Analyse
Retour du Kenya: le FSM 2007 de NAIROBI
2007-03-18

Par Jean-Louis Bourque

(collaboration spéciale: M. BOURQUE, politologue, est membre du Conseil scientifique d’ATTAC-Québec. Il enseigne présentement à l’Université du 3e âge de l’Université Laval.)

Le Forum Social Mondial (FSM) est un événement d’envergure, qui, depuis la toute première édition à Pôrto Alegre en 2001, année après année, continent après continent, vient saper la bonne conscience des tenants de la mondialisation néolibérale. Du 20 au 25 janvier 2007, des milliers de militants ont convergé vers Nairobi, capitale du Kenya, pour le 7e FSM. Pour la première fois un pays d’Afrique orientale offrait un espace pluriel et diversifié, non confessionnel, non gouvernemental et non partisan pour cette rencontre mondiale et ouverte, visant essentiellement à «approfondir la réflexion, à échanger des expériences en toute liberté, à articuler des actions et des alternatives pour une société planétaire axée sur l’être humain» (cf. Charte des Principes du FSM).

Nairobi est une ville en pleine expansion avec près de 2 millions d’habitants agglutinés dans des bidonvilles miséreux autour d’un centre-ville moderne hérissé de gratte-ciels. C’est la capitale d’un pays indépendant depuis 1963. Un impressionnant monument dédié à Jomo Kenyatta, le «javelot flamboyant» 1er Président de la République du Kenya, commémore la libération du colonialisme britannique. Située à 1 700 m d’altitude, la ville est peu polluée, étonnamment verte. Le pays tient son nom du Mont Kenya qui culmine à 5 200 m. Le mot Kenya signifie «là où c’est blanc, là où se trouve la clarté». Le Kenya nous est surtout connu par le beau film romantique «Out of Africa» de Sidney Pollack (1996) qui raconte l’histoire des colons danois en Afrique de l’Est’ dans les années trente, et les safaris qui font rêver dans le monde entier, mais la réalité est souvent totalement différente.

En effet, le Kenya est loin d’être un pays modèle. Ravagé par le sida et la corruption, il n’a pas la confiance des institutions internationales comme le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) qui lui ont coupé leurs prêts. Les droits de l’homme passent bien après les occasions de profits.

On se rappellera que c’est à Nairobi que s’est tenue en 2006 la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de triste mémoire, au cours de laquelle le Canada reniait son adhésion au Protocole de Kyoto, en totale contradiction avec la politique québécoise. Ménageant la chèvre et le chou, le gouvernement kenyan n’a ni soutenu ni posé d’objection à la tenue du FSM. Commandité par un fabricant de cellulaires (Cel.Tel.), le FSM a réussi, avec l’aide de la Ville de Nairobi et un budget déficitaire de 5 millions de dollars, à organiser le plus grand événement africain d’envergure mondiale depuis plus d’un demi-siècle, longuement préparé par des forums africains thématiques sous-régionaux, régionaux et nationaux.

Comme auparavant Porto Alegre (Brésil), Mumbai (Inde), Caracas (Venezuela), Bamako (Mali) et Karachi (Pakistan), Nairobi a su donner une couleur originale à cette grandiose rencontre des races, des langues et des cultures. Le FSM s’est ouvert symboliquement par une grande marche de 7 km, jusqu’au Uhuru Park au centre-ville, un excellent moyen de mobiliser les quelques 60 000 personnes inscrites dans un même élan de solidarité active. Pour éviter tout incident, les travaux étaient concentrés au Centre mondial de sports de Karasani, en banlieue de Nairobi, un endroit presqu’isolé et «totalementsécuritaire», loué à des conditions extrêmement avantageuses par les autorités de la ville. La présence policière et militaire y était fort discrète.

La foule était en majorité composée d’Africaines et d’Africains très fiers et très beaux, des Kenyans surtout, étant donné la cherté des voyages mais aussi beaucoup de jeunes venus des pays avoisinants, ceux qui avaient les moyens de se payer le voyage et les droits de participation de 10 dollars, soit le salaire d’une semaine de travail pour un ouvrier moyen, et tous ces autres qui ont marché des semaines durant pour se rendre à destination et qui ont été acceptés sans payer leur inscription à la demande du Parlement du peuple Kenyan, d’ATTAC-Japon et des mouvements Sud-africains.

Curieusement, beaucoup de femmes portant le voile, et pas seulement des musulmanes (les musulmans ne forment que 10 % de la population), mais surtout des religieuses chrétiennes de toutes confessions, provenant d’Asie, d’Europe, d’Afrique et des Amériques. Les télé-évangélistes américains qui font fureur sur les réseaux de télévision de Nairobi côtoyaient des moines Franciscains, «altermondialistes avant l’heure», eux qui ont toujours été du «bord des pauvres». On laisse entendre que plus de 4 000 Églises étaient présentes à Nairobi et c’était très visible. Pour illustrer combien le climat était au dialogue et à la tolérance, on a pu noter la présence d’associations de gais et de lesbiennes sur un continent où l’homosexualité est encore totalement taboue, proscrite, voire même criminelle !

NAIROBI UN ANTI-DAVOS
Presque en même temps se tenait à Davos le Forum Économique Mondial. La chose est sciemment planifiée car le mouvement des Forums Sociaux Mondiaux, en se développant de façon pacifique devient de plus en plus un contre-pouvoir mondial qui défie les diktats présupposés de l’impérialisme économique. À Davos, les chefs d’État se réunissent à l’abri des regards indiscrets et sous la haute surveillance de la police et de l’armée.

Tenu cette année, pour la 37e fois, le Forum de Davos a porté essentiellement sur les problèmes reliés aux changements climatiques. La protection de l’environnement y est devenue une véritable ''business". «Green is Gold» a résumé un professeur de l’Université Yale. La perspective vise la récupération des idées «vertes» au service des affaires: comment le marché pourra-t-il en profiter ?

Toujours en parallèle avec les préoccupations du FSM, une trentaine de ministres du commerce multipliaient les rencontres pour tenter de relancer les négociations commerciales du Cycle de Doha, présentement au point mort. En présence de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de son président, M. Pascal Lamy, ils cherchaient comment contrer la menace d’un retour mondial accéléré au protectionnisme qui plane sur le processus de la mondialisation.

Arbitre malgré lui dans ce jeu de tensions contradictoires, le président brésilien, Luiz Ignacio Lula, a tenté de sensibiliser les États-Unis et l’Union Européenne vers le long terme: «Les concessions que vous ferez sur le plan commercial sont autant de gagné sur vos budgets militaires à venir» (cf. Journal Le Monde, 5 fév. 2007). Même tendance chez Tony BLAIR, héraut de l’aide au continent noir. Il a lancé un vibrant appel en faveur d’une meilleure gouvernance mondiale. «Ce qui est en train de se passer, c’est que les nations, même les plus grandes, réalisent qu’elles ne peuvent même plus se préoccuper uniquement de leurs intérêts nationaux sans invoquer des valeurs globales plus larges». (cf. Le Devoir, article du journal Le Monde, 05.02.07). Peu à peu, le travail en profondeur des FSM depuis 2001 gruge le monopole anarchique des pouvoirs économiques sur la mondialisation.

NAIROBI ET L’ALTERMONDIALISME CHRÉTIEN
Ce qui était particulièrement frappant à Nairobi, c’est l’importance de l’influence de la religion dans les pays du Sud, en Afrique et en Amérique latine. Au Brésil, la «théologie de la libération» fut à l’origine même du développement des politiques altermondialistes mises de l’avant notamment par Leonardo Boff et Frei Betto, par la Commisson Justice et Paix, par le Parti des travailleurs (PT) et le MST (Mouvement des paysans sans-terres). Pour la première fois à Nairobi, on assistait à ce que l’on pourrait peut-être appeler «l’altermondialisme chrétien» beaucoup plus centré sur les pratiques sociales, comme la vie en bidonville, que sur la critique des institutions néolibérales (OMC, FMI, BM) dictées par le «Consensus de Washington».

Il faut savoir que le Kenya est chrétien à 70 % et que les Kenyans sont encore très pratiquants. Les organisations religieuses, par exemple l’ONG catholique Caritas, disposent souvent de larges moyens et font un travail colossal dans tous les secteurs d’activités humaines, l’environnement, l’éducation, l’agriculture et la foresterie, les luttes pour la paix, la démocratie, et la défense des droits de l’homme et de la femme (cf. Julien Abord-Babin, La marmite sociale, fév. 2007).

Pourtant, la provoquante statue d’une femme enceinte crucifiée qui se voulait une plaidoirie pour le droit à l’avortement a dû être démantelée suite à une pétition signée par de très nombreux participants. Le discours religieux inspire l’aide humanitaire, mais la présence de fondamentalistes tend à la mettre au service d’un pouvoir sur les consciences. On n’est pas à l’abri d’un détournement de l’aide humanitaire à des fins politiques.

LES MÉFAITS DU NÉO-LIBÉRALISME
Le mot de bienvenue (Karibu en swahili) placé en exergue du Programme du FSM rappelle comment les politiques néo-libérales, «décennie après décennie, ont imposé le colonialisme et le néo-colonialisme, ont dévasté les économies du Sud et ont soutenu le règne désastreux et répressif de dictatures corrompues, ont marginalisé les femmes et privé la jeunesse de tout droit, ont intensifié la destruction de l’environnement et laissé se répandre nation après nation, région après région, les conflits militaires sanglants, inhumains et inutiles, et ont aggravé l’exploitation des peuples pauvres de par le monde», et donné naissance aux Forums Sociaux Mondiaux .

Non sans surprise, on a appris que des entreprises minières canadiennes siphonnent systématiquement l’or, le diamant et les minéraux précieux des pays africains, en particulier le tungstène de Mombassa (Kenya), ne laissant que des miettes à la population. On parle ici de milliards de dollars, six milliards en 2004, une prévision de 14 milliards en 2010 pour quelques 600 entreprises canadiennes, administrées entre autres par d’ex-premiers ministres canadiens qui en sont actionnaires. Ces compagnies canadiennes n’ont aucune obligation contractuelle envers les populations africaines en ce qui concerne les politiques sociales et environnementales. Elles font directement affaire avec des gouvernements complices, dictatoriaux et corrompus qui n’hésitent pas à réprimer les protestations des africains par la force.

Le gouvernement canadien ferme présentement les yeux, mais plusieurs organisations comme Développement et Paix, l’Église unie du Canada et l’Entraide missionnaire et les Jésuites dans le no. de Décembre 2006 de la revue Relations, dénoncent ces violations des droits de l’homme et révèlent le hiatus entre le discours officiel et les méfaits sur le terrain. L’image d’un Canada généreux pour le Tiers monde s’en trouve bousculée !

AU COEUR DU FORUM, LES VOIX AFRICAINES
Pour la première fois dans la courte histoire des FSM, l’Afrique noire sub- saharienne a fait entendre sa voix dans le concert des nations par l’intermédiaire de ses sociétés civiles et de nombreux mouvements sociaux. Cette voix est celle des démunis, des pauvres et des déshérités qui réclament paix justice et dignité et la fin de l’exploitation des pays du Sud par les pays du Nord maîtres des grandes institutions internationales (OMC - FMI - BM -OCDE - G-8) et par des grandes firmes transnationales et multinationales qui se doivent d’amasser toujours plus de profits.

En Afrique cette voix chante, marche, danse, et rêve, à la recherche de solutions alternatives et de stratégies nouvelles. Elle s’enrichit de celle des autres et crée des réseaux d’échanges et de solidarités pour trouver comment faire, pour canaliser ces forces vives et ces énergies renouvelées et transformer ces connaissances et ces expériences en solutions réelles et concrètes à présenter aux instances démocratiquement élues, à quelque niveau que ce soit [local, national, régional et international].

PRÉSENCE QUÉBÉCOISE
Parmi les ressortissants des 145 pays présents au 7e FSM, on remarquait les Québécois à leur présence fleudelysée, tout comme à Pôrto Alegre (2003) du reste, des représentants de l’AQOCI, d’Alternatives, de Développement et Paix, de l’Entraide missionnaire, de Terre sans frontières, du YMCA de Montréal, de la CSN, du Conseil central de Montréal, des travailleurs sociaux du Centre de formation communautaire de la Mauricie, des professeurs et des étudiants en science politique, en sociologie et en histoire (Uqàm, Sherbrooke et Laval) et quelques hauts fonctionnaires canadiens en coopération internationale venus pour préparer les prochains rendez-vous d’Atlanta (USA), du G-8 de Rostock (Allemagne) et surtout du Forum Social Québécois (FSQ) du 23 au 26 Août prochain à Montréal.

LES GRANDES VOIX
Tous ces Québécois(e)s ont pu lire ou entendre, les interventions des grandes «personnalités» altermondialistes que sont, Mgr. Desmond Tutu, Kenneth Kaunda, Samir Amin, Walden Bello, Vandana Shiva, Éric Toussaint, Oswaldo Martinez, Danielle Mitterand, François Houtard, Bernard Cassen, Maude Barlow, Chico Whitaker, Aminata Traore, Vandana Shiva, Immanuel Wallerstein, John Holloway et ces femmes «Prix Nobel de la Paix» autour de la Kenyane, Wangari Maathai.

L’ex-président Kenneth Kaunda de la Zambie, qui a vu son fils mourir du sida, a fait état des campagnes de dépistage, de prévention et de traitement de cette terrible maladie endémique qui tue chaque jour plus d’êtres humains que ne l’a fait l’attentat du World Trade Center le 9 septembre 2001. D’autres ont abordé le problème de la mutilation génitale des femmes, qui demeure très préoccupant en Afrique, et notamment au Kenya.

La grande militante altermondialiste indienne, Vandana Shiva, (cf. www.ipsterraviva.net) a tenu à mettre en garde les peuples africains contre les dangers et les risques de la «Révolution verte» promue en Inde telle que promue par la firme multinationale Monsanto, en racontant les ravages considérables qui en ont résulté: le Penjab a perdu 10% de ses sols cultivables, l’eau est devenue rare et plus de 250 variétés de plantes ont disparu au profit des trois semences de Monsanto le riz, le blé et le cotton.

«Nous voulons un monde où il n’y a plus de domination des pays de l’Ouest due à la dette, mais bien un monde de respect de la dignité humaine» a exprimé publiquement Chico Whitaker, militant social de longue date à l’origine des luttes des travailleurs brésiliens et co-fondateur du Forum social mondial (FSM). La question de la dette est fondamentale parce qu’à toute fin pratique, elle empêche tout développement possible. Pour plusieurs pays, son poids correspond à 35% de leur budget national annuel, autant d’argent qui ne peut être investi en éducation et en santé alors que les taux d’analphabétisme et de mortalité infantile battent des records internationaux. La Coalition Jubilée Sud qui regroupe les mouvements sociaux africains est très active et réclame l’annulation de cette dette qui étrangle systématiquement les pays en développement. L’idée fait son chemin, de plus en plus.

DES PROBLEMES ÉNORMES...
Le programme du FSM 2007 proposait environ 1300 ateliers et 127 actions concrètes pour construire un monde axé sur la solidarité, l’égalité et la justice, des forums et rencontres sur tous les sujets brûlants d’actualité. On pouvait prendre conscience de la multitude des foyers de solutions à travers le monde, assez nombreux pour bannir la tentation de l’impuissance. Citons en vrac: la guerre au terrorisme, le développement et l’avenir de la Confédération Syndicale Internationale, l’élimination de la dette des pays en développement, les sanctions économiques contre l’État d’Israël, les avancées de Cuba en matière de santé et d’éducation, les problèmes de logement en Afrique, le modèle indien de résistance aux grandes firmes multinationales telles que Monsanto, le socialisme vénézuélien en tant que modèle ou agent de transformation sociale et de développement économique, le mouvement international de la «Ceinture verte» des femmes, «Prix Nobel de la paix», l’Appel de Bamako qui invite les peuples du Nord et du Sud à s’unir pour implanter une alternative à la mondialisation militariste et néo-libérale des États-Unis, le rôle de la démocratie et de la justice sociale dans les modèles de développement, un monde sans frontières et sans apartheid, les droits de l’homme et l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre les maladies endémiques et le SIDA, la réforme des institutions internationales (OMC,FMI, BM, ONU, OCDE, G-8), l’avenir des FSM, leur signification et leur utilité, le rappel de l’oeuvre de Franz Fanon, ce grand penseur des luttes de libération en Asie et en Afrique, etc., etc.

...ET DES PISTES DE SOLUTIONS
Les mouvements ATTAC prônent la taxation des flux de capitaux pour combattre la spéculation et dégager de nouvelles ressources en faveur des pays en développement. D’autres proposent d’imposer les investissement directs et étrangers par une taxe qui serait gérée par l’Organisation internationale du travail, d’éliminer les abris fiscaux, d’annuler la dette des pays en développement, de réformer les institutions économiques (OMC, FMI, BM) en s’inspirant de la Charte universelle des droits de l’homme comme cadre de référence. Le dossier de la souveraineté alimentaire sera débattu en France, au Japon et au Canada voire aux Nations Unies (cf. African Flame, 25.01.07., Nairobi, Kenya). Les idées de renoncement aux OGM et de contrôle des produits pharmaceutiques autrement que par les grandes multinationales, font leur chemin à l’échelle planétaire.

En Afrique du Sud, en 1999, le gouvernement de l’ANC a décidé de produire des médicaments génériques. Il a été traduit en justice par un groupe de multinationales pharmaceutiques qui invoquaient le respect de leur propriété intellectuelle. Un tollé de protestation populaire a obligé ces compagnies à laisser tomber leurs poursuites. Le gouvernement africain fort de sa Constitution a imposé l’obligation de dispenser gratuitement de la Névirapine et des médicaments antirétroviraux au grand soulagement de la population affectée par le terrible virus du sida.  

Certaines pratiques s’avèrent prometteuses: l’expérience de la démocratie participative par les citoyens de Porto Alegre et le développement du micro crédit en milieu rural au Niger ou au Bangladesh sont de réels succès. En Tanzanie, malgré le poids paralysant d’une dette de 7,5 millions de $, les citoyens ont obligé leur gouvernement à rompre les contrats de 102 millions de $ contractés avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et une compagnie kenyane locale pour la privatisation de l’eau. Ils ont réussi à rompre le cycle infernal enclenché par les grandes multinationales qui mettent la main sur les transports publics, les télécommunications, l’éducation et la santé, l’eau potable, l’énergie et le logement social. Elles ont alors toute latitude pour fixer les prix, inabordables par les plus pauvres qui forment la majorité des populations dans les pays en développement.

Les Nigériens ne reçoivent que
30% des recettes générées par la vente du minerai
contre 70%
pour les compagnies exploitantes

On a appris que le Nigeria, 4e producteur mondial d’uranium, exporte son précieux minerai pour alimenter les centrales électriques en Occident. Or seulement 9% de la population a accès à l’électricité. De plus, depuis les années 60, les Nigériens ne reçoivent que 30% des recettes générées par la vente du minerai, contre 70% pour les compagnies exploitantes. De cette richesse qui vient de leur pays, les Nigériens ne profitent en rien et, pendant longtemps n’en savent rien. Mais les dégâts environnementaux (déforestation et désertification) et sociaux causés par cette exploitation sont maintenant révélés, même s’ils n’intéressent pas encore les grands médias.

Petit à petit, petite victoire après petite victoire,il est permis d’entrevoir un autre monde, un monde plus juste où l’homme sera véritablement placé au c’ur du développement, un monde où l’économie sera au service de la société et non la société au service de l’économie.

MALGRÉ LE SILENCE DES MÉDIAS
On peut s’étonner du fait que les grands médias n’aient que très peu couvert un événement mondial aussi important. On a pu lire quelques articles dans Le Devoir et quelques quotidiens français comme le Monde diplomatique et l’Humanité ainsi que dans les journaux kenyans, et entendre une mention par Radio-Canada, des miettes bien timides par rapport à la couverture du Forum Économique de Davos en Suisse par les grandes chaînes mondiales de télécommunications.

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, et l’effondrement du système communiste en 1991, les grands médias écrits et électroniques accordent beaucoup de place à la mondialisation libérale en tant que système économique, commercial et financier dominant. C’est un peu normal car les médias appartiennent presqu’en totalité aux entreprises de presse d’obédience néo- libérale.

La révolution altermondialiste a dû trouver d’autres canaux de diffusion. Grâce aux nouvelles technologies de communication et en particulier à Internet, les voix altermondialistes se font maintenant entendre dans tous les milieux de la société civile, dans les institutions d’enseignement collégiales et universitaires et dans les forums sociaux publics où elles font oeuvre d’éducation. Rappelons, avec la canadienne Maude Barlow, que la «Bataille de Seattle» 1999 qui a révélé la force de l’anti-mondialisation s’est organisée grâce à la toile et aux réseaux de communication par Internet.

Le grand défi altermondialiste est de sensibiliser tous ceux qui n’étaient pas là et de faire en sorte que cet immense événement ne demeure pas une rencontre «privée» sans effets concrets. Les FSM n’ont que très peu de budget à consacrer aux communications. Les salles de presse y disposent de technologies rudimentaires même si, à Nairobi, l’Institut Panos a fait un travail remarquable pour la cohésion sociale des médias en Afrique de l’Ouest (cf. Renaud Philippe, La marmite sociale, Fév. 2007).

GRÂCE AUX FSM, LE MONDE CHANGE
Après chaque FSM les mêmes questions reviennent: le mouvement n’est-il pas en train de s’essouffler ? Ne devrait-il pas se politiser davantage et passer à l’action directe ? Qu’est-ce qu’il apporte ou change dans nos pratiques militantes ? Pourquoi les médias en ont-ils si peu parlé ? Quelles sont les perspectives d’avenir pour les FSM 2008 et 2009 ?

Les foules qui participent aux FSM sont de plus en plus nombreuses, aguerries, conscientisées et militantes. Elles proviennent de tous les continents et de presque tous les pays. Le premier FSM de Porto Alegre réunissait 15 000 personnes. Celui de Mumbai en Inde, 150 000, autant au Forum polycentrique de 2006 et plus de 60 000 à Nairobi, Kenya, ce qui en fait le regroupement international le plus important de l’Afrique. Loin de s’essouffler le Forum Social Mondial grandit et essaime partout sur la planète des événements locaux, régionaux, nationaux et internationaux. Il redeviendra mondial en 2009.

En formant des personnes qui rayonnent dans leurs milieux respectifs, le FSM gagne en influence dans les grandes institutions internationales qui ne peuvent plus ignorer les exigences d’un partage plus équitable de la richesse mondiale. De nouveaux alignements de pays du Sud (Brésil, Inde et Afrique du Sud) diversifient le discours et font entendre leur voix à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Quelques pays réussissent à s’affranchir du Fonds Monétaire International (FMI) et de ses impératifs «d’ajustements structurels». L’AMI a été débouté et la ZLÉA est oubliée. Quant au Cycle de Doha, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est dans l’impasse.

La coalition de pays Jubilé Sud réclame l’annulation de la dette du tiers-monde. Un peu partout on réclame la taxation des transactions financières, la réduction des émissions de CO2, l’élimination des paradis fiscaux, la promotion de la souveraineté alimentaire ou le financement international de biens publics mondiaux. Il s’agit maintenant de mettre d’accord des dizaines de gouvernements dans le monde (150 à l’OMC et plus de 180 au FMI) et de les obliger à une redéfinition politique et économique mondiale qui doit transformer l’ONU.

Déjà un accord sur la diversité culturelle est en voie d’être de se concrétiser à l’UNESCO, signe que de grands changements sont encore possibles quand ils sont voulus par des peuples solidaires éveillés par les sociétés civiles nourries de la multitude des mouvements sociaux.

Un nouveau Forum Social des Alternatives
est à pied d’œuvre
pour trouver d’autres lieux de débats approfondis
qui conduisent à des actions communes

Un nouveau Forum Social des Alternatives est à pied d’oeuvre pour trouver d’autres lieux de débats approfondis qui conduisent à des actions communes. En Amérique latine le mouvement des mouvements est à l’oeuvre et plusieurs pays se sont dotés démocratiquement de gouvernements socio-démocrates de gauche qui stimulent une nouvelle conscience altermondialiste continentale. Petit à petit, une nouvelle conscience planétaire est en train de naître. Elle prépare l’émergence d’une humanité solidaire capable d’inverser la course folle vers l’anéantissement de notre petite planète.

L’AVENIR DES FORUMS SOCIAUX MONDIAUX
L’année 2008 sera une année de repositionnement tactique où se tiendront sur tous les continents, simultanément ou en alternance, des forums locaux, régionaux, nationaux et continentaux dont les travaux seront présentés lors du 8e Forum Social Mondial en 2009. Plusieurs villes se positionnent déjà pour la tenue de cet immense événement qui devrait «changer la face du monde», peut-être une autre ville sur le continent africain, ou Bahia au Brésil... Cette fois, le FSM va tout mettre en ‘uvre pour s’assurer de la présence de la Chine et d’une plus forte représentation des pays d’Europe de l’Est.

Loin de s’essouffler, le mouvement des mouvements prend de la force. Il est en train de devenir un acteur incontournable dans les prises de décisions universelles qui concernent l’humanité du XXIe siècle. Il sera présent au G-8, à Atlanta et, ce qui nous touche de plus près, à Montréal du 23 au 26 août 2007.

Fait à Québec le 4 mars 2007.


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