Un Gouverneur pour Québec? |
La région de Québec rêve-t-elle lorsqu'elle imagine des stratégies de sortie de morosité économique en regardant dans la boîte à outil des marchands d'ouverture sur le monde? Autrement dit, est-il raisonnable d'imaginer ainsi de nouvelles perspectives de développement et une place au soleil pour Québec en tant qu'acteur valable sur la scène de l'économie-monde qui se met chaque jour un peu plus en place sur notre planète? Pour certains, un tout petit nombre, la réponse est dans la question. Plusieurs font plus semblant de jouer le jeu et ne le mène pas du tout, ils suivent la parade, la mode. Mais les phénomènes qui nous travaillent ne sont pas des modes. Des forces titanesques, dignes des plus belles révolutions tranquilles imaginables, tenaillent notre confort d'apparence, notre qualité de vie. En sursis? Peut-être, si on reste passif et laisse les autres s'organiser et en même temps NOUS organiser! Alors que faire? Québec, Monaco de l'Amérique! En 1960, la volonté du prince Rainier d'amener dans sa principauté richesse et investissements avait fait de sa cité un paradis de la fiscalité, du jeu de hasard, du tourisme et des grands congrès internationaux. Pionnier de son temps, il a fait de son Gibraltar un succès. Aujourd'hui, le jeu ne représente que 4% des revenus de Monaco. La zone industrielle du Front de l'Île, à l'Ouest, qui a été gagnée sur la mer, loge des industries qui font maintenant la fierté de Monaco. Être pionnier, quatre décennies plus tard, signifie être un paradis de l'immigration, de la sécurité, de la médiation internationale, de la recherche et de la formation continue, dans un environnement sain où la nature a encore sa place! Est-ce que le prince Albert sera le digne successeur de son père où est-ce une autre ville-région du monde qui saisira la balle au bon? Québec, en 1997, est par exemple une ville à grand potentiel d'immigration, contrairement à Montréal, qui l'était, mais l'est de moins en moins parce qu'elle dépasse sa capacité naturelle d'intégration. Loin d'avoir fait le plein, la région de Québec compte environ 35 000 habitants d'origines autres que française ou anglaise, 5% de sa population! Doubler ce chiffre et le rapport est encore quatre fois moindre que celui de Montréal, où près de 40% de la population doit relever le défi de l'intégration à la majorité. Imaginons seulement ce que ferait notre région avec 35 000 nouveaux habitants? C'est comme ajouter cinq Sillery, ou cinq Vanier! Que font nos élus? Partout, l'heure est aux réformes. L'assainissement des finances publiques fait débouler la réorganisation de nos institutions. Dans tout ce remue-ménage, des projets de réorganisation des structures régionales cogitent dans la tête de certains maires et ministres. Voir Montréal aller de l'avant avec sa réforme et sa Commission de la métropole pourrait servir de prétexte à réclamer une solution semblable pour Québec. En mettant récemment sur pied Montréal International, nos gouvernements ont aussi fait un pas dans le contexte montréalais. Mais la réalité de la région de la capitale n'est pas celle de la région de la métropole. Au titre de la nécessaire ouverture à l'international, les 650 000 habitants de la région de Québec doivent aussi trouver leurs réponses à ces questions. Individuellement, aucune ville de la région n'a la capacité de regrouper des ressources permettant un travail sérieux d'intervention sur la scène internationale. L'actuel maire de Québec l'a compris et la dernière fois qu'il a accepté de quitter son Hôtel-de-Ville pour participer à une mission économique - pourtant dans une des villes avec laquelle Québec développe un jumelage - c'est qu'il était invité aux frais de la SPEQM. Et il a presque raison de devenir casanier. Il ne veut plus se retrouver à défendre devant ses 167 000 citadins des factures à "mauvaises réputations". La réalité est crue, mais le budget d'une ville de 167 000 habitants a une limite que l'on atteint rapidement en matière de capacité à supporter une politique de développement à l'international. Lorsqu'on arrive à la deuxième ville en importance, à moins de 75 000 habitants, on arrête tout simplement d'en parler. Avec une région métropolitaine d'un million d'habitants, seule capitale politique d'un État de culture |
francophone en Amérique du Nord, Québec n'a pourtant pas de faveur à demander à personne pour prendre une place honorable dans le concert des acteurs de la scène internationale. Personne, cependant, ne la lui donnera gracieusement. Donnons-nous les moyens de nos ambitions. Mondialiser nos élus A l'heure où notre région s'éveille comme jamais aux nécessités du rayonnement international, l'inadéquation de nos structures municipales devient préoccupante. Présentement, elle n'est qu'une agglomération de petites et très petites villes. En novembre, Québec et Sainte-Foy, les villes 1 et 2 de la quarantaine que compte l'agglomération, se choisiront un maire. A l'échelle individuelle, ils n'auront, pas plus cette fois que les précédentes, un véritable intérêt à prendre des engagements dépassant les enjeux de qualité de trottoirs et de factures d'équipement régional. Comment s'attendre à autre chose? Serait-il responsable, pour des candidats qui en moyenne pour l'agglomération du grand Québec métropolitain se retrouveront à la tête d'une municipalité d'environ 14 000 habitants, de se lancer à promettre sérieusement une ville "internationale"? On a donc les élus qu'on mérite, encore une fois! Pendant ce temps, d'autres régions se concertent, décident sans nous. Pendant que le monde s'internationalise, bâtit des réseaux à la dimension de la planète pour la première fois de l'histoire de l'humanité, nos villes se regardent comme chiens de faïence, plutôt que de s'allier face au reste du monde et aux opportunités de développement économique. Dotée d'une prestigieuse université, d'institutions réputées, siège d'une capitale unique en Amérique, l'agglomération de Québec dans son ensemble a pourtant une place légitime à prendre sur la scène internationale. Tout ceci rayonne et fonctionne, malheureusement en orphelin politique. L'agglomération est en situation d'incapacité structurelle de compter sur un leader politique en mesure d'assumer correctement des engagements, des initiatives, un leadership, des responsabilités. Dans cette chasse au positionnement mondial qui mobilise le Québec tout entier, vaut-il mieux mettre de l'avant les atouts d'une seule ville, de deux, de 13, de 40? Évitons l'alternative des fusions, encore improductive. Reste la voie de la CUQ. Ce n'est pas parce qu'elle ne s'appelle point CUQ Internationale que la Communauté urbaine de Québec est à côté du coche. C'est parce qu'on n'y trouve aucun intérêt envers la chose que sont brimés les intérêts du demi million de personnes qui résident sur son territoire et du million d'habitants de la grande agglomération pour qui la CUQ devrait être le coeur, le moteur et le leader en terme d'initiative importante de développement. Pour faire avancer la CUQ et la région, on pourrait procéder à l'élection, à date fixe - aux six ans! - d'un Gouverneur du Grand Québec métro, avec mandat de représenter la région à l'étranger et dans les structures internationales, accompagné des maires qui le désire! Il pourrait être élu par un collège électoral formé de l'ensemble des élus municipaux-provinciaux et fédéraux du territoire. De la sorte, ce mécanisme électoral contribuerait du même souffle à valoriser le rôle de nos élus. Un Gouverneur pour Québec ne serait d'ailleurs rien de nouveau, l'époque de la Nouvelle-France nous en a donné plusieurs. Il s'agit simplement de moderniser cette fonction. Et les charmes et forces réunis du grand Québec et grand Montréal ne sont pas trop pour séduire l'étranger qui regarde aussi Toronto, Boston, New York, la côte ouest et le Mexique. Tout miser sur Montréal, à l'international, c'est priver la stratégie du Québec des bonnes cartes que représentent le port en eaux profondes de la capitale, ouvert à l'année, que Montréal n'offrira jamais, ou encore une qualité de l'air et de l'eau qui attire les multinationales et les investissements. Daniel Allard Rédacteur en chef |