ET SI LA FRANCOPHONIE NÉGOCIAIT L'ALEF? |
Nous sommes 10% de la population mondiale. Les économies de nos quelque 50 pays représentent 18% des échanges commerciaux internationaux et 12% de la production mondiale. La Francophonie génère un PNB global de 3 000 milliards $. Mais hormis les efforts du Forum Francophone des Affaires (FFA), lancé lors du Sommet de Québec en 1987, rien de significatif n'incite à faire plus facilement du commerce intra-Francophonie. Les pays de la Francophonie sont souvent à mille lieues l'un de l'autre. Leurs disparités économiques n'ont rien pour aider les gens d'affaires à s'intéresser aux autres marchés francophones. Pourquoi un Québécois ignorerait ses marchés voisins du Canada et des États-Unis pour viser le Laos, le Luxembourg, l'Égypte ou le Sénégal? On ne vend pas des technologies de l'information et des produits de consommation courante de la même manière au marché Sandaga de Dakar, que dans les magasins à New York! Pour compenser ces handicaps, les leaders de la Francophonie sont jusqu'ici restés modestes de formule originale. L'Agence de la Francophonie (ACCT) a bien aidé à mettre en selle le MASA, le Marché Africain du Spectacle et des Arts, qui se tient tous les deux ans, à Abidjan, depuis 1993. Un coup de main remarquable pour la diffusion des cultures à travers la Francophonie. Mais les rapprochements culturels, qui caractérisent par définition les populations de la Francophonie et qui sont assurément un argument d'affaires, sont malheureusement insuffisants pour créer de véritables opportunités d'affaires. Peut-on faire mieux?
Une perspective qui mérite d'être étudiée La négociation d'un Accord de libre-échange de la Francophonie (ALEF) offre une perspective qui mérite d'être étudiée. Les structures de la Francophonie ont-elles seulement jamais produit un comité d'experts pour documenter la question? Si le prétexte linguistique a justifié la création de la Francophonie en tant que communauté, gardons à l'esprit que l'avantage linguistique offre également un avantage économique qui mérite probablement de mieux servir la cause du développement des pays francophones. Parlez aux gens d'affaires américains de ce qu'il leur en coûte pour bilinguiser l'étiquetage et leurs produits promotionnels, lorsqu'ils décident de faire des affaires au Québec. Toute une perspective d'avantages s'ouvre à vos yeux. En fait, cet avantage linguistique représenterait, selon des experts en marketing, un équivalent tarifaire de 10-15%. C'est à dire qu'un Québécois qui vise un autre marché francophone dispose déjà d'un avantage de l'ordre de 10-15% sur tous ses concurrents internationaux hors-Francophonie, lorsqu'ils sont obligés de franciser leur démarche. Cette évidence théorique s'observe-t-elle sur le terrain? Tous les pays de la Francophonie imposent-ils, comme le Québec, l'étiquetage en français? Comme on peut le voir, il y a matière à agir. Mettre en place un cadre juridique propre à faciliter les échanges entre partenaires du Sud et du Nord francophones n'est évidemment pas sans obstacles. Une nouvelle dynamique vient toutefois de s'enclencher au sein de la francophonie d'affaires et elle invite à l'innovation. Les Américains - et oui! - s'intéressent à ce "marché". Depuis avril dernier, le Comité national des États-Unis (FFA-USA) est bien à l'oeuvre, avec sa propre permanence officielle, à Lewiston (Maine). Désormais membres du FFA, les Américains ne sont évidemment pas là dans l'espoir d'adhérer un jour à la Francophonie des Sommets. Certains croient cependant y flairer de bonnes affaires. De Shakespeare à Molière, ils veulent saisir de nouvelles opportunités d'affaires et seront les premiers à vouloir faire du FFA un forum plus dynamique.
Québec, capitale de l'ALEF? Ces "nouveaux arrivants" ne peuvent évidemment pas prendre trop d'initiatives. Berceau du FFA, la région de Québec, elle, le peut! Elle pourrait saisir ce vent de fraîcheur qui souffle à sa porte pour avancer l'idée d'une Zone de libre-échange francophone (ZLEF). Comme elle a depuis quatre ans - grâce aux éditions de Co-Entreprise Maine/Québec - développé un lien particulier avec la communauté d'affaires franco-américaine, on peut même s'attendre à ce que cette dernière soit solidaire de cette idée. L'occasion en or de tester un tel projet se présentera dans moins de douze mois, à Monaco, en avril 1999, lors de la Première rencontre des ministres de l'économie et des finances de la Francophonie. Le Québec pourrait alors offrir d'organiser la tenue de travaux officiels sur le sujet et annoncer tout de suite ses couleurs: la capitale québécoise souhaiterait aussi accueillir le siège de l'éventuelle ALEF.
Daniel Allard |
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