Chronique
de Richard Legault |
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par
Richard Legault
En octobre 1998, Paul Bégin,
ministre de l'environnement du Québec mandatait le Bureau d'audiences
publiques sur l'environnmeent(BAPE) de tenir enquête et des audiences
publiques sur la gestion de l'eau au Québec. Au cours de l'automne 1999,
des mémoires ont été soutenus devant la Commission du BAPE-présidée
par André Beauchamp. Toutes les régions du Québec ont pris part à
cette importante consultation qui correspond à la seconde partie des
audiences publiques. Cette consultation devra
aboutir, aux dires du ministre, «à
définir une politique de l'eau qui répondra à l'intérêt des Québécoises
et des Québécois et qui visera à assurer la protection d'une ressource
vitale du patrimoine humain.» Loin de moi l'idée de vous
entretenir de l'ensemble de la problématique de l'eau. Les recherches, études,
mémoires et documents sur l'eau couvrent sûrement des milliers de
pages... selon les thèmes abordés, le lecteur pourra se référer aux
documents soumis au BAPE. Cet été, les pieds dans
l'eau du golfe Saint-Laurent, j'ai lu Le
manifeste de l'eau de Ricardo
Petrella., (Éditions Labor, 1998). Ce petit grand livre m'a ouvert
les yeux sur les enjeux énormes au niveau mondial concernant la
privatisation de l'eau, l'accès à l'eau, sa marchandisation, etc. Bien
des conflits armés se sont faits et se feront sur cette question vitale
de l'eau, si des décisions politiques globales et mondiales ne sont pas
prises. Riccardo Petrella propose que tous les pays endossent un
Contrat mondial de l'eau. Ce
Contrat mondial de l'eau serait
inspiré par deux finalités principales:
Avec ses 3% des réserves
mondiales d'eau douce, le Québec a des responsabilités au plan
international, notamment «celle de protéger la ressource et
de participer à apporter des solutions aux problèmes de développement,
de santé et d'environnement que cause, dans de nombreux pays, une eau de
plus en plus rare et d'une qualité de moins en moins bonne.»
(MEQ, 1999). Qui
plus est, «son action doit se poursuivre selon une approche d'exemplarité
à tous les égards, incluant la gestion de l'eau.» Le
gouvernement québécois s'est donné des orientations gouvernementales et
des objectifs généraux en
ce qui concerne la gestion de l'eau au Québec.(voir le document de
consultation publique préparé à cette fin). Mais
la question de fond demeure: Comment s'assurer de transmettre aux générations
futures un environnement de qualité et des ressources capables de
soutenir leur développement? Examinons les quatre
objectifs généraux relatifs à l'eau qui y sont présentés et regardons
ce que cela demanderait pour y répondre. 1. Assurer la protection de la
santé publique «L'eau est un bien commun de l'humanité, à protéger,
promouvoir, partager et utiliser en tant que Il faut développer une
approche préventive, de précaution, ce qui n'existe pas encore au Québec,
ni en médecine, ni en alimentation, ni en agriculture, foresterie,
biotechnologie,...Le rehaussement des normes tant pour l'eau potable que
pour les eaux usées est incontournable au Québec. De même, pour toute
la question des rejets agricoles et industriels qui polluent nos cours
d'eau et dérèglent nos usines d'épuration. La règlementation adéquate
doit être adoptée et les municipalités aidées pour s'y conformer. Ce
n'est pas parce que le Québec n'a pas encore connu d'épidémies majeures
qu'il faut maintenir la situation déplorable d'attentisme actuel. La
nouvelle Politique de l'eau devra rassurer les Québécois en relevant les
normes au plus haut standard d'excellence, au moins au même niveau que
celui des pays européens et des États-Unis. 2. Rechercher la pérennité de la
ressource eau «L'eau n'est pas une question de choix. Tout le
monde en a besoin. C'est un bien fondamental total Cette pérennité ne doit
pas être considérée uniquement localement, elle doit être assumée en
relation avec l'amont et l'aval, au niveau du bassin versant et en
interrelations avec les autres ressources(air, sol) et les écosystèmes
présents...pas nécessairement à proximité. Cette pérennité doit être
assurée par un contrôle de la surconsommation d'eau, tant par les citoyens que par
les institutions. Ce contrôle doit pouvoir se faire à trois niveaux:
*
Le principe de pollueur-payeur est basé sur le fait que toute personne
qui utilise les eaux, c'est-à-dire l'usager-le consommateur,
l'agriculteur, l'industrie, la municipalité,etc.) et toute personne qui
peut bénéficier des travaux financés par une autorité publique et qui
y touve son intérêt, est soumise à des redevances d'usage. Ces redevances ont des
avantages:
3. Mettre en valeur la ressource
au plan social et économique «L'idée selon laquelle l'eau doit être considérée
principalement comme un bien économique, une ressource monayable et que,
par conséquent, les lois du marché permettront de résoudre les problèmes
de pénurie et de raréfaction, voire les guerres interétatiques, est une
idée fort simpliste. Elle se base sur un choix de nature purement idéologique
qui consiste à privilégier,
parmi les multiples dimensions spécifiques de l'eau, la valeur relative à la dimension économique au détriment de toutes
les autres valeurs. Ce choix idéologique se fonde à son tour, sur l'affirmation
du marché en tant que mécanisme principal, supérieur à tout autre
mécanisme(la régulation politique, la coopération, la solidarité) pour
l'allocation optimale des ressources matérielles et immatérielles disponibles
et la redistribution la plus efficace de la richesse produite. On peut
partager un tel choix idéologique. Mais les tenants de ce choix ne
peuvent pas nier(sauf par total aveuglement devant la réalité) qu'il
n'y a pas dans l'écosystème Terre d'autres sources de vie comme l'eau(mis
à part l'air) et que l'eau est une
ressource unique, particulière, de nature différente des autres
ressources auxquelles les êtres humains doivent recourir pour
satisfaire leurs besoins vitaux de base, individuels et collectifs. Son
unicité est, entre autres facteurs, liée à son irremplaçabilité, à
sa non substantialité»
(Pétrella,
1999). Cette mise en valeur doit
suivre les principes et pratiques du développement viable et non les
dictats des profits des entreprises. On sait qu'en vertu du Code civil du
Québec, l'eau souterraine est un bien de propriété privée relié à la
propriété immobilière. Tout propriétaire d'un fonds peut utiliser les
eaux souterraines à sa guise sous réserve des limites posées par le
droit commun., à condition qu'il n'y ait pas d'altérations majeures à
la qualité et à la quantité d'eau disponible suite à son utilisation.
Selon Me Lord du MRN(1977), «dans
une perspective de réforme législative, il paraîtrait opportun
d'affirmer clairement le principe que les
eaux souterraines ne sont pas différentes des eaux de surface et que la
propriété du sol n'emporte pas par accession la propriété de ces
nappes, mais seulement un droit d'usage dans le cadre fixé par la loi.» Les eaux souterrraines,
comme les eaux de surface, doivent se voir conférer un
statut de bien commun. Ce changement de statut légal est essentiel
pour assurer la protection, la conservation et la pérennité de la
ressource, étant donné que ces deux eaux font partie intégrante du
cycle de l'eau et constituent par le fait même une seule et même entité.
D'ailleurs, cette intégration dans
un même cadre légal, des eaux souterraines et des eaux de surface, a
été proposée à plusieurs reprises dans divers ateliers du Symposium
sur la gestion de l'eau au Québec. C'est pourquoi de nombreux
groupes au Québec et ailleurs au Canada ont demandé aux gouvernements
d'imposer un moratoire sur tout projet de captage à fort débit des eaux
souterraines. Dans le contexte actuel, nous pensons qu'il vaut mieux
appliquer les principes de prudence et de précaution, que
l'exportation de l'eau en vrac entraînerait la considération de l'eau
comme une marchandise soumise à l'ALÉNA. De toute façon, si cela était
pour arriver, mieux vaudrait que l'exportation d'eau se fasse plutôt sous
forme de produit manufacturé, à valeur ajoutée, comme l'eau embouteillée
car sa valeur commerciale est beaucoup plus grande. Afin d'éviter que l'eau
devienne objet de marchandise, de tractation commerciale, bref éviter la
pétrolisation de l'eau, plusieurs groupes et organismes dont la
Coalition Eau Secours! proclament qu'on impose un moratoire à
tout projet d'exportation d'eau, sauf l'eau embouteillée. 4. Concilier les usages dans une
perspective de satisfaction des besoins légitimes «L'eau, l'accessibilité à l'eau, en tant que
source d'alimentation, milieu
naturel de vie pour des millions d'êtres vivants et ressource pour les
activités récréatives, de plein air, de méditation,
ne doit pas être objet de compétitivité, »
«L'eau ne peut être considéré comme bien économique..
Il faut éviter la pétrolisation de l'eau, en libérant la vision de
l'eau de l'emprise techno-économiciste, pour affirmer et mettre en
pratique une vision de l'eau , non pas comme bien de personnes, mais comme
«res publica»(bien public) . (Pétrella,
1999) Le premier besoin essentiel,
c'est la préservation de l'eau
essentielle à tous les écosystèmes et aux besoins vitaux des humains
tant pour les générations présentes que futures. Il importe en
premier lieu de bien connaître les usages qui sont faits de la ressource
au niveau du bassin hydrographique. La gestion adéquate et écologique de
l'eau, tant sur le plan de la qualité que de la quantité, amènera le
comité de bassin à faire des choix, instaurer des priorités, contrôler
ou réglementer des activités afin d'atteindre ses objectifs. La juridiction actuelle est
obsolète, inadéquate, trop faible (amendes dérisoires, manque de suivi,
de surveillance). Les conflits institutionnels entre ministères et autres
doivent être réglés par une instance supérieure qui aura à appliquer
la Politique de l'eau, de préférence par le ministère de
l'environnement qui devra se doter des effectifs nécessaires. Les
divergences de priorités entre les usagers devront être soumises au
comité de bassin. La problématique des rejets agricoles doit être enfin
résolue au Québec, malgré les pressions du milieu agricole qui
tergiverse. Ce qui nous semble anormal,
c'est que des promoteurs privés puissent soutirer l'eau du sol ou du sous-sol
sans payer aucune redevance à la municipalité et au gouvernement et
que les profits de vente de l'eau se retrouvent dans leurs goussets, alors
que l'eau est un bien public qui doit être reconnu comme tel. Le statut juridique de l'eau
doit être modifié, et une des conséquences devrait être que des
redevances importantes devrait être payées par le promoteur pour le
puisement de l'eau à sa source. Ces redevances devraient servir directement pour tous les projets de
conservation de l'eau. Un moyen original serait de créer un Fonds
de l'eau québécoise, administrée par une Fondation
qui se doterait d'objectifs de préservation et de répartition équitable
de l'eau, d'accès public aux plans d'eau, etc. Il importe de s'assurer de
la participation du public à la définition des objectifs, des priorités
et cela, à une échelle proche du ou des cours d'eau dont ce public fait
usage. Cette mise en valeur devra se faire régionalement de préférence
sous la gestion de comités de bassin, lesquels intègreront les
composantes de l'eau dans leur schéma d'aménagement, leurs processus décisionnels
aux niveaux des MRC et des municipalités. «L'eau est une
ressource vitale et sacrée, encore faut-il compren-dre le sens véritable du mot «sacré»
. (Céline Caron). L'EAU, BIEN COMMUN PATRIMONIAL MONDIAL? Pourquoi ne pas promulguer,
à l'instar de Ricardo Petrella, la
reconnaissance de l'eau en tant que bien commun patrimonial mondial de
l'humanité, car elle est source de vie et ressource fondamentale pour
le développement durable de l'écosystème terre. Le Gouvernement du Québec,
tout comme le gouvernement canadien, a l'occasion unique de
se doter d'une Politique de l'eau qui poursuive, s'intègre à sa
politique de développpement durable. Le gouvernement devrait
adopter des principes et des mesures légales soutenant la conservation de
l'eau, créer une Fondation de l'eau qui gérera un Fonds provenant des redevances payées
par les promoteurs qui puisent l'eau et la vendent embouteillée. Finalement le
processus de consultation publique engagé par le BAPE doit être réalisé
de façon éthique.. parce que c'est l'unique façon de pouvoir
compter sur l'engagement de tous les citoyens et partenaires à prendre
part aux mesures qui seront proposées dans la future Politique de l'eau
du Québec. «Il doit y avoir
un engagement ferme des élus de tenir compte le plus possible de ce qui
émerge de
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