Le commerce Québec-Angleterre: est-ce possible?

Par Patrick White

Correspondant de Commerce-Monde à Londres

LONDRES ­Mis à part les affaires de la famille royale, les fait divers et la politique britannique, on connait fort peu de choses de l'Angleterre au Québec. Par ses racines francophones, le Québec est davantage attaché à la France. Or, l'Angleterre a beaucoup à offrir au Québec au plan du commerce mondial. Il faut cependant bien se préparer, avant de s'aventurer au Royaume-Uni.

Au fait, il faut d'abord bien faire la différence entre la Grande-Bretagne, l'Angleterre et le Royaume-Uni! La Grande-Bretagne n'existe pas. C'est un ancient concept territorial. Même en anglais, Great-Britain n'est plus utilisé. L'Angleterre est une province du Royaume-Uni, qui comprend le sud et le sud-est du pays. Les deux autres provinces sont le Pays de Galle et l'Écosse. Enfin, le Royaume-Uni est le pays qui réunit l'Irlande du Nord et les trois provinces anglaises (Britain, en anglais). Londres, la capitale, est souvent considérée comme le centre du monde. Sa position par rapport aux fuseaux horaires est enviable: lorsque l'Asie termine sa journée, le marché financier de Londres est déjà ouvert. Lorsque la Bourse de New York ouvre, celle de Londres est toujours en fonction. La situation géographique de l'Angleterre par rapport à l'heure GMT et aux autres continents en fait un endroit privilégié pour faire du commerce.

Londres est le troisième plus grand centre boursier au monde, après New York et Tokyo. C'est cependant le plus grand centre financier au monde. On y transige 1,4 trilliard $US tous les jours, en devises étrangères. La Bourse de Londres -le Financial Times Stock Exchange- voit des transactions de plusieurs centaines de milliards à tous les jours. La Bourse des métaux, qui fixe le prix de l'or, de l'argent, du bronze, de l'aluminium, du cuivre, du zinc et du nickel, est la référence mondiale. La Lloyds of London, la plus grande entreprise d'assurance au monde, supervise les transactions d'assurance de presque tous les bateaux et avions du monde, ainsi que les désastres naturels. Le port de Londres est considéré comme un des plus grands sur la planète et le London Baltic Exchange est l'endroit où on enregistre les départs et arrivées des navires du monde entier.

Avec ses 10 millions d'habitants, Londres se veut une des villes les plus cosmopolites. Toutes les langues s'y parlent et le français a une place de choix. N'oublions pas que le français a été longtemps la langue officielle de l'Angleterre et que près des deux tiers des mots anglais proviennent du francais. Il y a donc une vibrante communaute française, ici, en Angleterre.

Le Québec fait beaucoup plus de commerce avec le Royaume-Uni qu'avec la France. Si ma mémoire est fidèle, la Délégation du Québec a Londres est une des seules qui a vu son personnel augmenter depuis les coupures effectuées l'an dernier par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard. L'Angleterre est un ancien Empire. C'est une nation de commerce et d'échange. Le commerce se fait à Londres depuis l'an 400! L'infrastructure y est formidable: cinq aéroports, un système de métro gigantesque, des autoroutes partout, un port facile d'accès, le plus grand centre des télécommunications au monde.

L'économie se porte très bien ici. Le Royaume-Uni vit une période de renaissance depuis l'arrivée au pouvoir du Parti Travailliste de Tony Blair en mai dernier. Les Conservateurs étaient au pouvoir depuis 1979. Blair, dans la quarantaine, a déjà reçu plus de 93% de support populaire et a insufflé un vent de fraîcheur et de jeunesse sur ce pays. On sent qu'il y a un vent nouveau qui frappe et la confiance des consommateurs et des entreprises est très élevée. C'est un fait. On sent qu'il se passe quelque chose de positif dans ce pays.

Pour faire du commerce au Royaume-Uni, il faut d'abord comprendre qu'il n'y a pas de privilèges accordés aux Canadiens. Le Canada, même s'il est membre du Commonwealth, ne jouit pas d'avantages au plan légal. Pour venir s'installer ici, il faut un visa de travail. Il faut justifier son déménagement. Le coût de la vie est le double ou le triple de celui au Canada. Les appartements et les maisons coûtent le quadruple du Canada. La vie y est chère. La livre britannique se transige actuellement a près de 2,45$CAN. Le pound réduit de façon drastique notre pouvoir d'achat. Le coût des communications téléphoniques est faramineux: on doit même payer les appels locaux.

Le niveau de taxation au Royaume-Uni est beaucoup plus faible qu'au Canada et cela est un grand avantage. Le gouvernement britannique n'intervient pas beaucoup dans la vie quotidienne des entreprises et des citoyens. Par ailleurs, il n'y a pas de salaire minimum. Les secteurs qui sont actuellement en croissance ici sont les télécommunications: l'Internet, les téléphones cellulaires, l'informatique. Le Net ne s'est pas encore développé comme en Amérique du Nord et le pays est en retard à ce niveau. Deuxièmement, les services à la clientèle n'y sont pas du tout développés et c'est un problème majeur. Il y a aussi un avenir quant aux développements immobiliers: l'Est de la ville de Londres, près du secteur des Docklands (Canary Wharf). On y prévoit des projets majeurs pour les 15 prochaines années. Enfin, le domaine de l'environnement et du recyclage est sous-exploité.

Il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni fait partie de l'Union Européenne, mais qu'elle ne sera pas dans l'Union Économique Monétaire (UEM). Pas avant 2003, tout au moins. L'UEM va introduire une monnaie unique (l'euro) dès le 1er janvier 1999. Le Royaume-Uni sera donc exclu de tout le processus de l'intégration monétaire en Europe. Cela aura-t-il des effets négatifs sur le développement économique de ce pays? Telle est la grande question qui divise les Anglais, cet automne.

(Pour contacter Patrick White: patrick_white@hotmail.com)