique, en
effet, est en constante progression et, de ce fait, soulève quelques
interrogations majeures. Comment appliquer à ce type de commerce mondial,
donc sans frontières, les règles du droit commercial interne? Comment
assurer la sécurité des transactions et la confidentialité des
informations transigeant dans le cyberespace?
André Allard, avocat,
suggère pour contrer ces problèmes l’établissement de normes et de
conventions internationales visant l’harmonisation des mesures législatives
de chacun des partenaires nationaux. De son côté, David
Waite affirme que les principaux enjeux sont connus : divulgation
claire de l’information, conditions de contrats justes, confidentialité
des renseignements et, réglement des litiges. Les actes du colloque seront intégralement et uniquement publiés sur Internet, à la mi-septembre, sur le site de l’OPC : www.opc.qc.ca |