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Espionnage
vs veille concurrentielle par Daniel Allard
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"N'importe
qui peut actuellement acheter, pour environ 300$, un scanner chez Radio
Shack permettant d'écouter les conversations dans un périmètre qui
en surprendra plusieurs... 95% des délégations commerciales étrangères
et des programmes d'échanges impliquent des scientifiques parfaitement
corrects, mais n'oubliez jamais qu'il peut parfois s'y glisser un
espion". Les paroles de Gilles Côté assèchent la gorge d’une bonne partie de la
vingtaine de gens d’affaires déjà à l’étroit dans la petite salle
qui reçoit plus de monde que prévu. Même une caméra de télévision
est venue entendre cet enquêteur au Service
canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui parcourt
maintenant le Québec et visite les entreprises qui souhaitent
sensibiliser leur personnel à cette réalité de l’économie moderne. Sans
révéler de chiffres officiels, il explique tout de même qu'une
vingtaine de services de renseignements étrangers sont actifs sur le
territoire canadien et y font de l'espionnage économique. Oui, économique! Car
attention, le SCRS ne fait pas du tout dans l'espionnage industriel. C'est
cas sont toujours référés aux corps de polices locaux et lorsque
ces activités sont de nature criminelle, les services d’application de
la loi peuvent faire enquête. Des recours civils sont aussi parfois
possibles. Le
SCRS se préoccupe de l'espionnage économique, des cas qui mettent en
danger la santé de l'économie du pays. Par exemple: des cas d'activités
clandestines, de tromperies, de coercition menées par un gouvernement étranger.
«Lorsqu'on voyage à l'étranger, il faut savoir que parfois, les
services de sécurité du pays peuvent entrer facilement dans votre
chambre d'hôtel et fouiller dans votre ordinateur portable. De plus en
plus de gens d'affaires gardent maintenant avec eux leur portable en tout
temps», poursuit le conférencier. Il faut aussi faire attention à
l'utilisation abusive des co-entreprises. La
mise au grand jour de l’existence du réseau de renseignement du
Gouvernement des États-Unis appelé Échelon,
diffusé justement à la télévision de Radio-Canada,
le soir d'avant - à l’émission Le
Point du 21 février - démontrait tout l'à propos de cette réalité
de guerre économique.
Le
rôle du SCRS est UNIQUEMENT préventif. Une fois que le mal est fait, les
agents du SCRS ne peuvent plus rien faire pour l'entreprise. Ils n'ont
d’ailleurs pas le devoir d'aller témoigner en cour. Le
SCRS publie également le Bulletin Commentaire.
Les #46 de juillet 1994 et #32 de mai 1993, qui portaient sur l'espionnage
économique, sont des documents d’une dizaine de pages, non classifiés,
facilement accessibles sur leur site Internet Voilà
pour le côté menaçant du problème. Mais il y a aussi un côté positif
et hautement stratégique à considérer pour le développement d’une
entreprise moderne dans cet univers de «l’espionnage légal»! QUELQUES TENANTS D’UNE DÉMARCHE LÉGITIME En
France, une école ne passe d’ailleurs pas par quatre chemins. Elle fait
carrément son marketing avec le concept "Les Guerriers de l'économie"!
Plus souvent qu'ailleurs, dans le monde de la guerre - la vraie - tous les
coups sont permis! Question de survie, on y développe une culture de
survie, qui va au bout de sa propre logique! Mais attention: cette culture
de "guerre" commerciale, qui pénètre et prend beaucoup de
place au sein du monde des entreprises actuel, a ceci de différent d'avec
le vrai monde de la guerre militaire, que des lois pendent au-dessus de la
tête des gens d'affaires, beaucoup plus que sur celle des militaires! À
preuve, même les très officiels espions du Canada, les gens du SCRS,
sont sous le contrôle d'un Comité
de surveillance qui permet au Canada de rendre des comptes à sa
population, comme c'est d'ailleurs l'usage dans des pays comme les États-Unis
ou le Royaume Uni. «Mais ce n'est pas tous les pays qui sont comme cela»,
prend aussi bien soin de préciser Gille Côté. La
veille stratégique - ou comment jouer à l'espion en toute légitimité -
est une des expressions courantes qualifiant l’enjeu qui vise à agir
pour supporter la compétitivité de son entreprise dans l’économie
globale d’aujourd’hui. Les anglophones disent Intelligence!
Pour justifier cette pratique, on vente beaucoup l'entreprise
supersonique, comme le pilote d'avion de chasse qui n'a jamais le temps de
quitter des yeux son tableau de bord s'il veut rester en vie! Veille!
Stéphane Gauvin, professeur au
département de marketing de l'Université
Laval aime bien l’expression «vigie» et l’image qu’elle
propose: être en contact, comme le surfeur, bien en contact sur la vague,
qui va vite, qui est au coeur de l'action... et qui prend tout un bouillon
à la moindre erreur! Qui s'oblige donc à être totalement éveillé,
toujours à 100% de ses capacités. Mais
que chercher? «Avec l’engin de recherche Copernic,
si je demande une recherche simplement sur mon propre nom à moi, je sort
127 fois», raconte-t-il pour dérider son auditoire. Visiblement passionné,
le professeur tient même son propre site Internet sur le domaine: www.gauvin.net/intelligence La
veille stratégique, «...il ne faut pas oublier de la faire à l'interne
aussi, au sein même de votre entreprise», suggère-t-il encore. Mais
où mettre la ligne face aux lois et à l’éthique? «Ruse, indiscrétion,
désinformation sont du regard de la littérature grise», explique Paul-André
Proulx, président de Pro &
Associés. En haut de cette zone grise, il y a la ZONE NOIRE: c’est
l’espionage, le vol, voire le meurtre. Et
l’acteur de votre entourage commercial le plus à risque dans tout cela,
qui est-il? "Votre fournisseur, c'est la plus grosse source
d'information pour votre entreprise... et c'est la plus grosse source de
coulage auprès de vos compétiteurs également", explique celui qui
a fondé Pro & Associés en 1991. ***** MM. Côté et Viens étaient à Québec dans le cadre de l'activité de formation Les PME, cibles de l'espionnage, regroupant une vingtaine de participants, dans les locaux du Vieux-Québec du Centre de commerce international de l'Est du Québec, le 22 février dernier. MM. Gauvin et Proulx étaient conférenciers dans le cadre d'un petit-déjeuner regroupant environ cent-vingt-cinq personnes au Holiday Inn Sainte-Foy, le 17 février dernier, organisé par la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy. |