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ANALYSES
DE LA SEMAINES
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Les dix étudiants du Programme de journalisme international de l'Université Laval publiront, pour les prochaines semaines, leurs meilleurs textes hebdomadaires. Le cyberjournal COMMERCE MONDE s'est engagé à publier pour cette période tous les textes qui seront jugés pertinents en rapport avec son mandat et sa mission dans cette nouvelle rubrique spéciale du journal: ANALYSES DE LA SEMAINE. Florian Sauvageau, le directeur de ce programme conjoint Laval-Lilles (en France), qui en est à sa quatrième année, a accepté de se joindre à cette initiative du cyberjournal COMMERCE MONDE - Québec Capitale voulant reconnaître la qualité du travail journalistique des étudiants de l'Université Laval et souhaitant faciliter le rayonnement de la présence à Québec du Programme de journalisme international de l'Université Laval. Cette initiative veut aussi reconnaître l'importance de favoriser le plus vite possible l'intégration des étudiants de l'Université Laval à la vie professionnelle. Le Groupe pour le rayonnement international de la région de Québec (GRI) a également accepté de s'associer à cette démarche allant dans le sens du rayonnement international de la région de Québec. En mai 2000, avant que les dix finissants et finissantes du programme ne quittent la région pour leur stage de fin d'étude dans divers coins de la planète, trois bourses seront remises aux meilleures textes écrits, suite à une évaluation faite par le rédacteur en chef du journal et le directeur du programme de journalisme. La première bourse sera de 500$, la deuxième de 300$ et la troisième de 200$. Des bourses qui sont rendues possibles grâce à la participation financière du Groupe pour le rayonnement international de la région de Québec. |
Sommaire
Articles - semaine du 18 avril
Articles - semaines antérieures La victoire du camp réformiste aux élections législatives en Iran : Une révolution dans la Révolution par Blaise Robinson Le Président iranien Mohammad Khatami ne se sentira plus seul à la tête de l’Iran. Lors des élections législatives du 18 février, les partis réformateurs ont délogé la majorité conservatrice qui contrôlait depuis la Révolution de 1979 le Majlis, le Parlement iranien. Ils ont remporté près de 80% des sièges de député. Selon les résultats préliminaires, le camp réformateur doit en principe remporter la totalité des trente sièges qui étaient en jeu pour la ville de Téhéran. L’obtention des 146 sièges (sur un total de 290) nécessaires pour avoir la majorité relative au Majlis leur est quasiment assurée et sera confirmée lors du deuxième tour qui doit se tenir en avril. La participation a atteint plus de 83% au niveau national, signe de la volonté de changement des Iraniens qui étaient 38,7 millions à voter. Leur vote massif en faveur de l’entourage du président Khatami montre à quel point le programme de réformes de celui-ci est soutenu par la population, dont les attentes sont fortes. Un second tour aura donc lieu en avril pour la soixantaine de sièges qui restent en jeu et ce n'est qu'en mai, lors de l'élection du nouveau président du Majlis, que le rapport de force précis apparaîtra clairement, bien que le sens général du vote ne fasse pas de doute. Pour Khatami et ses alliés réformateurs, grands vainqueurs des élections législatives, la tâche sera ardue pour arriver à satisfaire les attentes de changement politique, social et culturel de la population iranienne, en particulier des jeunes et des femmes qui ont voté massivement en faveur du changement. Dès le lendemain de leur triomphe aux
législatives, les réformateurs ont annoncé une série de mesures visant
à promouvoir une meilleure liberté d’expression. Ils devront mettre à
exécution leur promesse d’amender la législation sur la presse. Depuis
quelques années, les journalistes sont victimes de poursuites arbitraires
de la part d’un tribunal spécial sur la presse. Malgré les idées reçues des éditorialistes de la presse étrangère sur le débat politique, nous sommes loin d’un effondrement des structures de la République islamique en Iran. Plus de démocratie ne veut pas automatiquement dire moins d’islamisme. Allons voir d’un peu plus près. D’abord réformateur n’est pas synonyme de laïc. La principale coalition réformatrice dirigée par le frère du président Khatami, Mohammad Reza Khatami, s’appelle le Mocharekat, le Front de Participation Islamique d'Iran, dans lequel coexistent laïcs et religieux. Son programme électoral se fixe d'ailleurs comme priorité première l'émergence d'une véritable société civile et l'introduction de l'État de droit, mais toujours au sein du système islamique existant. Pas de grandes remises en question à l’horizon. Dans la mouvance réformatrice toujours,
le Mocharekat n'est pas le seul nouveau parti. D'autres ont récemment
été créés, tel le Parti de la Solidarité islamique, ou le Parti
islamique du Travail (gauche socialisante), auxquels se sont ralliés
d'anciens radicaux islamistes. Lors d'une conférence de presse rapportée par Reuters, le Président sortant du Majlis, le conservateur Ali Akbar Nateq-Nouri, a expliqué: « Les perdants sont ceux qui ont essayé de dissocier le peuple du système islamique. Ceux qui ont voté croient dans le système, à ses principes et à ses valeurs », a-t-il ajouté. Enfin, le réformiste Mohamed Reza Khatami a tenu à répéter lors d’une conférence de presse que la victoire des réformateurs était un phénomène purement intérieur, qui ne devait pas être interprétée comme la preuve de l'abandon de la Révolution islamique et de ses principes révolutionnaires ou religieux. Voir dans ces résultats électoraux une remise en question de la primauté des lois religieuses comme fondement de la théocratie iranienne serait donc faire de la projection d’occidentaux désirant en découdre avec ce système islamique qui semble bien fonctionner. D’autre part, les conservateurs, majoritaires au parlement iranien sortant, restent largement maîtres des grandes décisions politiques en Iran, malgré leur défaite aux élections législatives face aux réformateurs. En outre, le Majlis n'est qu'une des nombreuses institutions qui se disputent le pouvoir au sein de la République islamique. Ainsi, les députés n'ont quasiment aucune emprise sur les forces armées, les services de sécurité ou le système des prêches du vendredi - trois centres du pouvoir que contrôlent les conservateurs. Les lois passées par le Parlement doivent être approuvées par le Conseil des gardiens, constitué de 12 membres et contrôlé par les amis de l'ayatollah Khamenei, à qui revient le dernier mot. Le Conseil des gardiens, dominé par des religieux conservateurs nommés, a en effet le pouvoir de bloquer toute loi jugée non conforme à la chari’a (loi coranique) ou à la Constitution. La constitution iranienne accorde de très vastes prérogatives au Guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei qui, en vertu de l'article 110 de la loi fondamentale peut démettre le Président de la République. Aussi, la justice, générale ou révolutionnaire, est encore le principal bastion des conservateurs qui contrôlent aussi directement la radio et la télévision d'État, dont le chef est nommé par l'ayatollah Ali Khamenei. Les organisations de propagande au sein du régime, toutes les tribunes de la prières hebdomadaires dans les grandes villes comme Téhéran, ainsi que les 40.000 mosquées du pays, sont contrôlées par les conservateurs. Le pouvoir législatif va ainsi devoir composer avec les institutions contrôlées par les conservateurs, directement ou par l'intermédiaire du Guide suprême. La victoire des réformistes est certes un grand événement en soi, mais ne dépasse pas le cadre d’une révolution dans la Révolution. Les Iraniens ne sont pas sur le point de renier la Révolution islamique. Ils sont plutôt en train de réinventer la démocratie dans un cadre islamique. (retour au menu) par Blaise Robinson Des centaines de milliers de personnes venues à pied de tout le Maroc s'étaient massées le long du parcours pour rendre un dernier hommage au souverain. Après 38 ans de pouvoir, un pouvoir longtemps absolu, Hassan II laissait à son fils un pays en plein bouleversement social. À 35 ans, Sidi Mohammed, devenu lors de son accès au trône Mohamed VI, prenait la direction d'un Maroc en pleine transition sociale et politique. Neuf mois plus tard, avec la crise sur le « Plan d’intégration de la femme au développement », le nouveau roi Mohamed VI, ou « M6 » comme le surnomme les journalistes français, déchiré entre traditionalisme et modernité, semble marcher sur des œufs. Le 20 août 1999, dans son premier discours du Trône, le jeune homme de 36 ans qui vient de succéder à Hassan II a rompu avec la tradition de silence qui prévalait jusque-là au Palais dès qu'il était question du statut des femmes. Il parle pour la première fois de la condition « injuste » qui leur est faite et de « l'urgence de les intégrer au processus de développement ». Le débat était lancé. Grâce à l’ouverture de Hassan II durant les dernières années de son règne, le royaume chérifien connaît aujourd’hui une alternance politique. Au gouvernement : l’équipe du socialiste Abderrahmane Youssoufi, que Hassan II avait jadis emprisonné et qui occupe actuellement le poste de premier ministre. Profitant d’un climat ouvert aux réformes, Youssoufi lance, au printemps 1999 le « Plan d’intégration des femmes au développement ». Ce fameux Plan, bloqué depuis lors, prévoit entre autre l’interdiction de la polygamie, de la répudiation et l’augmentation de l’âge minimum du mariage de 15 à 18 ans. « Qui peut être contre ça ? », titrait un journal de Casablanca en mars dernier. Les franges traditionalistes et islamistes au Maroc, qui mènent depuis plusieurs mois une campagne contre toute réforme du statut de la femme, se sont dits « prêts à aller jusqu’où il faudra aller », pouvait-on lire dans un reportage publié récemment dans Jeune Afrique. Le 12 mars dernier, soit un an après le dévoilement du Plan, deux manifestations monstres faisaient trembler le Maroc. D’un côté à Rabat, les mouvements de la gauche, les syndicats et les mouvements féministes défilaient dans le cadre de la Marche des Femmes 2000 ainsi que pour manifester leur appui au Plan. Au même moment à Casablanca, des centaines de milliers de personnes mobilisées et encadrées par les mouvements traditionalistes et islamistes marchaient pour dénoncer le Plan. Ils reprochent aux femmes modernes de « vouloir imiter les Occidentales ». Entre les deux courants, le roi, piégé entre son titre de « Commandeur des croyants », donc de garant de la sha’ria, et l’ardent désir d’esquisser une émancipation féminine « à la Marocaine » sans une remise en question des traditions musulmanes qui ont toujours prévalues au Maroc. Pays de contraste, pays de clivage, le
« Maroc à deux vitesses » n’a probablement jamais été
aussi divisé. La journaliste de Jeune Afrique, Fawzia Zouariil, explique
dans un article paru le mois dernier qu'il existe « un Maroc des femmes
dures » et « un Maroc des femmes soumises », celui des femmes pour qui
le mariage reste la plus grande sécurité, et celui pour qui le célibat
offre le seul mode de liberté. « Des rebelles et des militantes
d'un côté, et, de l'autre, celles qui appliquent la tradition et
refusent de scolariser leurs filles. Le Maroc d'une élite francophone
moderne, branchée sur Internet, et, parallèlement, celui où le taux
d'analphabétisme des femmes atteint des taux vertigineux, surtout à la
campagne. » Profitant d'une légitimité religieuse qu'il détenait grâce à ses origines remontant au prophète Mohamed, Hassan II n'a pas trop eu à craindre des mouvements islamistes marocains. En 1997, il permet même à des députés islamistes modérés d'entrer au Parlement. Mais Mohamed VI, malgré qu’il soit
-tout comme son père l’était- le Commandeur des croyants, c’est-à-dire
le chef religieux du Maroc, est loin d’avoir autant d’autorité
religieuse que son père. Et les islamistes ne semblent pas partis pour
lui donner beaucoup de chance. Néanmoins, les attentes sont nombreuses et les milieux progressistes commencent à s’impatienter. Le remerciement à l’automne du puissant ministre de l'Intérieur, Driss Basri, connu pour sa résistance au changement, a été très bien perçu au Royaume. Mais après neuf mois de pouvoir, le Maroc fait toujours face aux mêmes grands problèmes. Avec un taux de chômage qui dépasse les
20 % et des inégalités sociales flagrantes, la situation économique du
Maroc reste aujourd'hui, malgré le changement de pouvoir, très
précaire. Les pressions sont fortes sur Mohamed VI pour qu'il soit plus
radical et qu’il accélère les réformes socio-économiques initiées
par le gouvernement du premier ministre Youssoufi. Mais dans ce royaume du Maghreb, à en croire la presse marocaine des derniers mois, plusieurs sont ceux qui attendent du nouveau roi qu'il engage la monarchie vers un modèle constitutionnel plus moderne, à l'image de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne. Dans son héritage politique comme dans sa manière de gouverner, le souverain chérifien devra affronter encore bien des défis. En attendant, M6 surfe toujours sur une vague incroyable de popularité. (retour au menu)
La
5e République vénézuélienne en marche par François Messier Les Vénézuéliens sont convoqués à de nouvelles élections générales le 28 mai prochain, et tout porte à croire que le président Hugo Chavez et ses acolytes obtiendront tous les leviers du pouvoir. Les réformes politiques, menées à un train d'enfer inquiètent les investisseurs. Le mouvement de contestation qui a porté Hugo Chavez à la tête du Venezuela ne s’essouffle pas. Élu chef de l’État en décembre 1998
avec 60% des votes, Chavez a profité de sa première année à la tête
du pays pour mettre les institutions politiques du pays sans dessus
dessous. Le scénario se répète sans cesse. Afin de sanctionner ses projets,
Chavez en appelle aux urnes. Et le résultat est toujours le même. La
proposition de réformer la constitution a été acceptée par 90% de la
population en février 1999. Les élections des membres de la nouvelle
assemblée constituante ont plébiscité les candidats chavistes à 90%.
Et la constitution de la 5e République a été approuvé, en décembre
dernier, par 72% des électeurs. Satisfait de ces résultats, le
président Chavez a annoncé à ses fidèles qu'il avait atteint, en moins
d'un an, «le macro-objectif de forger une nouvelle constitution et la
base d’un nouveau système politique.» Le nouveau Congrès, composé d'une seule chambre, recevra une pléiade de projets chers à la révolution chaviste : nouveau code criminel, réforme des gouvernements régionaux et municipaux, assignation des officiels, des juges et des membres de la commission électorale. Il sera élu en mai prochain. De là à dire que les parlementaires ne seront qu'une bande de béni oui oui, il y a un pas qu'il convient d'attendre avant de franchir. Mais les opposants du présidents, déjà nombreux parmi les élites traditionnels du pays, brandissent cette menace depuis que la campagne électorale est lancée. Deux anciens compagnons d’armes de Chavez, impliqués avec lui dans une tentative de coup d'État en 1992, l'accusent maintenant d’instaurer une « dictature constitutionnelle ». Le premier, Jesus Urdaneta, a démissionné de son poste de chef des services de renseignements en janvier dernier. Il dit détenir des preuves de 46 cas de fraudes, impliquant Hugo Chavez, un de ses principaux bailleurs de fonds, Tobias Carrera, ainsi que le président de l’Assemblée constituante, Luis Miquelena. Le second, Arias Cardenas, a annoncé, le 15 mars, sa candidature à l’élection présidentielle. Il soutient que Chavez et ses conseillers corrompus trahissent le programme révolutionnaire qui l’a porté au pouvoir. Gouverneur de l’État de Zulia, Cardenas est appuyé par les deux partis traditionnels et le maire de Caracas. Mais cette fronde unie risque fort de tomber à plat. Le populisme chaviste bénéficie d'un auditoire tout trouvé. Le désastre économique au Venezuela survient après des années de riches rentes pétrolières dont n'a bénéficié qu'une toute petite élite. Plus de la moitié de la population du pays vit en effet sous le seuil de la pauvreté. Le retour du pendule L'arrivée de Chavez a inversé la tendance de façon draconienne. Après avoir été élu, Chavez a créé le plan Bolivar 2000. Doté d’une caisse de 950 millions de dollars, le plan mobilise l’armée pour distribuer des denrées de premières nécessités à bas prix et pour effectuer des travaux sur les écoles, les hôpitaux et les cliniques du pays. Selon le directeur de Bolivar 2000, le capitaine Moreno, au moins 4000 établissements auraient été ainsi restaurés depuis l’arrivée de Hugo Chavez au pouvoir. D'autres mesures lui garantissent le
soutien de la population. Le salaire minimal a été haussé de 20%, et le
nombre de personnes éligibles au régime de sécurité sociale vient de
doubler, pour atteindre 1,3 millions de bénéficiaires. Pour les nombreux
partisans de Chavez, les politiques du président sont, porteuses
d'espoir. Mais l'envers de la médaille, c'est que les finances publiques
du pays, déjà fragiles, risquent d'en souffrir avant longtemps. Selon l’association
patronale Fedecamaras, les dépenses en éducation et en santé
augmenteront de 5% cette année pour atteindre 30% du PIB. Au total, les
dépenses publiques augmenteront de 36% cette année. Pour l'heure, la situation semble sous contrôle. Car la première année de Chavez au pouvoir a coincidé avec le triplement du prix du baril de pétrole. L'or noir compte pour 70% des exportations du pays, et lui fournit le quart de ses revenus. En 1999, les revenus du pétrole ont apporté des surplus de près de 6 milliards de dollars au Venezuela. Malgré tout, remarquait le Financial Times, la compagnie publique du pays, PDVSA, ne rapporte qu’un profit d’environ 800 millions de dollars. Ce qui a fait dire à un économiste de Caracas, Robert Bottome, que la compagnie affichait une « piètre performance, à moins que des revenus ne soient pas comptabilisés ». Interviewé par le FT, M. Bottome ajoutait : « le gouvernement dépense en fou, ce qui créera l’apparence d’une croissance. Mais cette politique va exploser au visage du président. Le prix du pétrole lui permet de souffler, mais à la même période l’an prochain, on doit s’attendre à un énorme déficit budgétaire. » Investisseurs frileux Le gouvernement précédent planifiait vendre une des quatre unités de production. Chavez, lui, cherche des partenaires pour investir. La politique économique poursuivie par Chavez devra être changée pour attirer les investisseurs, estiment 97% des membres de la Chambre de commerce américaine. Malgré cette belle unanimité, il est peu probable qu'une telle chose se produise. La 5e République naîtra de facto dans deux mois. À moins d'un revirement de situation majeure, les urnes plébisciteront Chavez et la révolution bolivarienne se poursuivra. Et malheureusement pour Chavez, le prix du pétrole ne se fixe pas dans les bureaux de vote. (retour au menu) par Olivier Joulie La boucle est bouclée. Le pouvoir en
place en Russie depuis le début de la décennie a su tirer profit des
circonstances de ces dernières années pour se mettre à l’abri. Sur
fond de scandales politico-financiers, répression furieuse et guerre en
Tchétchénie, la Bienheureuse Famille Eltsine, et ses milliards de
dollars, sera finalement parvenue à enterrer ces secrets dans l’avenir
désordonné d’une Sainte Russie abandonnée à quelques oligarques tout
puissants. Les chroniqueurs pronostiquent. Les analystes militaires paniquent. La diplomatie internationale tire sa révérence. Le monde chancelle, retient son souffle. Il y a un nouveau président en Russie. Celle-là même qui a vu naître successivement Lenine, Staline, Brejnev, Gorbatchev et aussi Dostoïevski puis Tourgueniev parmi beaucoup d’autres. L’incomprise de l’occident, le réservoir d’âme le plus romantique de notre petite planète. Obscure et flamboyante Russie rattrapée par ces vieux démons. Ceux qui la guide vaillament et inconsciente, aujourd’hui encore, sur les sentiers de la Tchétchénie en quête d’un héroïsme jadis unanime et victorieux contre Napoléon. Pauvre Russie condamnée à perpétuité par quelques peuples vaniteux venus de l’Ouest. Vénérée Russie, qui trouvera la douceur dans le printemps de sa renaissance. Sur le chemin de ses ancêtres scintille encore les traces humides de leurs pas, immortalisés par Tolstoï. Esprits dans le vide, nous scrutons vos âmes endormies, envieux et apitoyés. La paix reviendra sur la vaste terre et puis la guerre, et puis la paix, pour l’éternité. Malheureuse Russie, demain est un autre jour. (retour au menu) Vladimir Poutine gagnera les prochaines élections ou la fabrication du candidat à la présidentielle de 2000 par Olivier Joulie Un silence pesant règne sur la scène
politique du Kremlin. Le clan fidèle de Boris Eltsine prend son souffle
pour le dernier acte du nouveau chef d’oeuvre de la grande dramaturgie
russe. Le murmure du public, agité par les derniers rebondissements du
poête suprême, appelle dans un chuchotement le verdict de la sentence
publique. Dimanche, les russes vont aux urnes. Recruté en 1996 par le clan Eltsine pour faire l’inventaire des biens de la famille à l’étranger, il présente le profil idéal de celui qui pourra garder un secret. Car, finalement, tout est une histoire de secret. Et lui sait le garder. Tant et si bien qu’en juillet 1998, il sera nommé chef du FSB, ex-KGB, les services de renseignements russes. Poutine saura se rendre indispensable. Il le prouve de manière décisive, quelques mois plus tard, au printemps 1999, quand le scandale Skouratov éclabousse. Un procureur russe, Iouri Skouratov rassemble un certains nombre de preuves accusant la famille Eltsine de corruption. La Douma menace de mettre celle-ci en accusation. Rompu aux efficaces techniques des renseignements, Poutine ordonne de faire tourner une vidéo pornographique montrant un citoyen russe, indiscernable sur le film, au lit avec deux prostitués. Le procureur est publiquement accusé par Eltsine puis renvoyé pour abus de pouvoir. L’instruction judiciaire sur la fortune du clan Eltsine est stoppée nette en Russie. Hypothèses de complot Les commentateurs et certains journalistes évoquent avec prudence les hypothèses de scénarios qui se seraient joués cet été là, en 1999. Scénarios unanimement tournés vers les mêmes objectifs: obtenir l’immunité pour Boris Eltsine et faire gagner la présidentielle à Poutine. L’histoire se règlera tout simplement le 1er janvier 2000, lors de la démission d’Eltsine et la nomination de Poutine comme intérimaire. Un décrêt plus tard, le premier de Poutine, la famille est à l’abri des mandats d’instructions russes et internationaux. Pour la présidentielle, ce sera plus laborieux et dramatique mais désespérément efficace. Selon un politologue russe cité par Le Nouvel Observateur, une rencontre discrête entre le patron de l’administration présidentielle, Alexander Volochine, et les frêres Bassaiev, visait à se mettre d’accord sur les modalités d’invasion de certains tchétchènes au Daguestan. Objectif: détourner l’attention et préparer les opinions à Vladimir Poutine. Difficile de savoir la vérité. Ce qui est plus sûr, rappelle Vincent Jauvert, du Nouvel Observateur, c’est que le Kremlin a envisagé très tôt d’envahir la Tchétchénie. Sergueï Stépachine, auteur parmi d’autres du stratagème, l’a confirmé après son limogeage, ainsi que Boris Berezovski, lui-même. Mais Stépachine n’aura pas le temps de mettre ses plans à execution. Il est viré le 9 août et remplacé par Poutine. La fabrication de A à Z du personnage Poutine commence dans les couloirs du Kremlin. Conseiller à l’image, Gleb Pavlowski, le gourou de la famille, à la technique, Pavel Borodine, le financier, aux relations publiques, Boris Berezovski, propriétaire de médias nationaux et aux discours, Vladimir Poutine en personne. «Nous irons buter les terroristes jusque dans les chiottes ». Interjection devenue fameuse, elle est de lui. Enquêtes Mais ce sont les attentats de septembre,
à Moscou, qui vont stigmatisés en quelques jours la victoire très
certaine de Vladimir Poutine. Deux bombes explosent à Moscou. 300 morts
et les cris de la populations. Les tchétchènes sont accusés, sans
détour. Poutine saute sur l’occasion, s’adresse à la nation sous le
choc, rassure les gens, promet des réprimandes, vend sa guerre en
Tchétchénie. Il s’envole littéralement dans les sondages. Le feu vert
d’une invasion armée en Tchétchénie est donné par le peuple
lui-même. Les russes envoient leurs enfants dans les montagnes entourant
Grozny, à la chasse à ceux qu’on appellera désormais en Russie, «les
bandits tchétchènes, les terroristes.» Dernier acte par Olivier Joulie La presse occidentale s’acharne sur le mystère de Poutine. Le Globe and Mail titrait la veille des éléctions, un texte consacré à la personnalité de Poutine «Le mystérieux Monsieur Poutine». Pourtant, si le prétendant au plus haut poste du Kremlin reste avar en déclarations sulfureuses de politique intérieure ou étrangère, ces actes, dans l’ombre, plaident les vraisemblables intentions du pouvoir russe. Entre ombre et lumière, nationalisme et ouverture, Poutine se fait maître du double jeu. Pas de programme électoral, pas de
promesses d’action, pas de grands monologues de grands politiciens.
Simplement des interventions floues et peu convaincantes pour des
journalistes habitués au contraire. C’est vrai, le mystère règne dans
le discours de Vladimir Poutine. Mystère confirmé dans une interview
accordée à Kommersant, le 25 mars, la veille des élections. Dernière
question du journaliste «Tout le monde pense qu’au lendemain des
élections, si vous êtes élu, vous allez changer radicalement. Est-ce
vrai ?» Réponse vertigineuse de Poutine: «Je ne vous le dirais pas!».
Mystère des mots. Pas des actes. Que se soit pour l’éloquence de Tony
Blair ou la rencontre rassurante de Poutine avec Bill Clinton, la presse
internationale s’est faite l’écho enchanteur d’une personnalité
que, eux même, les journalistes, disent ne pas comprendre. Doux paradoxe
et inquiétante unanimité. Mais les américains, en campagne, sont
séduits. L’intérimaire du Kremlin se voit donc aureolé du soutien
quasi inconditionnel de l’Ouest. Les arguments sont trop classiques,
frôlent souvent la caricature: c’est Poutine ou l’anarchie. Ou
encore, l’occident préfère le sérieux d’un homme de dossiers à la
fantaisie d’un alcoolique. On entend aussi soulignée ces qualités de
réformateur. Soutien occidental Deux choses l’une, soit les Etats-Unis ont peur de la Russie et ils s’astreigent à entretenir des relations courtoises voulant se faire pardonner leur indifférence à la Russie durant ces derniers mois - pendant les frappes de l’Irak en 1998 et les bombardements au Kosovo -, soit les projets de Poutine ne les inquiètent pas outre mesure et leur visites récentes à Moscou servaient justes à mettre les choses au clair avec le nouveau pouvoir en place. Mais alors porquoi les lèvres de Tony Blair tremblent quand ils évoquent la Tchétchénie?. Ceci dit, c’est un fait, les Russes s’assurent le soutien public de l’occident et, dans l’ombre, activent deux des piliers essentiels de la propagande de Poutine, la défense et les alliances stratégiques avec d’anciens et fidèles alliés, autrement dit, en terme plus idéologiques, la puissance d’une nouvelle russie et le sentiment national. Publiquement, il se contente d’afficher ses ambitions nationales, rassemblant un peuple immense derrière ses désirs de faire de la Russie une nouvelle puissance. Le peuple retrouvera sa fierté, son armée et son identité. «Ces trois derniers mois ont montré que malgré les difficultés liées aux évènemenst dans le Caucase du Nord, la société s’est unie devant la nouvelle menace. Nous sommes devenus plus fort (...) La Russie est l’un des plus grands Etat du monde et une grande puissance nucléaire.» Poutine restituera au pays son prestige et son rôle majeur dans le monde. Ça, c’est pour le discours public adressé aux 100 millions de citoyens russe. Défense et nationalisme Sur onze décrêts présidentiels signé par Poutine, six concernent l’armée. Parmi d’autres, on retrouve le rétablissement des périodes de rappel obligatoire pour les réservistes - mesure abandonnée après l’Afghanistan -, rétablissement de la formation militaire dans l’enseignement secondaire, rétablissement des peines pénales pour désertion et enfin, redressement considérable du budget militaire à hauteur de 50%. Macha Guessen, journaliste à l’hebdomadaire russe Itogui synthétise dans le New-York Times que cette remilitarisation de la Russie «annonce également un retour de la mentalité d’assiégé, ce sentiment d’être seul contre le reste du monde dont la Russie avait commencé à se débarasser.» Et puis il y a les alliances. Les trois dernières semaines de diplomatie russe se sont, loin des projecteurs, tournées essentiellement vers d’anciens alliés. Discussions bilatérales avec la Turquie pour une politique régionale commune dans le Caucase, promesse de partenariat stratégique avec la Chine et l’Inde, coopération et exercices militaires conjoints avec la Corée du Nord, la Russie raffermie ces alliances. L’intérimaire d’Eltsine place les pions de ses nouvelles velléités de puissance. Rien de mystérieux donc dans les actes de celui qui sera vraisemblablement demain le victorieux président de la première alternance démocratique russe. Selon les nombreux portraits que l’on pouvait lire dans la presse internationale la veille des éléctions, Poutine est hanté par le secret, la discrétion, le pragmatisme et son sens de l’action réfléchie et calculée. Ses actes plaident en la faveur d’un hommes ambitieux plus enclin aux faits qu’à la parole. Que se soit bien clair, il n’y a pas de mystère, seulement un personnage sur la scène internationale fermement décidé à agir pour le prestige de son pays. (retour au menu) Oligarchie et cooptation ou la nécessité d’être entouré pour gagner une présidentielle. par Olivier Joulie « En 2000, les candidats à la présidentielles seront cooptés par d’importants groupes financiers et industriels. Celui du Kremlin bénéficiera d’une campagne orchestrée par la quasi-totalité des médias russes. » En quelques mots, Virginie Coulondon, dans Politique Internationale, résume ce qu’est devenue la Russie à l’aube du 21ème siécle. Derrière une façade démocratique, la tradition oligarchique se perpétue et les tenors les plus puissants du pays se succèdent et se remplacent dans les couloirs du Kremlin au rythme ahurissant des remaniements politiques dont a été notamment friand, Boris Eltsine. Depuis la période pré-soviétique jusqu’à nos jours, élections et pouvoir sont intimement liés aux alliances politico-financières qu’ils suscitent. Dans les faits et dans les circonstances actuelles, il s’agit de penser qu’il ne peut exister de «présidentiable» viable sans l’appui d’une véritable puissance financière susceptible, à son tour, d’agir sur les opinions et plus encore sur le contexte économique. Vulgairement, on deale en Russie. Le soutien économique et surtout médiatique contre des situations de monopole et la priorité sur les gros marchés. A la veille de l’élection 2000, les alliances se font aux faveurs d’une économie nettement mise en péril par le crack de l’été 1998. La dévaluation du rouble a durement frappé les banques, les centrales d’achats et autres structures financières, pierres angulaires des empires financiers et donc du système oligarchique. Le prix du brut a sévèrement chuté pour retrouver des niveaux raisonnables quelques mois plus tard. Si la crise n’a épargné personne, la stabilisation a permis, elle, à certaines industries exportatrices de pétrôle et autres biens énergétiques de tirer immédiatement profit de la situation. Devenues les seules entreprises à disposer de liquidités en Russie, c’est sur elles que les nouvelles puissances financières en cours de restructuration vous naturellement s’adosser. «Les seuls qui détiennent à la fois les liquidités et le pouvoir au sein des médias russes sont les prétendus monopoles naturels», synthétise Virginie Coulondon. Parmi ces mastodontes, dinosaures du pouvoir et de la configuration médiatique, on retrouve des sociétés bien connues sous les noms de GAZPROM, ou EES, ou encore TRANSNEFT, LUKoil et d’autres. Base de l’empire qui conduira la Russie du nouveau président, elles sont, sinon monopolistiques, au moins largement en tête de leur secteur industriel et assurées de leurs opportunités. «Les soubresauts politiques de 1999, le limogeage de Sergueï Stépachine et la nomination de Poutine au poste de premier ministre, tous ces événements sont liés à la restructuration des anciennes alliances politico-financières» insiste Virginie Coulondon. Concrêtement, la récente campagne présidentielle a vu s’opposer, sous les feux des médias, deux principaux clans: celui du Kremlin, emmené par Boris Berkovski et celui de Moscou sous la responsablité de Youri Loujkov, maire de Moscou. A ces entreprises exportatrices de matières premières, se sont également attaché des formations politiques russes ayant l’avantage non-négligeable, pour un groupe, de posséder des ramifications stratégiques fondamentales dans les régions et touchant ainsi un électorat éloigné du centre mais vital pour les scrutins. C’est ainsi que le groupe du Kremlin et celui de Moscou se sont partagés les quelques formations politiques en action en Russie. Le groupe de Loujkov récupère les mouvements «Toute la Russie » et «La Patrie», par l’intermédiaire, respectivement, de Tatneft et de Gazprom. Le Kremlin se rapproche, lui, de la formation «Voix de la Russie» en partie financée par la Corporation Sibérienne d’Aluminium. Là encore, il y a deal. En échange de subsides accordés aux nouveaux blocs politiques pour les campagnes électorales, surtout les législatives, les industriels ne cachent pas qu’ils espèrent s’assurer de la loyauté des futurs parlementaires ou gouvernements. Une étude plus fine des deux groupes en présence permet de mieux comprendre la guerre médiatique que se mènent, l’un contre l’autre, Berezovski, propriétaire de nombreux médias et appartenant au clan Eltsine et Vladimir Goussinski, pdg d’un groupe de presse à la faveur du clan Loujkov. Les derniers jours de campagne ont largement fait croître ces hostilités. La guerre en Tchétchénie et la propagande russe entre Est et Ouest mais aussi entre médias russophones s’inscrivent dans cette logique d’opposition clanique très présente à la veille d’événements à gros enjeux.
Le groupe de Moscou Deux groupes se sont donc construits en cours des deux dernières années. Mais il semble que le retrait de la candidature de Primakov, quelques semaines avant l’élection, ait été le symbole soit d’une nouvelle alliance soit d’une résignation du clan Loujkov devant la déférlante opération du Kremlin. L’avenir nous apprendra peut-être le fin mot d’une histoire qui se répète depuis le 15ème siècle. L’oligarchie règne en maître sur le territoire de la Russie. L’avenir dira aussi si le nouveau chef du Kremlin mettra certaines réformes en route comme les plus avides d’Espérance aimaient à l’imaginer pendant la campagne. Réformes de la société, lutte contre la corruption. Vladimir Poutine a promis de s’y intéresser comme il a promis de se soustraire à la lourde tâche de moderniser le système économique, le social et le politique. Mais gare à toi, maître des lieux, les forces de résistance, les forces de la tradition font la loi dans cette grande Russie. (retour au menu) Élections
présidentielles en Russie La Russie vient de placer son sort entre les mains de Vladimir Poutine, le champion de la renaissance de la puissance russe, de la restauration d'une armée forte, du retour à l'ordre et de la "dictature de la loi". Guennadi Ziouganov, le candidat communiste, avait dénoncé des fraudes avant même la tenue des élections. Qu'elles se soient déroulées de façon régulière ou non, les présidentielles ont constitué de facto un affront aux principes démocratiques. Onze candidats en lice, affiches placardées dans le métro de Moscou, spots publicitaires à la télévision: la campagne pour les présidentielles en Russie avait tout d'une opération des plus démocratiques. Une façade, cependant, en raison de la poursuite de l'offensive militaire en Tchétchénie. L'Organisation pour la sécurité
et la Coopération en Europe (OSCE), qui compte 55 membres dont les
États-Unis et le Canada, n'a pas manqué de le souligner dans un
communiqué publié à Moscou quelques jours avant le dimanche des
élections. La guerre en Tchétchénie aura servi à propulser un obscur
inconnu qui, au lendemain de la démission de l'ancien président Boris
Eltsine, récoltera 60% des intentions de vote parmi une population
nostalgique de la grandeur de l'Empire russe ou de l'Union soviétique,
selon les allégeances politiques. Il ne fait nul doute, malgré tout, que Vladimir Poutine est le nouveau Prince de la Russie. Il est considéré par une majorité de ses compatriotes comme un homme pragmatique et rassurant, capable d'éliminer le "terrorisme tchétchène", la corruption et la mafia qui minent le prestige du pays. Nul doute aussi que le nouvel homme fort de la Russie est un véritable "PoutinOCHET" en puissance. Ce slogan, brandi en février par des manifestants assimilant Vladimir Poutine à l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, traduit parfaitement les dérives dictatoriales qui sont à craindre de la part du personnage. Les dérives dictatoriales, M. Poutine en a déjà quelques unes à son actif. Tout d'abord, depuis la démission de Boris Eltsine le 31 décembre dernier, il cumulait les fonctions de président par intérim et de Premier ministre. Sous son règne, ensuite, un journaliste de Radio Svoboda était arrêté et interné pendant 40 jours au "camp de filtration" de Tchernokozovo pour avoir couvert le conflit en Tchétchénie du côté du front tchétchène. Et que penser de la déclaration de M. Poutine en faveur du dialogue avec les "terroristes tchétchènes", six jours avant les présidentielles, qui était suivie de l'avertissement que seraient "étranglés" sur place ceux qui refuseraient un tel dialogue? Que penser, enfin, des menaces de représailles de l'armée russe contre les villages tchétchènes où le score de Vladimir Poutine aux élections présidentielles ne serait pas suffisamment élevé? Quel regard, tout simplement, jeter sur la guerre en Tchétchénie où 15 000 soldats et forces de l'ordre russes ont été dépêchés pour "encadrer" le "bon" déroulement des élections? Interviewé le 20 janvier par le journal français Libération, Viktor Chenderovitc, créateur de l'émission satirique "Koukli" sur la plus grande chaîne de télévision commerciale russe NTV, accusait déjà le gouvernement de Vladimir Poutine d'être à l'origine de la vague d'attentats terroristes à Moscou qui avait justifié l'intervention militaire russe en Tchétchénie: "En Tchétchénie, le pouvoir ne lutte pas contre le terrorisme, au contraire, il l'aide et, en cela, notre pouvoir est lui-même terroriste. Cette guerre est menée contre le peuple. Le peuple tchétchène et le peuple russe. Je parle de la guerre réelle, pas celle dont on nous parle. Il est probable que des gens au pouvoir en Russie entretiennent des contacts avec des personnes recherchées par Interpol. Cette guerre leur est profitable. Et leurs motivations sont d'abord politiques: par le sang et le pillage, on essaie de préparer et de former un nouveau Président", avait-il affirmé. L'enquête diffusée le 24 mars par NTV lève aussi une partie du voile sur les supposés attentats tchétchènes à Moscou qui, au bout du compte, ont contribué à justifier les dérives dictatoriales de M. Poutine. Cette chaîne a révélé que le FSB (ex-KGB), anciennement dirigé par le nouveau président russe, avait lui-même placé le 22 septembre, en pleine vague d'attentats, une bombe dans un immeuble de Riazan (au sud-est de Moscou). (retour au menu) TOUT PETIT DÉJÀ, JE VOULAIS ÊTRE UN ESPION par Patricia Loison-Jamet Vladimir Vladimirovitch Poutine a
décroché ses galons de président officiel dimanche dernier. Il peut
ranger son uniforme d’intérimaire. Les Russes l’ont élu dès le
premier tour. Des Russes souffrant de l’affaissement de leur pays sur la
scène internationale et qui voit dans ce nouveau président celui qui va
leur faire redresser la tête. Un homme fort. Le passé du nouveau chef d’état
de la Fédération de Russie plaide en tous cas pour cette image. Vladimir
Poutine est l’ancien directeur du FSB – le successeur du KGB-. C’est
un homme des services et il ne s’en cache pas. Il appelle même ses
anciens collègues au Kremlin. Cette fois-ci, les services secrets russes
ont pris le pouvoir, démocratiquement. Pendant l’époque soviétique,
le KGB œuvrait dans l’ombre. C’est devenu, au fil de l’affaiblissement
de l’empire, un secret de polichinelle. Mais les apparences étaient
préservées. Devant, face au public, le parti. Derrière, les services
secrets. Aujourd’hui, celui qui dirigeait les services en 1999 dirige
aujourd’hui la Russie. Et ça l’a rendu plutôt populaire. Personne n’est
venu agiter sous le nez du candidat Poutine les fantômes du président
Andropov, cet autre président membre du KGB, féru des envois en hôpital
psychiatrique pour les récalcitrants… Il ne faut pas que l’Occident,
ni les Russes d’ailleurs, fantasment sur l’armée de l’ombre de
Vladimir Poutine ni sur le passé d’agent du contre-espionnage du
nouveau président, affirme le journal Novoïe Vremia cette semaine.
Poutine ne serait qu’un agent falot aux courtes idées. Il répond tout
juste, mais sans plus, au profil du bon espion : sociable, assez
intelligent, bonne capacité de travail, nerfs d’acier, ambitieux,
passe-partout.…Au point de n’avoir laissé aucun souvenir marquant à
la direction du KGB de Leningrad. Anodin, l’agent Poutine ? À ceux qui accusent les services secrets
d’avoir fomenté la campagne d’attentats de l’été et l’automne
1999,
il répond : «Les service secrets russes n’ont pas d’hommes capables d’un
tel crime contre leur peuple.» En revanche, ils ne rechignent pas, à l’instar
de Viktor Tcherkessov -directeur du FSB de St Pétersbourg et anciennement
responsable de la chasse aux dissidents- à s’acharner sur cet officier
russe qui s’est vu accusé d’espionnage pour avoir dénoncé les
risques de pollution nucléaire que fait courir la Flotte Russe. Monsieur
Poutine a fait de cet homme son premier adjoint en février dernier.
«Oui, j’ai amené au Kremlin d’anciens du KGB» explique le nouveau
président à la presse, «je les connais depuis de nombreuses années et
j’ai confiance en eux. Mais cela n’a rien à voir avec l’idéologie.
Ce qui est important, ce sont les qualités professionnelles et nos
relations personnelles.» Une bande d’amis quoi. Pas de quoi s’inquiéter.
Des amis fidèles qui s’épaulent depuis quelque mois et le résultat
est là. Comme au bon vieux temps d’avant la perestroïka : reprise en
main de la presse, contrôle de l’information, enlèvement de
journalistes, et tout aussi inquiétant, une remilitarisation de la
société russe, éclipsée par la guerre en Tchétchénie. Contagieuse
Tchétchénie Si
la prise de Grozny par l'armée russe a marqué un tournant de la guerre
en Tchétchénie, elle ne
signifie pas pour autant la fin des hostilités entre
fédéraux et indépendantistes. Bien loin d'assurer une certaine
stabilité à la région, elle pourrait, au contraire, ranimer le brasier
d'un conflit très mal éteint en Géorgie. Celui qui opposait en 1992, la
Géorgie aux indépendantistes abhkazes soutenus par la Russie. Certaines
analyses démontrent très clairement le rôle que pourrait jouer la Tchétchénie
dans une stratégie plus globale de déstabilisation de la région. Dans
son entreprise de déstabilisation du sud-Caucase, la Russie s'attaquerait
à la fois aux intérêts économiques liés au hydrocarbures de la
Caspienne, à la montée de l'intégrisme islamiste dans la région et
surtout aux ferveurs sécessionnistes de ces anciennes républiques. Tout
d'abord, le récent accord entériné par la Géorgie, la Turquie,
l'Azerbaïdjan et les États-Unis sur le tracé de l'oléoduc sud a marqué
un isolement brutal des intérêts du Kremlin au sud-Caucase. La formation
de cet axe Bakou-Ceylan pourrait être le premier prétexte de la Russie
pour menacer de troubles la Géorgie et récupérer ces intérêts pétroliers. Comment?
Tout simplement en soutenant les indépendantistes abhkazes contre
le pouvoir à Tbilissi, la capitale géorgienne. Car à cette donnée
géostratégique des matières premières dans la région, il faut ajouter
la menace de la présence militaire russe en Géorgie. «Si le danger est
plus grand en Géorgie qu'en Azerbaïdjan, explique Thorniké Gordadzé
dans "Politique Internationale" (hiver 1999-2000), c'est que la
Russie conserve quatre bases militaires sur le sol géorgien, et qu'elle
dispose, à travers le soutien qu'elle accorde aux sécessionnistes
abhkazes, de moyens de pression plus directs sur ce pays.» Justin
Vaïsse, dans le même numéro de "Politique Internationale"
confirme ces suppositions: «La Russie, qui voit
d'un mauvais oeil cet accord (sur le tracé de l'oléoduc), ne
va-t-elle pas être tentée
de déstabiliser les États du Caucase, à commencer par la
Géorgie». Elle a
d'ailleurs indirectement menacé de le faire si la Géorgie ne soutenait
pas l'offensive russe en Tchétchénie. Le 9 septembre 1999, après avoir
bombardé les villages de Chatili et Omalo, en Géorgie, Eltsine décidait
d'alléger son dispositif de blocus vis-à-vis de la province abhkaze.
Malgré cette menace à peine voilée contre Tbilissi, son président
n'autorisera pas les troupes russes a attaqué la Tchétchénie par le
Sud, pas plus qu'il n'acceptera de voir l'armada fédérale faire le guet
le long de sa frontière. Car la Géorgie est accusée depuis de longs
mois par la presse du Kremlin de faciliter le trafic d'arme vers la Tchétchénie
et donc de soutenir la cause islamiste tchétchène. Vu de Moscou, cette
simple accusation pourrait devenir un second prétexte d'invasion armée
en Géorgie. Enfin,
le problème des réfugiés vient s'ajouter à une situation déjà
complexe. Selon le spécialiste géorgien du Caucase Ghia Nodia, repris
par "Courrier International" (numéro 481) «les pressions de
Moscou cherchent à pousser les réfugiés tchétchènes vers la Géorgie,
espérant ainsi créer une situation d'instabilité en Géorgie». Il faut
comprendre, en effet, que malgré les sympathies de l'opinion publique géorgienne
envers les tchétchènes, la Géorgie redoute réellement une contagion
islamiste dans la région. Et si Chevardnadzé se montre si précautionneux
dans son approche du conflit tchétchène, c'est sans doute qu'il se
souvient de s'être trompé en 1994. «À l'époque, rappelle Thorniké
Gordadzé, misant sur une conclusion rapide du conflit, il avait accordé
son soutien à Boris Eltsine...» Tchétchénie:
un air de déjà vu L’offensive
russe sur la Tchétchénie avait été planifiée pour durer 15 jours. 4
mois plus tard, les troupes fédérales se heurtent toujours
inlassablement à la résistance tchétchène. Les pertes s’accumulent,
laissant apparaître, aux yeux de l’opinion internationale, le spectres
des défaites de l’armée russe, en Tchétchénie, en 1996 et en
Afghanistan, quelques années plus tôt. Prendra,
prendra pas? Grozny est devenu, depuis quelques jours, le théâtre d’un
acharnement digne des plus terribles offensives militaires staliniennes et
le symbole de la détermination russe. Les témoignages de réfugiés, aux
frontières limitrophes de la Tchétchénie, affluent dans la presse du
monde entier. L’horreur est sans nom. Mais le clan Eltsine l’a promis;
les russes prendront la Tchétchénie, par tous les moyens. Seulement voilà,
les russes ont-ils vraiment les moyens de s’emparer de la Tchétchénie?
Les récentes pertes dans les rangs de l’armée, reconnues par certains
généraux russes eux-mêmes, laissent planer un doute sévère sur la
capacité de ce vieux corps défensif à remplir sa mission. Car l’armée
russe, nous rappelle le "Boston Globe", n’est plus qu’une
armée de circonscription de temps de paix, inadaptée à la prise de
contrôle de la Tchétchénie et à la guérilla tchétchène. A cela, il
faut ajouter la situation financière dramatique de l’institution
militaire, les crédits en baisse depuis 10 ans, les soldats capitulaires
qui vendent leur armes aux combattants tchétchènes et depuis quelques
jours, les échos, dans la presse, des chiffres des pertes militaires fédérales. Face à cette baisse générale de moral, le nouveau président par intérim Vladimir Poutine décide de prendre les choses en main. De «terroristes qu’il faut buter jusque dans les chiottes», les tchétchènes sont devenus «des citoyens de la fédération de Russie». Alors que la communauté internationale toute entière attend des signes publics de détente, voire des indices d’un éventuel début de solution politique, l’homme politique avise adroitement, organise son passage sur la chaîne de télévision publique russe, détenue par le Kremlin, met ses beaux habits et s’adresse à ces concitoyens. Il se veut confiant, rassurant : «les opérations prendront un peu plus de temps que prévu mais tout ce passera bien. Nous ne toucherons plus aux civils.» Poutine nous avait habitué à plus d’arrogance. Mais, aujourd’hui, il doit composer. Composer avec les
pressions américaines qui souhaitent le voir plus discret sans doute pour
ne pas avoir à intervenir. Composer
avec son peuple dont il dépend entièrement, du moins jusqu’au mois de mars, date des élections présidentielles anticipées dont il
est le seul
mais grand favori. Et enfin, composer avec des autorités militaires de
plus en plus divisées sur la question tchétchène. Qu’en
adviendra-t-il de ce conflit? Tentons une petite comparaison. Mi-décembre
94, Tchétchènie. Les russes frappent depuis quatre mois et décident une
dernière offensive massive sur la capitale. Le 6 février, après presque
deux mois de lutte acharnée et la fameuse bataille de Grozny, le Kremlin
déclare la Tchéthénie sous contrôle. Une courte trève et les combats
reprennent jusqu’en août 96. Les pertes militaires russes sont énormes,
les rebelles ont repris Argun et Goumerdès, deux villes importantes de la
république sud-Caucasienne, Eltsine décide d’envoyer le général
Lebed pour negocier, les tchétchènes ont vaincu. Tout reste donc possible en Tchétchénie et même si les russes déclarent dans quelques jours avoir pris Grozny, ils sont encore très loin de s’imposer en Tchétchénie. L’histoire n’est qu’un éternel recommencement. (retour au menu) Le
rachat de Times Mirror
par le Tribune CO Le
14 mars 2000, après un an de tractations secrètes, le groupe Tribune
Co., éditeur de l’influent Chicago
Tribune, absorbe le groupe Times Mirror, auquel
appartient le prestigieux Los Angeles Times. Le nouveau groupe forme
d’ores et déjà, le 3ème
consortium multimédia aux États-Unis, derrière Gannet
Co. Inc., éditeur de USA Today, et Knight Ridder Inc., propriétaire,
entre autres, du Miami
Herald. Onze quotidiens, 24 chaîne de télévision, trois stations
de radios, sans oublier les
55 millions de dollars de chiffres d’affaire prévu
cette année dans les activités liées à l’Internet. Avec une
diffusion de
3,6 millions d’exemplaires quotidiens, le groupe se situera au troisième
rang aux États-Unis,
rappelle Olivier Costemalle, journaliste à Libération.
«The
idea is to create a network of regional media hubs where advertisers La cause est désormais acquise. Le multimédia prometteur de l’avenir rejoint les rêves de science fiction les plus fous d’hier. Mais le moteur de ces récentes transactions tentaculaires nous écarte bien consciencieusement de nos idéaux rêveurs d’antan. Alors que nous fantasmions sur les espoirs d’une communication mondiale à échelle humaine, clairvoyante et quasi sentimentale, voilà que la publicité et son miroir de milliards de dollars déferlent sur notre intime désir de fonder un monde meilleur. Pessimistes, nous pouvons l’être. Les questions d’indépendances des journalistes, des suppressions d’emplois et de monopole de l’information sous-tendront probablement les analyses des prochains jours. Optimistes, nous devons l’être. N’est-ce pas après tout, un rêve d’enfant qui se réalise? Une synergie presque totale entre papier, radio, télé et Internet. Et même si tout ce contenu sert, en réalité, à être valorisé et à séduire le carnet de chèque des annonceurs, cela n’enlève rien à la prouesse du multimédia. Le défilé des fusions-acquisitions continue à un rythme effréné. Paradoxalement, la survie de l’information en dépend peut-être. Jamais cette information n’a été autant associée au pouvoir économique de quelques entrepreneurs audacieux. A mesure qu’elle pénètre dans la sphère incontournable de l’économie et a fortiori de la nouvelle économie, elle s’écarte des girons des pouvoirs politiques et juridiques. Les médias, quatrième pouvoir, s’immiscent toujours un peu plus, au coeur d’une problématique fondamentale pour la démocratie, celle du partage et de la séparation des pouvoirs. (retour au menu) La
fragile démocratie chilienne de Ricardo Lagos Par
Astrid Ribardière La prise de pouvoir effective du président Lagos le 11 mars a coïncidé, à quelques jours près, au retour du général Pinochet "sur les lieux de ses crimes", comme le titrait le journal français Libération à sa Une du 3 mars. Affirmant qu'il serait "le président de tous, civils et militaires", Ricardo Lagos tente de redonner au Chili un équilibre démocratique. Les militaires semblent ne pas l'entendre de cette oreille et le nouveau président se trouve obligé de jouer au funambule. Le retour du général Pinochet au Chili est une victoire pour l'armée.
"Je voudrais
exprimer la grande satisfaction que ressent l'institution, toute
entière, pour le retour au
pays du général Augusto Pinochet, après avoir souffert
d'une détention injuste et prolongée à l'étranger, et également
réitérer, une fois de plus,
notre disposition à lui apporter tout le soutien possible",
a ainsi déclaré le général Izurieta, commandant en chef de
l'armée de terre. "La
vieille lanterne s'allume toujours devant la caserne lorsque finit le
jour. Mais tout me paraît étranger.
Aurais-je donc beaucoup changé? Dis-moi, Lily
Marlène." C'est sur cette chanson allemande de 1938 composée par
Norbert Schultze qu'Augusto
Pinochet a été accueilli triomphalement par l'armée
de terre chilienne à l'aéroport de Santiago. La
"vieille lanterne" s'est alors avancée vers le général
Izurieta pour l'embrasser
dans un geste fraternel et avec une énergie qui a surpris le
monde entier. En 503 jours
(le temps qu'il a passé en Grande-Bretagne sous le
coup d'une requête en extradition de l'Espagne pour des crimes attribués
à la dictature), le général Pinochet n'a
donc pas "beaucoup changé". En revanche,
c'est sur un sol "étranger" qu'il a atterri: une terre
socialiste, civile
et démocratique. Vieil adversaire d'Augusto Pinochet, Ricardo Lagos a
remporté, le 16 janvier, les
élections présidentielles contre Joaquin Lavin, le
candidat de la droite et ex-conseiller de l'ancien dictateur. Deux
jours après être entré dans ses fonctions, M. Lagos a annoncé une
réforme de la constitution,
promulguée sous la dictature, afin d'en éliminer les
"enclaves autoritaires". Au centre des transformations prévues,
le nouveau président
souhaite abolir la clause faisant des forces armées les "garantes
de la loi fondamentale". Le commandement de l'armée sera alors
obligé constitutionnellement
de se soumettre à l'autorité civile élue. Dans
la foulée, Ricardo Lagos a symboliquement autorisé de nouveau au public
l'accès aux patios et
couloirs intérieurs du Palais présidentiel à Santiago, interdit
depuis la dictature du général Pinochet. Bombardé et gravement
endommagé lors du coup d'État
du général contre le président Salvador Allende
le 11 septembre 1973, La Moneda était redevenue le siège de la présidence en 1981, après
d'importants travaux de réparation. Parallèlement,
cependant, le président Lagos tente de ménager l'armée. Bien
qu'il ait affirmé vouloir
"garantir l'absolue indépendance des tribunaux", il
a soigneusement évité de se prononcer sur le sort à réserver au général
Pinochet ou de critiquer
celui qu'il a pourtant combattu pendant 27 ans. Ricardo
Lagos a néanmoins associé l'État à la requête du juge chilien Juan
Guzman Tapia visant à lever
l'immunité parlementaire de Pinochet, devenu sénateur
à vie en 1998. Le
"président de tous, civils et militaires" a été élu avec
seulement 2,62 points
d'avance sur son adversaire. Sa légitimité ne repose donc que sur un
peu plus de la moitié des
Chiliens ainsi que sur sa capacité à ménager l'autre
moitié et les militaires. (retour au menu) Guerre civile à la sauce red neck par
Sébastien Rodrigue Talisman Energy, la plus grosse compagnie pétrolière du Canada, saura bientôt si son investissement au Soudan deviendra une source de revenus ou de cauchemars. Après un automne difficile, le gouvernement canadien établira si Talisman a enfreint les droits de l'homme au Soudan. Le ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy doit rendre sa décision cette semaine. En août 1998, Talisman expédie du Soudan son premier cargo rempli de pétrole. La compagnie de Calgary exploite 25 % du Greater Nile Project, un champ pétrolifère de 12 millions d'acres à 720 km au sud-ouest de Kharthoum, la capitale soudanaise. Aussi partenaire dans un pipeline de 1100 km jusqu'à Port Soudan, la compagnie a investi près de 800 millions $. Sur papier, il s'agit d'un beau projet. Sauf que le gouvernement soudanais dirigé par Omar Al-Bechir a évacué de force des milliers d'habitants de cette zone pour des raisons de " sécurité ". En novembre dernier, les militaires soudanais ont utilisé les pistes d'atterrissage de la compagnie pour des avions Antonov utilisées comme bombardiers au Soudan. Plusieurs ONG soupçonnent le Soudan d'utiliser ces installations dans la guerre civile contre les rebelles du sud. Le gouvernement soudanais déclare ne pas avoir besoin de ces pistes tandis que le PDG de Talisman, James Buckee, soutient qu'il s'agit d'une coopération " pour la défense de ses installations ". Plusieurs observateurs de l'ONU croient que l'intensification des combats dans cette région n'est pas étrangère aux royalties, près d'un million $ par jour, données au gouvernement du Soudan par les compagnies pétrolières. Tous ces faits ont agacé le ministre des Affaires Étrangères du Canada, Lloyd Axworthy. En octobre 1999, il a d'ailleurs menacé la compagnie de sanctions et dépêché John Harker pour enquêter en sol soudanais afin d'évaluer la situation humanitaire et l'implication de la compagnie albertaine. La semaine prochaine, le ministre Axworthy réagira au rapport de Harker déposé le 26 janvier. À ce moment, le Canada établira en quelque sorte si les compagnies canadiennes à l'étranger doivent respecter les droits de l'homme. Un enjeu de taille si l'on considère les échanges croissants entre les compagnies canadiennes et la Chine, loin d'être une championne des droits de la personne. Aux États-Unis, les implications de Talisman dans la guerre civile au Soudan a engendré un mouvement de " désinvestissement ". Déjà deux fonds de pension, le California Public Employee's Retirement System et le TIAA-CREF du New-Jersey ont vendu 300 000 actions de Talisman. Ces ventes n'ont pas aidé la valeur des actions qui ont chuté de 29 % depuis septembre pour se fixer à environ 34,40 $ cette semaine. La situation préoccupe vraisemblablement la compagnie pétrolière qui a mis le paquet en engageant l'entreprise de relations publiques Hill and Knowlton, qui a déjà eu des clients comme la Croatie et le Koweït. Pour réparer les pots cassés, Talisman a adopté un code d'éthique international pour les entreprises. La compagnie tente de sauver sa réputation, mais une fois impliqué dans la spirale guerrière soudanaise, comment la compagnie s'en sortira-t-elle?
La décision du gouvernement canadien
créera un impact considérable pour la compagnie de Calgary et
toutes les multinationales
canadiennes. Pour l'éditorialiste Ezra Levant du National
Post, " sanctionner Talisman nuira à la réputation du Canada comme
lieu stable pour les
entreprises ". Toutefois,
si Axworthy passe l'éponge, les ONG ne sont pas prêtes a lâché
prise et Talisman risque de
voir ses problèmes se poursuivre. Le conflit au Soudan
perdure depuis 17 ans et les chances de paix sont minces. Le
gouvernement soudanais aura
besoin pour encore longtemps des revenus du pétrole.
(retour
au menu) Axworthy et Talisman: un terrain miné Par
Sébastien Rodrigue Le
ministre des Affaires étrangères du Canada, Lloyd Axworthy, martèle
souvent sa politique étrangère
humanitaire. Il souhaite promouvoir cette approche
lors de la présidence du Canada au Conseil de sécurité de l'ONU en
avril. Ce discours n'a
toutefois pas empêché le ministre de blanchir la compagnie
pétrolière Talisman Energy, malgré les preuves accablantes de
violations des droits de la
personne et ses promesses de sanctions en octobre. Le
rapport de John Harker, envoyé spécial du Canada au Soudan, est pourtant
accablant. Il confirme
l'utilisation des pistes d'atterrissage de Talisman Energy
pour des bombardements et le déplacement de populations près de ses
installations par le
gouvernement soudanais. Il ajoute aussi qu'il est évident
que les royalties données au régime de Khartoum ont contribué à la
relance de la guerre civile. Ce
rapport fait suite aux plaintes de groupes religieux chrétiens canadiens
actifs au Soudan. Dépêché
sur place par Axworthy l'automne dernier, John Harker
a déposé son rapport et conclu que la compagnie albertaine a
contribué à la guerre
civile, mais que le gouvernement canadien ne doit pas pénaliser
Talisman. Lundi, l'action boursière de Talisman a bondi de 3,90$ pour se clore à 39,25$. Lloyd
Axworthy a préféré impliquer son gouvernement au Soudan plutôt que de
nuire à la plus grosse
compagnie pétrolière au pays. L'enjeu principal se situait
à ce niveau: si le Canada sanctionne Talisman, le fera-t-il pour les
autres compagnies au Soudan
ou encore contre les diamantaires au Sierra Leone?
Jamais les droits de la personne au Soudan n'ont dirigé le débat de
fond. Axworthy devait choisir
entre la création d'un précédent envers des industries
ou la sauvegarde d'une population assiégée par 17 ans de guerre
civile. Le ministre des
Affaires étrangères a choisi un compromis qui entachera
sa feuille de route positive. Quand
c'est Coke, c'est OK Le
problème vient peut-être d'une lacune de la législation canadienne sur
les activités à l'étranger.
Aux États-Unis, la loi est aménagée de façon à pouvoir
interdire le commerce dans un pays. Les cas de compagnies canadiennes
condamnées dans des cas semblables l'ont été par les justices
des pays où ils exploitent
des richesses naturelles. C'est le cas de Cambior en
Guyane, condamnée pour un déversement de mercure. Axworthy a préféré la voie des liens commerciaux à celui des pressions économiques. Un bureau ouvrira à Khartoum, de l'argent servira à prévenir les enlèvements et il soutiendra l'envoi d'un émissaire de l'ONU. L'intervention la plus musclée viendra lors de la présidence du Canada au Conseil de sécurité de l'ONU. Axworthy compte mettre la situation humanitaire au Soudan au programme. Mais comme le confirme le rapport Harker "tant que l'exploitation pétrolière se poursuivra, la guerre continuera". (retour au menu) par
Sébastien Rodrigue Les investissements de Talisman au Soudan engendrent d'autres projets controversés. La deuxième pétrolière canadienne en importance, Fosters inc., lancera à son tour un projet au Soudan cette année. Une autre compagnie pourrait à nouveau mettre le Canada dans l'embarras, devant la passivité du ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy. Fosters lancera, après la saison des pluies, un vaste projet d'exploration, d'extraction et de pipeline. Lloyd Axworthy s'est dit surpris par cette nouvelle. Il a ajouté " que son ministère n'en a pas été informé ". " Fosters risque l'argent de ses investisseurs et même la vie de ses employés s'il s'installe au Soudan ", a déclaré John Harker au Globe and Mail. Harker
a écrit un rapport démontrant l'implication de Talisman dans la
guerre civile au Soudan.
Malgré les preuves accablantes, le gouvernement canadien
a choisi de ne pas pénaliser la compagnie. Un élément encourageant
pour les autres entreprises
intéressées par l'énorme potentiel pétrolier soudanais.
Talisman a investi près de 800 millions $ au Soudan et détient 25
% des parts dans le Greater
Nile Project. Comment
expliquer cet attrait pour le Soudan, maintenant reconnu pour
utiliser l'argent des
compagnies étrangères dans la poursuite de la guerre civile?
L'absence des Américains est un élément de réponse, mais les compagnies se servent de ce
genre de projet pour maintenir leur croissance. Talisman
Energy mise sur une croissance rapide et profite des champs de
pétrole laissés libres par
les grosses compagnies dans des pays instables. Talisman
fait déjà des affaires en Indonésie et en Algérie. La compagnie de
Calgary envisage même
d'investir en Irak si les sanctions américaines et onusiennes
sont levées. Ces déclarations et ces projets embarrasseront
inévitablement le Canada. Le
comportement des compagnies dans des zones de conflit
vont à contre-courant de la " politique humanitaire " du
ministre Axworthy. Or,
le projet de Fosters ressemble drôlement au Greater Nile Project de
Talisman. La zone
d'exploration de 70 000 km2, le double de la superficie du projet
de Talisman, se situe à 260 km au sud de Khartoum. Les risques
d'expropriations massives des
habitants pointent donc à l'horizon. Le projet implique
plusieurs compagnies, dont Sudapet, la compagnie d'État soudanaise
aussi partenaire dans le
Greater Nile Project. De
plus, Fosters a embauché John Mcleod, le même négociateur que Talisman
pour son Greater Nile
Project. Toutefois, Fosters mène le projet par l'entremise
de la compagnie Melut Petroleum qu'elle détient à 83 %. Situé
aux Barbades, le siège
social de Melut Petroleum est bien loin du champ d'action
du Canada. Le
président de Fosters, Randy Pawlin, ne s'inquiète pas de son
investissement au Soudan.
" J'ai rencontré des ministres (nda: au Soudan) et selon
moi, ils veulent vraiment la paix. Et je crois que notre présence
rapportera davantage au pays
que de ne pas y être. ", explique-t-il. Au cours
des deux premières semaines de mars, le gouvernement soudanais a
poursuivi ses bombardements
sur des cibles civiles. La crise s'est également envenimée
entre les rebelles du SPLA et les groupes humanitaires ce qui met en danger la survie de
milliers de personnes. D'un
côté comme de l'autre, les progrès sont minces dans cette guerre
civile. La paix n'approche
pas et l'exploitation du pétrole donnera plus de munitions
pour mener la guerre. Malgré les efforts diplomatiques canadiens,
les investissements de
compagnies canadiennes financeront les dépenses militaires
du régime de Khartoum. Si
Fosters s'installe pour de bon au Soudan, la pression sur le gouvernement
canadien débouchera peut-être
sur une législation pour limiter cette problématique.
La prochaine étape viendra en mai prochain lors d'une rencontre
avec l'Association canadienne des pétrolières où le ministre
Axworthy lancera sûrement
des avertissements. Aussi, il sera intéressant de surveiller
le Canada lors de sa présidence au Conseil de sécurité de l'ONU à
compter d'avril où il mettra
le cas du Soudan au programme. Mais en réalité, est-ce
que monsieur le ministre fait encore peur aux pétrolières? |