"m-EAU-dialisation!" par Daniel Allard |
Le Québec n'a évidemment
pas le monopole des grandes réserves d'eau douce du monde. Le cas de
l'Antarctique est à ce titre impressionnant: une surface
de 10 000 km2 d'eau douce prisonnière des glaces polaires depuis
des temps immémoriaux! Autre
exemple fascinant, l'encore très méconnu lac Vostok,
un réservoir souterrain, liquide celui-là, de 230km de long, de
50km de large et d'une profondeur estimée à 500 mètres. En 1996, des travaux de forages scientifiques
avaient été stoppés
par crainte de contamination. Mais bientôt,
avec la coopération des scientifiques américains, les
Russes veulent revenir à la charge avec de l'équipement plus
approprié. Pour ce nouveau
projet, la NASA
ira larguer un mini sous-marin, l'Hydrobot
beaucoup plus perfectionné que son "ancêtre" nommé Cryobot;
l'opération "Vostok"
pourrait débuter en 2003. Le lac est -
heureusement ou malheureusement! - enfoui sous 4 000 mètres de
glace, en plein centre de
l'Antarctique. Pour
continuer du côté des émerveillements technologiques, il faut aussi
compter, dorénavant, sur le fait que l'eau
sèche - et oui, sèche! -
est inventée. Un
nouveau concept d'irrigation, une gelée composée d'eau et d'une faible
portion de gomme végétale et de sulfate d'aluminium, inventé aux États-Unis
porte maintenant le nom de Driwater!
Comme un glaçon fondant doucement, le produit libère l'humidité nécessaire
à la croissance des plantes pour une période de deux à trois mois. Pour tester le produit, deux millions
d'arbres ont été plantés dans les environs d'une nouvelles ville situé en plein désert
d'Égypte. Chaque arbre a survécu avec seulement un peu moins de 2 litres
de Driwater, avant que les racines
de ceux-ci rejoignent l'eau souterraine nécessaire à leur survie à long
terme. Le
Driwater reléguera-t-il
aux oubliettes les problématiques de mal-répartition des ressources
mondiales d'eau et les enjeux
de l'exportation massive d'eau en vrac? L'éditorialiste
du quotidien de Québec Le Soleil,
Raymond Giroux,
aurait sans doute eu moins de facilité à écrire dans le même
texte (Le mythe des eaux perdues, éditorial du 23 août 1999), que le Québec "contrôle 16% des réserves d'eau douce au
monde" et que "le Québec et le Canada n'ont pas d'eau à
exporter de façon massive, ni des Grands Lacs, ni des rivières du
Nord", s'il y avait aussi fait mention du fait que le quart de
l'humanité souffrira de pénurie chronique
d'eau potable d'ici 2025! Une certaine
gêne l'aurait probablement amené à mettre ses réflexions
surtout protectionnistes dans une autre perspective, plus humaniste
et globale. Car l'enjeu mondial de l'eau ne concerne pas uniquement la
bonne santé des terrains de golf des déserts d'Arizona et de la
Californie. La Commission mixte
internationale - qui gère
conjointement pour le Canada et les États-Unis d'Amérique le système
des Grands Lacs - doit
remettre son rapport final pour FÉVRIER 2000.
Très bientôt! "Il n'y a jamais de surplus d'eau dans les
Grands Lacs. Voilà pourquoi il faut protéger cette ressource", constatait déjà l'organisme international, l'automne dernier, dans
son rapport préliminaire. Qu'est-ce
qu'un surplus d'eau? L'eau, à l'échelle planétaire, a toujours
eu une quantité finie. Elle change de forme, de place, évaporée elle
traverse les continents, sous forme de glace elle se fige pour des millénaires
dans les glaciers des pôles, souterraines elle dort aussi longtemps mais
cette fois sous forme liquide, dans un drôle d'équilibre que l'humanité,
il est vrai, n'a pas encore appris à connaître suffisamment. Peut-on vraiment penser pouvoir gérer l'eau du globe avec des notions de surplus ou de rareté territoriale bien délimitées? Décréter par exemple un "surplus" ou un "non-surplus" d'eau dans un écosystème comme celui des Grands Lacs, c'est prétendre qu'il y a ici un système fermé. Le seule système fermé dont il peut être question ici est celui de la Terre entière. "L'eau qui manque" dans les Grands Lacs est nécessairement quelque part ailleurs, pour toutes sortes de raisons temporaires ou permanentes. Pourquoi est elle ailleurs? Pourquoi doit elle être ailleurs? Jusqu'où l'intervention humaine doit aller dans ce grand mouvement perpétuel? Des humains doivent-ils mourir de soif pour respecter le jeu de ces mouvements infinis? Si on laisse décider que des prélèvements pour la consommation humaine dans des réservoirs aussi immenses que les Grands lacs sont dommageables, que dire des évaluations qui seront faites pour tous les autres réservoirs disponibles du monde, puisqu'ici on parle - et de loin - du plus important de tous? VERS LE "GRAND PARTAGE"? Selon Raymond Chrétien, ambassadeur du Canada à Washington, la question de l'exportation possible de l'eau constituera un des problèmes les plus difficiles auxquels sera confronté le Canada au cours des prochaines années. Il croit que le Canada et les États-Unis devraient adopter des politiques claires pour fixer des paramètres quant à la conservation et l'exportation de l'eau potable, leur ressource naturelle la plus précieuse. "Ensemble, nos deux pays contrôlent 40% des réserves mondiales d'eau potable. Nous aurons des problèmes dans les années à venir", a prédit monsieur Chrétien, de passage au Québec l'été dernier. Des milliards de $ de poursuite Pendant ce temps, à Terre-Neuve, le projet du lac Gisborne, mis de l'avant par le McCurdy Group, de Gander, vient d'être stoppé par loi par le gouvernement de la province la plus à l'Est du Canada-Atlantique. A l'Ouest du continent, un débat du même genre vient de faire dramatiquement surface: Sun Belt Water, de Santa Barbara, en Californie, réclamerait jusqu'à 10,5 milliards $US en dommage-intérêts d'Ottawa et du gouvernement de la Colombie-Britannique, alléguant que les droits que lui confère l'ALÉNA ont été violés. La compagnie demande la restitution de son permis d'exportation d'eau, révoqué en 1991. En date du 23 octobre 1999, si tout a été fait selon les règles, le ministère fédéral canadien responsable de ce dossier dispose de 90 jours pour répondre et la cause sera soumise à un comité d'arbitrage de l'ALÉNA de trois personnes. PARIS EN FÉVRIER ET DEN
HAAG EN MARS Avant
le grand rendez-vous du 17-22 mars prochain dans la ville des Pays-Bas,
pour le 2e Forum mondial de l'eau et aussi la Conférence ministérielle qui le chevauchera, l'attention pourra se
porter pour deux jours sur les travaux des invités de l'Académie de l'eau et de l'Agence
de l'eau Seine Normandie, en France, le temps du colloque
international "l'eau, l'aménagement
du territoire et le développement durable", les 10 et 11 février
2000, au Sénat français, à Paris. Le
rapprochement à faire entre "eau" et "aménagement du
territoire" n'est pas très loin du rapprochement évident à faire
entre "eau" et "citoyen". Les experts en matière de
gestion des ressources en eau à travers la planète qui auront l'occasion
de participer autant au rendez-vous de Paris en février, que de celui de
La Haye (Den Haag, en néerlandais)
en mars, ne seront pas du tout surpris de rencontrer dans les ateliers des
multiples activités du 2e Forum mondial de l'eau, les représentants du Secrétariat
international de l'eau, l'ONGI qui a son siège social à Montréal,
et qui avec ses nombreux partenaires dans le monde, profitera du grand
happening de La Haye pour inaugurer la Maison
du Citoyen et de l'Eau. Références utiles: Colloque
de Paris: academie@oieau.fr |