Pour s'ajuster au défi de la Technorégion

Un "nouveau" GATIQ

Entrevue avec Serge Coulombe, directeur général du GATIQ Technorégion Québec/Chaudière-Appalaches



Québec Technorégion, c'est d'abord le rêve de cette petite équipe. Le Groupe d'Action pour l'avancement Technologique et Industriel de la région de Québece (GATIQ) est le réseau de leaders locaux qui a mis en branle tout le processus en 1983. (Initialement , les fondateurs étaient Le Recteur de l'Université Laval, la Société Inter-port, l'INRS et la CCIQM, à qui le CRIQ s'est rapidement associé.) Quatorze ans - et bien des acquis - plus tard, le Sommet technologique régional du printemps dernier avait été l'occasion pour l'organisme d'annoncer un virage. Dorénavant, il préconisera un conseil d'administration composé majoritairement de représentants de l'entreprise privée. C'est d'ailleurs en vertu de ce "virage majeur vers le secteur privé" que Pierre Lacroix (Roche Ltée, Groupe-conseil) a accepté d'en présider les destinées. En acceptant publiquement cette responsabilité, lors du Sommet , il reconnaissait aussi que beaucoup de travail restait à faire: "En 2010, il faudra que l'idée d'une technorégion ait dépassé le stade du rêve exotique et soit une réalité on ne peut plus présente!"

Ce virage amène également à la direction générale - en tant que premier employé de l'organisme - un homme bien au fait de l'enjeu: Serge Coulombe, auparavant directeur au Parc technologique du Québec métropolitain depuis 1993, a accepté ce nouveau défi en octobre. Complètement dévoué à la tâche, il a accordé le 9 janvier dernier une entrevue à COMMERCE MONDE Québec Capitale, pour expliquer où en est l'organisme, plus de six mois après cette importante annonce, et ce que l'avenir réserve au GATIQ, en pleine restructuration.

MISSION: Bâtir une technorégion de renommée mondiale en favorisant la création et le développement d'entreprises à forte valeur ajoutée en lien avec les forces du milieu de la recherche et du développement scientifique et technologique.


(CMQC) Pourquoi faut-il changer la formule du GATIQ, qui avait tout de même été gagnante jusqu'à maintenant?

(Serge Coulombe) "Depuis sa création en 1983, le GATIQ regroupait surtout un "sweet team" de leaders de la région, faisant pression pour que certains projets se réalisent et pour faire bouger le gouvernement en faveur de Québec. Une formule qui a bien fonctionné dans le contexte de l'époque.

Mais maintenant, le gouvernement n'a plus d'argent. Nos propres financements gouvernementaux sont d'ailleurs disparus il y a trois ans. Depuis ce temps, on essayait de relancer le GATIQ et ça ne marchait pas. Que faire? Se saborder? Changer la structure? On a finalement refait le pari de 1983, le pari d'organiser un sommet et de créer un momentum pour redynamiser les acteurs de la région. Le pari a livré la marchandise. Le Sommet de mai dernier a créé une mobilisation. Des engagements en faveur du renouveau provoquent des actions dans la bonne direction.

Depuis octobre, je travaille donc à donner une structure à ce groupe, pour le faire passer de "club" à organisme véritable, et à définir une stratégie d'action pour la technorégion toujours à bâtir.

On doit aussi dire qu'environ 90% du c.a. du GATIQ était composé de représentants d'institutions. C'était de plus en plus devenu un gros handicap, car le secteur privé ne s'y retrouvait pas. Notre défi est de faire en sorte que les entreprises deviennent partie prenante du nouveau GATIQ. Pour cela, il fallait changer les statuts, qui réservaient 17 des 19 sièges du c.a. aux institutions. (Seulement deux entreprises y étaient représentées: ADS et Roche). Avec les nouveaux réglements généraux, le c.a. de 15 membres réservera une majorité de sièges au secteur privé."

 

(CMQC) Que pourra faire de plus le nouveau GATIQ?

(S. C.) "Le nouveau GATIQ ne sera plus seulement un "club" à faire du lobbying. Dorénavant doté d'une véritable structure d'organisation, il va élargir son action. Doté d'une véritable permanence, il fera de la veille et beaucoup plus de travail terrain. Selon le plan d'action, qui sera adopté par les membres du nouveau c.a. en février, il agira dans cinq champs d'intervention.

En coordination avec la SPEQM, nous nous sommes aussi entendus pour qu'en matière technologique, le GATIQ soit un porte-parole au niveau international pour la région.

Il fera davantage de sensibilisation directe auprès des entreprises. On veut à tout prix faire émerger l'innovation dans les entreprises. Par exemple, dans le cadre du prochain congrès de l'ACFAS, qui se tient à Québec en mai prochain, une de nos activités permettra des rencontres entre les chercheurs et des entreprises de la région.

Nous allons aussi organiser des mini-conférences thématiques sur des sujets très pointus. Ceci est, en fait, une des suites du sommet de mai. Deux activités de ce genre ont d'ailleurs déjà été tenues cet automne, pour sensibiliser le milieu des banques, des comptables et des avocats, afin de démystifier le monde de la technologie à leurs yeux.

Une fois le montage financier de ce projet complété - et c'est une de mes priorités- le nouveau GATIQ sera également en mesure de concrétiser la relance de l'Observatoire de la technorégion

 

(CMQC) Un GATIQ plus privé aura-t-il des moyens plus importants et différents?

(S. C.) "Oui, parce que d'abord il sera beaucoup plus crédible aux yeux du gouvernement. Si le GATIQ devient un moyen par lequel le gouvernement peut atteindre l'entreprise, il accroîtra son importance.

Dorénavant, les gouvernements préfèrent intervenir avec les entreprises. Le virage du GATIQ vers le secteur privé en fait déjà un organisme plus fort. De plus, nous aurons des ressources du milieu.

Le GATIQ a longtemps fonctionné avec 50 000$ par an et des prêts de fonctionnaires - pendant plus de 10 ans- pour sa permanence. Il n'avait même pas de compte de banque jusqu'à récemment, c'est l'INRS qui gérait ses fonds. (L'incorporation de l'organisme a eu lieu en 1994. Il devient alors le GATIQ Technorégion Québec/Chaudière-Appalaches.) Avant l'organisation du dernier sommet, il logeait très modestement à la Chambre de commerce (CCIQM).

Maintenant, j'ai choisi de loger au coeur du monde technologique de la région, au centre d'affaires du PTQM. D'ici trois ans, on vise un budget annuel de l'ordre de 500 000$ et une permanence de 3-4 personnes. Déjà, j'ai une secrétaire à mi-temps que je partage avec le PTQM et un stagiaire."

 

(CMQC) Allez-vous mettre les entreprises directement à contribution au niveau financier?

(S. C.) "On estime qu'il y a 1 000 entreprises innovantes sur le territoire Québec/Chaudière-Appalaches. L'objectif, c'est que 30% adhèrent à un membership et acceptent de payer une cotisation dans les 500/600$ par année, pour amasser de la sorte 200 000$.

Je sais que certaines entreprises technologiques de la région de Québec payent jusqu'à 5 000$/an pour être membre de la CATA (Canadian Advanced Technology Association), à Ottawa. Je pense qu'elles n'hésiteront pas à devenir membre d'un GATIQ qui veut aussi les représenter et agir pour leur développement, ici à Québec.

Mais nous visons trois sources de financement: les cotisations, de même que des subventions fédérale et provinciale et enfin des revenus contractuels d'impartition, en tant qu'intervenant au nom du CRCDQ, entre autres.

Mon plan est de négocier avec les deux paliers de gouvernement une entente de financement de trois ans où ils souscriraient chacun pour 100 000$ par année. Avec 200 000$ en cotisations des membres, 200 000$ des gouvernements et 100 000$ en divers revenus contractuels, on arrive au 500 000$ souhaités."

 

(CMQC) Pour la région de Québec, quelles sont les priorités sur lesquelles le GATIQ fera porter l'attention des autres partenaires?

(S. C.) "D'abord s'assurer de maintenir les acquis. Il est ensuite primordial de concrétiser rapidement l'Observatoire, qui permettra de réaliser le travail de terrain et d'enquêtes nécessaire pour préparer les actions futures. C'est notre base. Il faut absolument mieux connaître l'état des lieux, afin d'être toujours crédible dans nos interventions. Cet objectif est très important à mes yeux et on y est presque, d'ailleurs. Il faut 80 000$ pour démarrer l'Observatoire. On a actuellement 20 000$, grâce à quatre contributions de 5 000$, et l'Université Laval offre l'équivalent de 30 000$ en services. Il manque donc encore 30 000$.

Ensuite, comme priorités, j'ajouterais qu'il faut stimuler le financement de la recherche médicale dans la région et cibler le soutien au développement des entreprises technologiques."

 

(CMQC) Croyez-vous que le Parc technologique du Québec métropolitain (PTQM) et l'avenir de la région seraient en meilleure position si le territoire du PTQM appartenait à la CUQ dans son ensemble, plutôt qu'aux villes de Québec et Sainte-Foy uniquement?

(S. C.) "Il faut dépolitiser le PTQM. Car c'est ce qui l'empêche de fonctionner. Sa structure doit être semblable à celle des entreprises qui y logent: flexible et capable de réagir rapidement. Actuellement, le parc dépend de trois paliers de gouvernements. La solution: privatiser! Et je me réjouis de constater que c'est ce qu'il y a dans l'air, actuellement.

Le gouvernement du Québec dit depuis trois ans à la région: "Ramassez-le, j'en veux plus!" et le fédéral a dit de son côté qu'il ne financera plus d'organismes publics du genre. Si le parc technologique devient privé, le fédéral recommencera à le financer immédiatement. Actuellement, je considère que le PTQM est en danger. Il souffre d'une instabilité financière, qui provoque une instabilité dans l'action, qui à son tour donne une image moins luisante.

Le budget annuel du PTQM est actuellement de l'ordre de 800 000$, alors que les taxes des entreprises du parc rapportent globalement 5M$ par an à la Ville de Québec et surtout à celle de Sainte-Foy. Si votre question suggère de faire du PTQM une "ZONE BLANCHE", où l'ensemble des revenus de taxes foncières irait au développement du parc, je n'ose même pas penser à tout ce qu'on arriverait à accomplir. Ce serait le rêve! Là, on aurait les moyens de faire cette "ville dans la ville", de concrétiser le concept même derrière l'idée de création de ce parc à l'origine. Mais cela m'apparaît tellement improbable que je refuse d'y penser."

 

(CMQC) Au nom des lecteurs de COMMERCE MONDE, merci pour ces explications et meilleurs voeux pour votre nouveau défi et l'année qui commence.