FAUT-IL JUMELER QUÉBEC ET LA HAVANE?

 

À l'initiative du Centre de commerce international de l'est du Québec (CCIEQ), un "Sommet cubain" se tient à Québec dans quelques jours. Avec un ministre en tête, une importante délégation de Cuba vient discuter d'opportunités d'affaires et d'occasions de développement mutuellement favorables.

Le dynamisme de la nouvelle équipe du Bureau des relations internationales de la ville de Québec nous a habitué, depuis quelques temps, aux cérémonies de signatures. Plusieurs passages récents de délégations étrangères ont conduit à des ententes d'amitié, de coopération ou de jumelage. La liste des villes partenaires avec Québec comporte maintenant dix noms: Albany, Bordeaux, Calgary, Cannes, Changchun, Montevideo, Namur, Paris, Xi'an et le Département du Rhône. Les ententes avec Cannes, Montevideo et Xi'an ont été signées dans les derniers mois. Faut-il ajouter La Havane, capitale d'un pays si cher à bien des touristes québécois?

Quelques liens concrets rapprochent déjà les deux villes. Comme Québec, La Havane est membre de l'Organisation des villes du patrimoine mondiale (OVPM), une organisation internationale dont le siège est à Québec et que le maire de la ville de Québec préside toujours. Il est aussi intéressant de découvrir que La Havane et Québec font maintenant partie des 19 villes avec lesquelles Montevideo est partenaire. Enfin, comme le Québec en Amérique du nord, que représente, en fait, Cuba: la différence! La différence et la diversité par rapport au modèle américain.

Mais une raison beaucoup plus pertinente pèse en faveur de cette idée de jumelage. Des dizaines de millions de dollars devront être consacrés à la restauration de la vieille ville historique de la capitale cubaine dans les prochaines années. Tout ceux qui ont visité récemment La Havane conviennent de l'ampleur du défi. La restauration et la protection du patrimoine sont des points forts de Québec. C'est même à Québec qu'une autre organisation internationale stratégique, le Conseil international des métiers du patrimoine (CIMP), a aussi son adresse. Encore mieux, les gens du CIMP ont déjà de solides liens avec Euzebio Leal Spengler, l'historiador de la ciudad de La Havana.

Fin mars, plusieurs musiciens américains très connus se rendront à La Havane pour écrire des chansons en compagnie d'artistes cubains et présenter un concert en plein air. Ca bouge dans la "Grande île"! Le "timing" sur Cuba est bon pour les gens d'affaires: "il faut se positionner immédiatement avant que les Américains débarquent trop en force", affirment-ils tous.

Il l'est aussi pour les villes. Celles-ci ne sont pas des poids lourds des relations internationales et peuvent se permettre des actions, qui seraient trop engageantes pour un État. Le Canada se fait un point d'honneur d'user d'une stratégie complètement différente que la méthode américaine envers Cuba. Sa politique étrangère de la main tendue et du dialogue ouvert est connue. Mais à choisir entre Washington et La Havane, Ottawa continuera de devoir privilégier la première, les intérêts en jeu sont disproportionnés. Cet état de fait s'illustre, par exemple, par l'impossibilité pour le premier ministre Jean Chrétien de rendre la politesse à Fidel Castro, en l'invitant pour une visite officielle au Canada.

Une invitation moins formelle, permettrait cependant à une région comme Québec, d'espérer créer un événement qui ne manquerait pas de saveur en matière de rayonnement international.

 

Daniel Allard
Rédacteur en chef